22 novembre 2024
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Printemps berbère : substrat fondateur de l’Afrique du Nord 

20 Avril 1980 / 20 Avril 2001

Printemps berbère : substrat fondateur de l’Afrique du Nord 

« La première condition nécessaire pour exister est d’avoir un nom qui vous soit propre, qui ne soit pas dérobé, usurpé ou imposé ». Jean AmroucheJournal (1928-1962) 

Repère fondateur dans la quête des racines et de l’identité millénaire et originelle, autant un moment de rupture proclamant, pacifiquement, la mise en perspective d’un projet démocratique et républicain, 20 Avril 80 et le Printemps noir sont deux entités indissociables d’une matrice émancipatrice.  

Nonobstant les tentatives d’aliénation, de folklorisation et de nivellement par bas, la filiation de ces deux mouvements d’avril avec tous les combats menés – sous l’arbitraire – depuis la naissance de l’Etoile nord africaine, à l’initiative de Imache Amar et sa génération, a résisté  aux errements de l’Histoire.

A l’analyse sereine, force est de relever que toutes les luttes, que parcourt chaotiquement l’Algérie sur la voie des expressions démocratiques, étaient contenues dans les plateforme des deux Printemps : l’essentiel des droits libertés fondamentaux, et les droit humains de la cité: liberté de réunion, d’expression, de culte, de la presse … ; citoyenneté, légitimité authentique, démocratie participative…

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Ces valeurs étaient les caractéristiques de la société de tolérance, d’ouverture, de pluralisme,  appelée de leurs voeux par les militants progressistes, rédacteurs du Manifeste Idir El- Watani, de 1949 : « La démocratie, que nous érigeons comme notre troisième principe d’action, veut dire strictement « Gouvernement du Peuple ».

Mais de par le monde entier ce terme a pris un sens plus large, il implique la liberté et le plein épanouissement des hommes, il représente l’aspiration la plus chère de tous les peuples.

Le Peuple algérien, dont les énergies sont tendues vers la conquête de son bonheur, aspire lui aussi à la démocratie, qui en est la condition. L’amour de la démocratie a été chez l’algérien une caractéristique constante au cours de son histoire et il en reste des traces dans certains traits de sa vie. Mais cet amour n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui, où le Peuple algérien, assoiffé de cette démocratie, lutte pour sa liberté politique, pour faire respecter sa dignité, ses biens, son culte et tout son patrimoine culturel.

C’est pourquoi nous posons aujourd’hui la démocratie comme un principe permanent, qui nous guidera aussi bien dans la lutte actuelle anti-impérialiste, que dans le relèvement futur de notre Nation ».

En réponse à cette aspiration et exigence vitale du peuple libéré du joug colonial,  que prison, embastillement de la pensée, gaz lacrymogènes, balles réelles… et l’exil. Ce depuis l’assassinat du concepteur de l’État démocratique et social, Abane Ramdane.  

Idir- El Watani 1949- 20 août 1956 – 20 Avril 1980 : démocratie, libertés, laïcité

Se voulant une Réhabilitation de l’histoire fondatrice de la nation, cristallisée par la plateforme issue  du séminaire de Yakouren de août 1980, le parcours des militants de la clandestinité se confond avec le cheminement du combat pour les libertés.  Qui prolonge et vivifie celui des pères fondateurs. Une savante culture politique, basée sur l’exigence réflexive, a entériné l’adhésion de la population atours du sigle MCB (Mouvement culturel berbère).

A cet égard, Octobre 1988  n’est que la secousse cyclique en écho à Avril 80, qui prend sa graine au travers des bases et valeurs esquissées par la Kabylie, laboratoire de la démocratie algérienne. 

Souvent néantisée et niée, la crise anti-berbère de 1949 qui a prémonitoirement soulevé les problématiques cardinales de l’édification républicaine – d’ordre doctrinale, politique et institutionnelle-, d’une frappante actualité, est du même acabit que le Congrès de la Soummam.

Congrès révolutionnaire fécond qui concevait la Libération comme lutte d’essence démocratique :  « C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité…C’est enfin la lutte pour la renaissance d’un Etat algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues ».

En tous points, Avril 80 a pris acte de la nécessaire actualisation du projet soummamien et les sources antérieures aux données culturelles et sociétales. Dans la lignée des grands moments des luttes démocratiques de l’Histoire universelle. 

L’épopée du Printemps berbère est d’autant plus décisive en ce que, grâce à la bravoure de ses initiateurs et la résistance populaire, elle irriguera tous les mouvements postérieurs. De même qu’elle nourrit un rêve multigénérationnel : la conquête interminable d’une terre berbère, rebelle, plurielle, libre et apaisée.

Matrice et projet du Printemps berbère

« C’est dur de lutter contre une telle couche d’aliénation. Pendant ces treize siècles, on a arabisé le pays mais on a en même temps écrasé le Tamazight, forcément… ». Kateb Yacine. 

En somme, le substrat du projet prôné pat Tafsut imazighen est la diversité linguistique, les Droits humains, la consécration effective des Droits et libertés et ses attributs naturels : l’égalité homme-femme, la séparation du culte du jeu politique, la reconnaissance des spécificités régionales comme vivier à l’essor national. Et la construction nord-africaine.

En cela, il est permis d’apprendre des témoignages das acteurs du Printemps berbère,  d’une part,  que de par sa méthode pacifique et son ancrage mémoriel et identitaire, Avril 80 est sans précédent dans la sociologie politique de l’Afrique du nord.

D’autre part, l’impact intemporel de cette rupture radicale n’a pas fait l’économie des confusions, et tentatives de transgression de son sens profond. 

Il reste que,  aussi bien pour les 128 jeunes lâchement assassinés en avril 2001- dont la justice et la vérité restent une dette nationale, que les marcheurs de la Révolution citoyenne, Avril 80 est le référent unitaire du combat démocratique pacifique. 

Construction Nord-Africaine

« Une géographie commune, un passé commun –l’histoire nous a laissé trace de cette vaste patrie de Massinissa et d’Ibn-Toumerth- des frontières de séparation plus factices que réelles et renforcées seulement par le colonialisme dans des buts de division, un joug commun, des aspirations communes, voilà qui plaide largement en faveur d’une coopération toujours plus étroite du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie.

Et que l’un des premiers mouvements nationaux en Afrique du Nord ait été un mouvement nord-africain, c’est là plus qu’un symbole, l’expression d’une profonde réalité.

Certes, le colonialisme a pu, profitant de notre ignorance et de notre dénuement, utiliser l’un contre l’autre dans des répressions sauvages, les divers éléments de l’Afrique du Nord, mais voilà qui ne doit plus se renouveler. Ne pas prendre conscience de notre solidarité serait un crime, ne pas travailler à la concrétiser et à la renforcer en serait un autre », extrait de la brochure Idir El-Watani, L’Algérie libre vivra, 1949.

Entité géographique à part entière, unie par un substrat berbère et un passé numide glorieux, adossée aux illustres héritages grec et romain, depuis la naissance de l’idée libératrice durant les années 20, les mots d’ordre de l’Etoile Nord-Africaine, demeurent des vérités qui s’ imposent. Des vérités indéniables. Les militants nationalistes et démocrates s’en sont imprégnés :  les destins des trois peuples de l’Afrique du Nord sont liés. 

De fait, l’émergence de l’union des peuples de la grande Berbérie (Tamazgha), conduit immanquablement à la « prospérité, à la grandeur et à la défense du patrimoine nord-africain ». Idéale porté par  la Conférence de Tanger,  du 27 au 30 avril 1958, où des partis nord-africains ont affirmé leur ferme résolution à bâtir une fédération régionale.

Dépassant son giron naturel, le message d’Avril 80 est repris au fin fond de la Libye, de la  l’oasis de Siwa en Egypte, des îles Canaries. Le sens de l’identité et la mémoire berbère, cristallisent l’attachement à une longue et riche Histoire. Couplées avec les aspirations démocratiques des citoyens du monde, soumis à des régimes hégémoniques. Encastrés, eux, dans leur illusion insensée de mater indéfiniment le peuple souverain. Et rechignent à concevoir que la parole libre, le droit, et le débat sont les instruments de la paix. Seule issue à l’impasse historique de la collectivité.

Depuis avril 1980, partout en Afrique du Nord, chez la diaspora berbère, le retour aux racines est revendiqué comme le berceau de la marche vers la modernité assumée.

Cet élan concrétise la prophétie de Mouloud Mammeri :  « Une culture n’est pas un patrimoine. Une culture n’est pas un héritage. Une culture, c’est quelque chose que l’on vit, que l’on fait vivre ». L’Amusnaw Mammeri pour qui l’issue démocratique en Afrique du Nord est assujettie à la réhabilitation et l’émancipation pérenne de l’esprit et de la mémoire berbères.

Révolution citoyenne : quelle boussole ?

Sursaut qualitatif et creuset de la conscience démocratique et citoyenne, la Plateforme de la Soummam et Avril 80, dont la substance est reprise par la plateforme d’El Kseur, sont le jalons d’une alternative crédible. 

En dépit de la chape de plomb qui pesait sur les animateurs de Tafsut, les militants démocrates, jusqu’aux jeunes et femmes marcheurs de 2019, le capital symbolique s’y rapportant est aux prises avec les subversions et les anathèmes. Or, la conscience républicaine se propage et gagne des âmes libérées du dogme:  la parfaite illustration est la réaction citoyenne, spontanée, de la plupart des régions d’Algérie à la stigmatisation et la répression des porteurs du drapeau amazigh.

Dans le même ordre d’idée, l’officialisation de tamazight, restée symbolique, non point effective en termes de promotion et généralisation de la langue de Massinissa, doit être perçue comme aboutissement inéluctable de la longue marche depuis Saïd Boulifa. C’est que, au fond, Avril 80 marque le tournant structurant d’un nouveau destin. Un nouveau projet d’un pays pluriel. Moderne. Tolérant. Qui s’inscrit dans la substance  universelle. 

Le mérite de la génération de 80 est qu’elle a saisi les enjeux de son époque et la signification du patrimoine identitaire de la terre de Jugurtha, Axel (Aksel), Apulée, Saint-Augustin, Abane … et tissé la reconstruction mémorielle, dans son espace naturel : le sous-continent nord africain. 

Par-delà les aspects organisationnels, la mise en perspective du renouveau du projet national était d’élire la réflexion, la citoyenneté et l’innovation au rang des valeurs universelles. Ce qui implique de se libérer de la mainmise sclérosante du parti unique. Et, de facto, des vents d’étouffement de l’alternative progressiste. 

En somme, Avril 1980 est l’édification définitive d’ une démocratie universelle, prolongement à la matrice du 20 Août 1956. Dont la culture, l’instruction  et la pédagogie politique sont les rudiments. Et son credo. En cela, la chanson engagée, l’Académie berbère, la JSK, les luttes progressistes des années 60 et 70… sont autant de voix, de tribunes de réhabilitation de l’identité interdite. 

Résurrection massive de l’esprit pacifique d’avril 80, la Révolution citoyenne, généreuse et grandiose, en marche ne peut se perpétuer sans projet. La relecture efficace et rationnelle du Printemps berbère et toutes les conquêtes fécondes y afférentes, conduit à postuler que le débat citoyen, apaisé et sans concession, doit délibérer sur les pré-requis et le contenu minimal intangible des slogans. 

C’est par la mise à plat des tabous et le consensus autour des principes de la démocratie universelle que le peuple en lutte sortira de l’impasse historique. Une condition sin qua non pour asseoir les remparts qui protègent des éclosions inabouties de l’Histoire.

Maître Kebir,

Avocat et chargé d’enseignements- Paris

Auteur
Maître Kebir, avocat et chargé d’enseignements- Paris

 




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