Mercredi 10 juillet 2019
Et à la fin, ce sont les généraux qui gagnent !!!
Les personnes de ma génération connaissent cette phrase célèbre de la définition du football : «C’est un jeu simple, 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent ». Elle est tout à fait déclinable au cas algérien.
« La politique algérienne, c’est des dizaines de milliers de manifestants tous les trente ans et, à la fin, ce sont les généraux qui gagnent ».
D’articles en articles, je mets en garde les jeunes du mouvement de dissidence citoyenne qu’ils vont inéluctablement vers le mur. Quelles que soient les grosses manifestations qui perdurent, nous sommes bien en présence de la fin de la partie où les généraux algériens vont encore gagner.
Une promesse d’élection, une proposition d’une conférence nationale, un forum et voilà le piège qui se referme comme à son habitude. Cela fait un demi-siècle que c’est le même scénario, on le voit cette fois-ci encore apparaître.
En Algérie, on saurait les lire comme sur une feuille de musique, il n’y a jamais de surprise, la partition est une succession de notes parfaitement réglées pour une symphonie dirigée par les hommes en képi.
Quelle que soit l’extraordinaire vertu du mouvement de dissidence citoyenne,, sa faute originelle est de n’avoir jamais clarifié sa position par des débats, des résolutions et des écrits.
Les révolutions politiques ont horreur du vide, celui qui l’emporte à la fin n’est pas forcément le plus chahuteur mais celui qui aura proposé une alternative de recours stable et cohérente, y compris par la force. La colère n’a jamais fait un projet politique, elle n’est seulement que l’ingrédient qui peut y amener.
Nous voilà donc, comme je l’ai affirmé depuis des mois, aux portes d’un retournement de certains intellectuels, d’une adhésion de nombreux militants et certainement l’ébauche vers une proposition d’État, c’est-à-dire le plus vieux piège dans lequel les Algériens vont de nouveau s’engouffrer.
Des professeurs en droit constitutionnel, chantres du pouvoir militaire, nous proposent des constructions juridiques, des solutions politiques et, en conclusion, une retraite vers l’habituel contrôle par les généraux.
Dans l’édition d’El Watan d’aujourd’hui, une journaliste salue le « forum du dialogue national » avec un enthousiasme débordant, « C’est un bon début » dit-elle. Le processus est réellement en marche, le portail se referme déjà. Les gens se placent de nouveau, de belles places sont à prendre, il y a renouvellement du parc des opportunistes.
Ces gens ne portent de la voix contre le régime militaire que lorsque la rue a l’ascendant. Ils se reclassent immédiatement dans la zone neutre lorsque cette rue accuse des faiblesses et va dans le mur. Je ne les ai entendus que pendant ces périodes de chahut s’en prendre aux généraux, jamais pendant les autres périodes, beaucoup plus longues en décennies.
Pour les généraux et leurs comptes offshore, la situation n’est pas identique au point de départ, elle est aujourd’hui plus avantageuse. Le Mouvement de dissidence citoyenne et les juges compromis de toujours les ont paradoxalement débarrassés des gêneurs, des boulets et des concurrents. Bref, la rue et les tribunaux ont fait le travail à leur place.
Dès lors que la jeunesse s’est rendu compte qu’elle avait frappé un grand coup il fallait qu’elle se mette immédiatement à produire, organiser et élire. C’est à dire conquérir le territoire de la politique et de la force d’un projet alternatif clairement énoncé, intelligemment préparé.
A mon humble avis, la partie est définitivement perdue en l’état des circonstances actuelles. Jamais la majorité des Algériens ne basculera vers un monde qu’elle appréhende, qu’elle ne connaît pas, porté par des danseurs sympathiques dans les rues.
Cette majorité silencieuse, il fallait la conquérir et la convaincre par un projet clairement défini. Or, jusqu’à preuve du contraire, elle ne s’est pas prononcée. Elle ne bougera pas dans un climat intermédiaire qui ne veut pas montrer ses cartes. Elle préférera la continuité et la stabilité. Les uns parce qu’ils ne veulent pas de la laïcité, inévitable en cas de réussite des démocrates, les autres parce qu’ils rêvent encore de milliards et qu’une situation normalisée ne leur donnerait aucune chance.
Généraux 1 – Hirak 0, balle au centre. Le problème est que la durée du match contre les généraux est toujours sans prolongations.