Vendredi 29 novembre 2019
Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au droit des États à disposer de leurs peuples
En qualifiant d’ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie la solidarité internationale avec le peuple algérien en lutte depuis neuf mois pour sa dignité et sa liberté, le régime algérien s’efforce de transformer le célèbre principe onusien (art. 1 alinéa 2 de la charte des nations unies) du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en droit des États à disposer de leurs peuples.
La résolution du Parlement européen d’hier (jeudi 28 novembre) sur la situation des libertés en Algérie condamnant les arrestations arbitraires, les détentions, les intimidations et les attaques contre des journalistes, syndicalistes, défenseurs des droits humains… a suscité l’ire des dirigeants algériens qui n’ont pas hésité à la qualifier «d’ingérence dans les affaires intérieures», de «mensonges et de diffamations contraires au droit algérien».
En agitant la main étrangère, en faisant preuve d’un nationalisme chauvin et en semant la confusion entre solidarité internationale et ingérence, le régime algérien cherche en vérité à éloigner ses propres difficultés, l’état de crise dans lequel se trouvent les droits humains, la liberté de la presse, la liberté de circulation, la liberté de conscience et de culte… de tout regard de la communauté internationale.
Rappelons d’abord que le Parlement européen n’a rien d’une instance exécutive, ce n’est ni un État ni le représentant des États européens ; il représente les peuples européens et ses résolutions n’ont aucune force contraignante, elles ont valeur de recommandation.
L’Algérie a signé un accord d’association avec l’Union européenne en 2002, entré en vigueur en 2005. Or le troisième considérant de cet accord attache une grande importance au respect des principes des droits humains, et son article 2 précise que les principes démocratiques inspirent les politiques des deux parties.
L’exigence de respect des droits humains est donc légitimement opposable à l’État algérien au regard d’abord des stipulations de cet accord et des engagements internationaux de l’État algérien dès lors que celui-ci a ratifié des traités internationaux portant précisément sur la protection des droits de l’Homme.
Nous citerons simplement à titre d’exemple la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 ratifiée à l’article 11 de la constitution du 10 septembre 1963 (J.O n° 64 du 10.09.1963) ; le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966, ratifié le 16 mai 1989 (JO n° 20 du 17 mai 1989) ; le Protocole facultatif (I) se rapportant au pacte international relatif aux Droits Civils et politiques… Cette exigence de respect des droits humains est d’autant plus justifiée que toutes les Constitutions algériennes ont consacré la primauté du droit international sur les lois internes.
La résolution du Parlement européen sur les libertés en Algérie est d’autant plus nécessaire que les ONG de défense des droits de l’Homme doivent déployer des trésors d’efforts et d’ingéniosité pour faire adopter la moindre résolution à l’encontre des régimes coupables des pires atrocités contre leurs peuples à l’instar du régime algérien.
Ce dernier multiplie les obstacles aux défenseurs des droits de l’homme, journalistes, militants, avocats… qui subissent régulièrement des actes de harcèlement, des entraves multiples à leur liberté d’association, de rassemblement, à la liberté de la presse, de conscience, de circulation… en contradiction avec les engagements pris par les autorités algériennes.
L’inflation de discours sur les principes démocratiques, les droits de l’Homme, l’État de droit… est en net décalage avec la matérialité de ces normes universelles ; elles sont totalement vidées de leur sens par un pouvoir corrompu et autoritaire, mais qui a toujours soigné son apparence en prenant le soin de se présenter sous un aspect civil et démocratique. Mais la révolution pacifique en cours a défait cette imposture en mettant à nu sa nature profonde militaire et ambivalente.