Je suis stupéfait lorsque j’entends la revendication des médecins résidents algériens en grève. Ils souhaitent l’abrogation d’une expression qui me provient d’un temps crépusculaire jusqu’à en avoir cru la disparition, le «service militaire».

Toute ma génération en a été hantée et jamais aucune disposition du régime autoritaire algérien n’a aussi bien résumé ce qu’est le despotisme et le gâchis d’un argent public pour la soif de pouvoir et de mythes de quelques-uns.

Ce service militaire et civil n’existe plus dans la quasi totalité des pays «normaux» de ce monde. En Algérie, érigé en dogme, il n’aura servi à aucun de ses objectifs initiaux et ne les servira jamais.

C’est un gouffre financier qui n’a pour objectif que le maintien du pouvoir d’une caste militaire qui a mis à genoux une population et opéré un gigantesque détournement de la richesse nationale par une corruption massive.

Toutes les armées « normales » du monde ont compris que l’incorporation massive d’une génération de la population n’avait aucun intérêt du point de vue militaire. Les guerres sont aujourd’hui l’affaire d’engagés professionnels et les combats frontaux ont disparu du paysage mondial.

Quant à la soit-disant valeur de sacrifice pour la nation, nous l’avons déjà dit, cela a servi a engraisser des monstres qui se sont comportés pire que n’importe quel ennemi guerrier.

Tous ces discours sur l’amour de la patrie et autres balivernes ont eu pour seul but d’abrutir et de dominer une population étouffée qui ne peut plus réagir tant elle est accablée de servitudes. La jeunesse se rend bien compte de l’énormité des détournements financiers engrangés sous le couvert de ce discours nationalo-religieux.

L’Algérie doit définitivement en finir avec ce service militaire et sa variante, le service civil, et laisser la jeunesse s’investir dans des projets bien plus prometteurs pour leur avenir, à un âge où la force de l’esprit et de l’enthousiasme sont présents. Le temps n’est plus d’aller faire le clown aux ordres d’un sous-officier qui hurle et vous donne des ordres qui n’ont plus aucun sens.

La jeunesse algérienne a un défi à relever, redresser un pays détruit par le régime militaire corrompu. Ils ont des rêves et vivent sur une autre planète que ces officiers aux Ray-ban, sortis d’un mauvais film des années d’Iddi Amine Dada.

On ne doit plus leur voler leur jeunesse et leur envie démesurée à bâtir quelque chose de nouveau. Les médecins résidents ont parfaitement raison de se mettre en colère et j’encourage toute la jeunesse algérienne à refuser de donner une seule partie de sa précieuse vie à servir l’exclusif intérêt de la caste militaire.

Probablement, au bas de l’article, l’une des réponses habituelles sera «vous étiez bien contents de l’avoir cette armée lorsqu’elle a défendu la population contre les crimes des islamistes».

Ma réponse classique est que d’une part, cette plaie islamiste est l’enfant naturel des généraux et de leur corruption. D’autre part, lorsqu’ils ont réagi contre les islamistes, c’était avant tout pour préserver leur pouvoir, leurs milliards et leur vie.

J’étais présent aux côtés d’Ait-Ahmed à cette époque, au bureau politique national et j’en témoigne. 

Quant au service militaire, ils pouvaient toujours courir pour que j’aille faire le larbin, sous leurs ordres. Cela m’a coûté sept ans d’exil mais je ne regrette absolument rien. 

Perdre un seul jour de ma vie sous leurs ordres aurait été d’une souffrance bien plus insupportable.