Jeudi 23 avril 2020
Et si le remède du Covid-19 était pire que le mal ?
La guerre est d’une importance vitale pour l’État. C’est le domaine de la vie et de la mort : la conversation ou la perte de l’empire en dépendent ; il est impérieux de bien le régler. Ne pas faire de sérieuses réflexions sur ce qui le concerne, c’est faire preuve d’une coupable indifférence pour la conservation ou pour la perte de ce qu’on a de plus cher, et c’est ce qu’on ne doit pas trouver parmi nous « . Sun Tzu dans « L’art de la Guerre ».
Face au désastre causé par le Covid-19 dans le monde, je crois qu’il est encore possible de tisser un lien fort entre les hommes, pouvant s’affranchir des frontières, des États. Faisons donc de ce drame humain, brutal et dévastateur un surcroît d’humanité ! Ne nous mentons pas, même avec une solidarité plus large qui émergera à la suite de cette crise sanitaire, ce défi qui nous renvoie à réviser en profondeur les comportements habituels, les systèmes et les mécanismes qui structurent nos sociétés, n’est pas facile à relever.
La tâche est d’autant plus difficile pour les politiques. Le risque zéro n’existe pas ! Il est quasiment certain, dans les mois à venir, que le monde sera fortement paralysé et risque de plonger dans une crise sociale et une dépression économique profonde dont certaines conséquences sont comparables à la crise financière mondiale de 2008. Cette crise financière est caractérisée par un manque de liquidité et de solvabilité aux niveaux des banques et des États. Elle est amorcée suite un manque et un dérèglement financier important causé essentiellement par des prêts hypothécaires à risque alloués aux entreprises et aux particuliers dans leurs crédits d’achat immobilier.
Les pertes importantes des établissements financiers dans ce secteur augurent en premier lieu une crise aux USA, suivie d’une onde de choc dans le reste du monde. Face à l’emballement de la dette publique, la Grèce se trouve alors menacée par la faillite. Elle a été affectée d’une part par le peu d’intérêt qu’elle suscite dans ses choix politiques pour attirer de nouveaux investisseurs et d’autre part par ses capacités à rembourser ses dettes avec les intérêts qui en résultent. Comme vous l’avez déjà compris une crise financière peut entrainer la faillite d’un pays émergent suite un grippage du système bancaire. Malheureusement, la crise sanitaire enclenchée par le coronavirus n’échappera pas à cette règle.
Les États emprunteurs et les nombreux pays émergents des quatre coins du monde se retrouveront confrontés, à nouveau à ce système international qui a déjà montré ses faiblesses dans la gestion d’une crise immobilière, à une hausse rapide des intérêts, et les plus fragiles d’entre-deux seront en défaut de paiement et en incapacité d’honorer leur engagement. La vague et l’impact de la crise financière mondiale à venir due au Covid-19 sera encore plus dramatique s’il s’agit d’un défaut de paiement incluant plusieurs pays à la fois.
Personne d’entre nous ne peut ignorer que l’arrêt brutal de l’économie mondiale pendant cette crise sanitaire a frappé de plein fouet les ressources des pays émergents, faisant chuter le prix du pétrole de 60 dollars à 20 dollars le baril, ceux des matières premières et les rentes liées à des différentes activités économiques (restauration, hôtellerie et touristique). Dans de telles situations, les pays émergents sont souvent obligés d’effectuer une sortie colossale et massive de la devise que les investisseurs mettent à l’abri sur des marchés considérés moins volatils. A ce sujet et selon les informations disponibles en ligne rien qu’au mois de mars, la sortie de capitaux des pays émergents est supérieure à quatre fois le montant enregistré entre 2008-2009, c’est énorme !
Face à cette crainte, la France a été le premier pays à monter au créneau pour demander l’annulation pure et simple de la dette de certains pays au G20. Ce geste de solidarité et cet effort financier offert par la mère patrie au vieux continent l’Afrique montrent que le lien qui relie les peuples des deux rives est plus fort que les choses qui nous séparent pendant plusieurs années. L’histoire nous enseigne que la sortie des guerres, des crises sanitaires, financières et économiques ne se fait que par la volonté politique et la solidarité collective des pays puissants et émergents.
Actuellement, chaque pays se bat individuellement contre le coronavirus moyennant ses moyens humains et matériels. Et l’unique arme pour endiguer cette saleté de virus est la solidarité citoyenne. Ce combat pour la vie est similaire à celui de la liberté : elle se gagne seulement par la détermination et la solidarité du peuple. Une fois que la propagation du Covid-19 est stoppée dans le monde, l’après coronavirus se fera par la solidarité de toutes les nations.
Dans le cas contraire, on assistera à un dérèglement total sur tous les plans (santé, finance, économie, écologie, tourisme, sport, …) sans précèdent dans l’histoire de l’humanité. Ce n’est pas encore fini ! Pour réussir une sortie d’un conflit, il faut anticiper un plan de paix. Sortir complètement sain et sans rancune d’un événement guerrier cela relève de l’exploit… Certaines nations s’en sortent bien, d’autres pas.
A titre d’exemple, la Première Guerre mondiale est faite sans élaborer un vrai plan de paix en amont, ce qui a donné naissance à un sentiment de haine et de vengeance et a provoqué quelques décennies plus tard la deuxième guerre mondiale. Par la suite cette erreur a été corrigée sur le champ et sans compromis, ce qui a bâti une paix stable et durable en Europe.
Si les petites nations sont capables de gagner toutes seules, tout comme les grandes, un combat pour la vie contre un ennemi invisible, c’est en comptant seulement sur leurs capacités nationales et sur leurs solidarités citoyennes. Je suis persuadé que cette crise sanitaire qui a révélé les failles et les limites des modèles de développement utilisés dans ces pays pourra être transformée en de grands plans de réorganisations, qui comporteraient des mesures fortes pour la solidarité, la santé, le climat, la biodiversité, le mode de vie, le social et la démocratie.
Pour éviter la faillite de ces pays, soyons plus solidaires pour tirer les meilleurs enseignements de cette crise sanitaire inédite et ne jamais la laisser se perdre ! C’est seulement dans ce cas que le remède du Covid-19 sera moins pire que le mal et le monde sera meilleur avec une conception renouvelée plus humaine et plus sereine.