22 novembre 2024
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L’Armée accompagnera le changement voulu par les Algériens

OPINION

L’Armée accompagnera le changement voulu par les Algériens

C’est la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie qu’il est permis d’affirmer que le Haut Commandement Militaire et l’ensemble des officiers et sous-officiers qui y relèvent, sont déterminés à accompagner des millions d’Algériens dans leur quête effrénée d’un Etat de  droit et d’une démocratie réellement représentative, même si pour ce second objectif, des années de lutte et de pédagogie seront encore nécessaires. On ne peut plus faire le moindre procès d’intention à l’état-major.

L’armée algérienne n’est ni l’armée égyptienne ni l’Armée syrienne. Les éléments qui la constituent émanent des profondeurs de ce peuple et si elle s’est dotée récemment d’un armement sophistiqué que ses officiers maîtrisent sans assistance étrangère, c’est pour faire face aux périls qui menacent notre pays, le plus grand d’Afrique et du  monde arabe.

Je ne veux pas répondre ici à quelques attaques malveillantes à mon endroit, publiées dans ces colonnes par des personnes qui ne vivent pas dans ce pays et ignorent par conséquent les souffrances et les frustrations de ses habitants. On me reproche d’avoir soutenu que l’Armée s’était acquittée de sa tâche, au titre de la Constitution, et qu’elle ne pouvait pas aller plus avant dans l’exercice de ses missions officielles.

J’observe, aujourd’hui qu’elle est décidée, non pas à superviser, contrôler  ou encadrer le changement social profond que les algériens sont en train de réaliser (car tel n’est pas son rôle) mais à en garantir l’effectivité et le succès.

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Ayant critiqué avec quelque vigueur l’intervention de l’ancien chef de Gouvernement, Mouloud Hamrouche, parue dans El Watan du 13 janvier 2019, je n’en suis que plus à l’aise pour louer sa contribution du 15 avril dernier dans le même quotidien ainsi que dans le quotidien El Khabar, et intitulée : « Impasses, menaces et issues » dans laquelle, il insiste sur trois points essentiels :

  1. Les prolongements des instances transitoires ou des conférences nationales sont de la responsabilité et du devoir de l’Armée.

  2. Seules les armées qui se soumettent au contrôle de l’Etat peuvent être intégrées dans le système mondial de paix et de règlement des conflits.

  3. La place de l’Armée comme structure étatique de défense et de sécurité doit faire partie du débat démocratique.

L’Armée reste une institution incontournable

  L’Armée, en tant que colonne vertébrale du régime (il s’agit d’un héritage de l’histoire que certains apprentis-sorciers pensent pouvoir jeter à la trappe par une simple déclaration de volonté) a vocation à construire avec les forces politiques et sociales émanant des populations, un système politique reposant sur le primat des libertés fondamentales, le principe de l’indépendance de la justice, l’effectivité de tous les types de contrôle sur l’utilisation des fonds publics, etc.

Notre armée est une institution de la République, à l’instar de toutes les autres. La nécessité du changement, comme indiqué par Mouloud Hamrouche, la concerne, au même titre que les institutions civiles de la République. C’est la raison pour laquelle, elle doit, elle aussi, accomplir son aggiornamento, se moderniser, se recentrer sur ses métiers de base et laisser les acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels prendre en charge la gestion du pays dans le cadre fixé et déterminé par la Constitution et des lois votées par une Assemblée ou un Parlement élus démocratiquement.

Jusqu’ici, notre Armée a eu un comportement exemplaire et le courage est dans son camp. En effet, il a été demandé au Chef d’État-major de mener à bien deux missions qui s’excluaient mutuellement. En quel sens ?

  1. Ceux-là mêmes qui avaient la possibilité théorique d’actionner l’inénarrable article 102 qui concerne l’état d’empêchement du Président de la République pour cause de maladie grave et durable, se sont défaussés sur le chef d’état-major avec la veulerie et la couardise qu’on leur connaît, pour qu’il mette en œuvre  l’article 102, alors que cette disposition ne mentionne même pas l’institution militaire.

  2. Lorsqu’enfin le chef d’état-major, devant l’inébranlable détermination des 19 millions d’Algériens qui manifestaient chaque vendredi depuis le 22 février à obtenir le départ du Président de la République, a fait pression, indirectement, mais en vain, puis directement, cette fois-ci avec succès, sur le Chef de l’Etat pour que celui-ci comprît qu’il était devenu un proscrit universel, alors il a été fait grief à l’Armée d’être incapable de se déprendre de la culture du pronunciamiento.  

La volonté du Haut Commandement militaire de nettoyer les écuries d’Augias

Au cours de la visite d’inspection qu’il a effectuée à Ouargla, au siège de la 4ème Région Militaire, le 16 avril, le Chef d’État-major n’a exclu a priori aucune voie qui serait de nature à conférer aux articles 7 (sur la souveraineté populaire) et 8 (sur la souveraineté nationale) toutes les virtualités qu’ils recèlent.

En d’autres termes, après la démission ce mardi, 16 avril, du Président du Conseil Constitutionnel, ni le maintien de Bensalah, comme d’Etat par intérim ni a fortiori celui du Premier ministre ne constituent une ligne rouge. Ahmed Gaid Salah a tenu également à rappeler que l’ensemble des responsables du syndicat du crime (il visait les commanditaires autant que les exécutants) qui ont prospéré, 20 ans durant, seront rattrapés par la justice, en raison de l’extrême gravité de charges qui pèsent sur eux.

A cet égard, il serait profondément choquant de désigner comme bouc émissaire commode, le seul Kamel Chikhi pour le trafic des 701 kgs de cocaïne, alors que  quatre généraux- majors et non des moindres, élargis après une courte période de détention préventive, avec levée de tout contrôle judiciaire dans l’attente de leur jugement (ce qui est inédit en matière de procédure pénale, car si le dossier est vide, ils auraient dû obtenir un non-lieu) bénéficieraient de l’impunité. Aucun Algérien ne le comprendrait.

Mais c’est surtout à l’égard de l’ex-Général de corps d’armée, ex-patron du défunt DRS, que le chef d’État-major a adressé la plus virulente mise en garde. Voilà un officier général, ayant rejoint sur le tard les maquis de l’ALN des frontières, à la jonction entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye, ayant servi comme commis de cuisine pour le mess des officiers, qui pendant 25 ans, a contribué à la descente aux enfers de l’Algérie ; un homme dont les placards regorgent de cadavres, qui a  fait condamner des innocents, et a servi de caution inconditionnelle au clan présidentiel, même après sa mise à l’écart.

Aujourd’hui, non content d’avoir provoqué l’essentiel des malheurs de ce pays, le voilà complotant non pas tant contre l’état-major qui a la possibilité de le réduire en poussière, séance tenante, mais contre tout un peuple qui revendique le droit à la dignité, à la liberté et à la justice.

Les réunions secrètes auxquelles a participé le Général Médiène, en présence de personnalités étrangères et auxquelles n’a pris part aucun des hommes dignes que ce pays connaît (Zeroual, Bouregâa, Benbitour, Taleb Ibrahimi) justifient impérativement des poursuites judiciaires contre lui du chef de haute trahison.

Les Algériens doivent savoir que celui qui agit pour maintenir, urbi et orbi, un régime d’un autre âge est l’ancien patron du DRS et non bien évidemment le Général Gaid Salah, dont le discours prononcé à Ouargla, ce mardi, retire tout espèce de doute quant à sa volonté de faire aboutir le Hirak populaire.  

En guise de conclusion (qui ne peut être que provisoire), je ferai trois observations :

  1. Le succès du Hirak, l’élaboration de nouvelles règles du jeu, l’adoption d’une constitution qui mettrait au cœur de son dispositif le primat de la souveraineté nationale, ne se feront pas du jour au lendemain. L’ensemble de ces mutations voulues par les Algériens et les Algériennes exigent un long apprentissage, de la maturité, du civisme et un minimum d’unité, car l’Algérie n’a pas achevé le processus de sa construction nationale.

  2. L’Algérie n’est pas un morceau de terre qui aurait été exfiltré de la planète. Elle fait partie d’un monde, qui lui-même, est en profonde mutation. Afin que son insertion dans la globalisation soit vertueuse, il lui faudra sans tarder entreprendre des réformes de structure qui devront toucher l’école, la recherche scientifique, l’entreprise, l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement, les énergies renouvelables, le numérique, etc. Ces réformes ont été délibérément repoussées aux « calendes orientales », parce qu’il y allait de la survie du régime et des intérêts des clans et des factions qui ont confisqué, à leur seul profit, les richesses de  ce pays. Ces réformes ne peuvent plus désormais être différées.

  3. Chaque Algérien doit voir ses droits respectés. Mais il a aussi des devoirs qu’il n’accomplit, de manière générale, que très médiocrement. Il n’est pas juste d’assister à des procès en sorcellerie contre l’Armée ou telle institution de l’Etat, alors que nombre de nos compatriotes n’ont pas encore intégré dans leurs représentations symboliques et mentales les exigences de la conscience citoyenne, le sens de l’effort, celui de l’épargne et aussi, peut-être, celui du sacrifice, à l’instar des générations d’avant le 1er novembre 1954.

*Ali Mebroukine, Professeur en droit, membre du Comité Patriotique Pacifique

Auteur
Ali Mebroukine *

 




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