Dimanche 9 septembre 2018
Pourquoi, il faut attribuer le Prix Sakharov à Nasser Zefzafi
« La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre « . Jean-Jacques Rousseau, « Du Contrat Social »
Ne soyons pas dupes. Au sein du Parlement européen, l’attribution de ce prix est à fort enjeu politique et exige une mobilisation très forte.
En 2017, le prix Sakharov est complètement dévoyé par la droite (PPE ) et les libéraux ( ALDE), qui proposent de l’attribuer à l’opposition vénézuélienne. C’est une manipulation politique d’un prix qui n’est pas destiné à ça.
Selon les critères du Parlement européen, le « prix Sakharov pour la liberté de pensée » a en effet pour objectif d’honorer des personnalités, individuelles ou collectives, qui défendent les droits de l’homme et les libertés fondamentales, là où elles sont gravement bafouées.
Ainsi en 2016 par exemple, le prix avait été attribué à deux jeunes femmes yézédies réduites en esclavage sexuel par Daesh.
Jean-Jacques Régibier du journal l’Humanité relève que le bloc de la droite et du centre au Parlement européen, donne l’impression de vouloir mettre sur un pied d’égalité dans l’horreur, l’Etat islamique et le Venezuela de Nicolas Maduro.
Une tentative d’autant plus hasardeuse que les négociations entre le gouvernement Maduro et les représentants de l’opposition ont obtenu des résultats (avec accord et agenda) malgré le soutien de l’impérialisme américain et les doutes émis par l’Union Européenne sur la nature de la démocratie au Venezuela.
On peut de la même manière citer la lauréate Aung San Suu Kyi et sa honteuse politique à l’égard des Rohyingas qui en son temps, était soutenue par celles et ceux qui portent la candidature de Nasser Zefzafi.
Nasser Zefzafi, l’homme libre d’esprit
C’est un homme libre d’esprit par son engagement pour la liberté qui n’est au fond pas dans ce qu’on fait, mais dans la manière dont on le fait. Nasser et les siens ont posé la liberté au coeur d’une attitude, celle de l’homme qui se reconnaît dans sa vie, qui approuve l’histoire du monde et des évènements.
Dans son engagement, quand il revient aux fondamentaux (une école, un hôpital, des routes, une reconnaissance des spécificités culturelles du Rif..), la liberté dont il parle fait que l’homme devient libre lorsqu’il substitue une attitude active à une situation subie, lorsqu’il prend parti à l’égard des évènements de son temps : bref la liberté se prouve en se réalisant, lorsque l’homme réalise son destin en oeuvrant au lieu de le subir.
Defense des droits humains
Ce dont parle Zefzafi ce sont les usines et l’hôpital qui manquent, l’école qui ne répond plus, les routes inexistantes pour relier ces contrées au monde de plus en plus communicant, les cancers abondants et non soignés, les forçats du travail, infirmières, médecins, personnels servant dans le service public.
Oui mais est-il un cas unique ? Sûrement non.
Il est le symbole d’une région qui a été désignée par les colonialismes espagnol et français comme le lieu de séparation entre les nations civilisées et les nations tentées par l’Orient.
Ainsi Painlevé en grand disciple de Lyautey écrivit : « La France est une nation civilisée…le gouvernement fera tout son devoir…Il s’agit d’une lutte de l’Europe civilisée contre une tentative de l’Orient.. l’Europe, c’est la civilisation, craignons que s’étende sur elle un noir linceul » (1)
Ce fut la gènese de la guerre du Rif, pensée par le colonialisme et acceptée par les ascendants de monarchie actuelle.
Quand Hassan II traite en 1984 toute une région de voyous et de trafiquants de drogue ça crée un choc chez les enfants de ces territoires.
Inspirés du caractère de celui dont le journaliste américain Scoot Mower disait : »Il y a à la tête de ce peuple un homme d’intelligence pratique et claire : c’est un organisateur et un chef », les descendants de cette lignées n’oublient pas.(2)
Ils s’engagent pour dire non au mépris d’État de tout droit humain faisant de leurs contrées des colonies sur le modèle sioniste.
Soutenir la candidature de Zefzafi est devoir historique pour la gauche !
Le bloc des gauches (sociaux démocrates de la S.F.I.O) au pouvoir en 1924, a préparé et mené la guerre du RIF avec l’accord de Lyautey dans une vision impérialiste d’un Bloc National. Un bloc qui a menti grossièrement sur la pacification d’une région par, disaient-ils, respect d’une frontière inexistante. (3)
Alors et Zefzafi dans tout ça ?
Il est de salubrité publique que les gauches dignes des gauches portent la voix et la candidature d’un enfant de terres que leurs ancêtres belliqueux ont brûlé et transformé en tumeur cancérigène générale qui ronge des population au vu et su d’un de leur ami fidèle : le Makhzen.
Une victoire de cette candidature est une triple victoire :
Contre sa condamnation avec ses camarades à des peines de voyous,
Contre le Makhzen et son discours, qui bien qu’en reconnaissant la légitimité de ses revendications, continue dans le déni des droits les plus élémentaires d’une région abandonnée,
Contre les mensonges de paix et de la guerre du Bloc des Gauches et les trahisons des social-démocrates S.F.I.O,
Une seule chose à faire : attribuer le Prix Sakharov au Hirak du Rif à travers Nasser Zefzafi et son combat.
M. B.
Notes
(1) Pierre Semard, la guerre du RIF -Es 1926 p32
(2) op cit p36
(3) op cit p42