Lundi 14 septembre 2020
L’Algérie, un pays qui cherche un nom
Taruklat: Toute carte du monde contribue à codifier, à légitimer et à promouvoir la vision du monde qui prévaut à une époque et dans une société données. J.B. Harley
Parmi toutes les hypothèses onomastiques et qui hélas ne sont que de pures élucubrations linguistiques, il y a toutes sortes d’essayistes qui sans avoir la formation requise s’adonnent à de pures fantaisies toponymiques.
Nous avons pour preuve la pérennisation du mot « Maghreb » certainement provenant de la conquête musulmane pour désigner toute la partie à l’ouest de l’Egypte.
Certes, il faut introduire des nuances dans les appellations en fonction des cultures de domination qui ont imposé leur vision du monde ou plus exactement leur géographie. Ni plus ni moins, le mot « Al Djazaïr » qui veut dire « Ile » en arabe a attristé l’écrivain Kateb Yacine lorsqu’il reconnaissait « qu’on a même pas été capable de donner un nom au pays ».
Pour tout dire, le mot « Maghreb » relève des mêmes idéalités descriptives du continent noir où le mot veut dire « Couchant » en arabe. Il s’agit d’une géographie construite par les conquérants et les historiens musulmans en diapason avec le nouvel ordre du monde islamique.
De fait, il reste l’appellation « Afrique du Nord » qui semble représenter une géographie neutre du sous-continent. Les choses sont telles qu’il est difficile de faire remonter l’origine de l’appellation à l’antiquité où le terme introduit par les Grecs « Libye » prévalait puis les Romains par extension toponomique y adossèrent le mot « Africa » -qui provient du mot berbère Ifri (la tribu Ifren), grotte – qui désigne une habitation troglodyte- ou Africains en parallèle aux noms Libyens et Maures qui sont d’une utilisation tardive dans la littérature latine.
En effet, il se peut que l’appellation Afrique du Nord trouve ses sources dans la description du monde lors de la bascule avec la fin de la civilisation de l’Islam et le début de la montée en puissance de l’Occident qu’Ibn Khaldoun pourtant l’homme du XIVe siècle a pressenti les premiers signes.
C’est à l’orée de la géographie totale du monde avec les conquêtes européennes que le mot a vraisemblablement été utilisé pour la première fois. Certainement c’est dans la littérature portugaise et espagnole relayée par l’autre homme « maghrébin » du XVe-XVIe siècle, Léon l’Africain (de son vrai nom Hassan al Wazzani de Fès qui était au service du roi Roger de Sicile) par qui il faut passer pour inscrire le nom « Afrique du Nord » dans la nouvelle mappemonde.
En définitive, le mot a pris de l’ampleur avec la colonisation européenne qui s’est assurée un nouveau découpage des territoires et que par nécessité, il fallait leur donner un nom. Notons qu’un curieux article portant le titre: l’origine du faux nom Afrique et son vrai nom, signé par HSA et publié dans « Coups Francs » du 14/04/2020 donne le nom Alkebu-Lan qui veut dire: « la terre mère de l’humanité » à l’Afrique.
Malheureusement, l’auteur est imprécis dans l’étymologie des mots et dans l’histoire pour que nous puissions le prendre en considération. Dans tous les cas de figure, on ne peut pas se contenter d’un nom donné par les autres, les appellations nouvelles ou transformées par le Hirak en arabe dialectal ou en tamazight redonnent amplement du sens au mot et à la chose.