Mercredi 24 janvier 2018
Plus de la moitié des Algériens sont des illettrés fonctionnels, selon l’Unesco
J’aurais pu écrire que plus de la moitié des Nord-Africains, imezdaγen n Tmazγa, sont des illettrés fonctionnels d’après l’UNESCO, comme on le voit sur le diagramme ci-dessous. Bien sûr, je n’ai un peu extrapolé à toute la société des pays de Tamazgha, car ce que rapporte l’UNESCO est beaucoup plus grave à mes yeux du fait qu’elle mentionne que 57% des enfants et des adolescents n’arrivent pas à satisfaire aux normes minimales d’apprentissage, ils n’ont pas le minimum requis des compétences en lecture de la langue maternelle et en mathématiques, ce sont donc des illettrés fonctionnels.
L’UNESCO considère que le minimum d’instruction acceptable à notre époque pour une personne est obtenu à la suite d’une scolarité d’une année préscolaire et neuf année d’études primaires et secondaires (1er cycle) peu importe le pays. Si on se ramène au système scolaire algérien, le minimum de scolarité correspond à l’année du préscolaire plus les cinq années de l’enseignement primaire et les quatre années de l’enseignement moyen. On dira qu’une personne a le minimum d’instruction requis en lecture et en mathématiques s’il a finis la quatrième année moyenne avec succès.
Il y a plusieurs qui doivent se dirent que ces statistiques ne concernent pas l’Algérie, cela s’applique plus aux autres pays de Tamazgha, comme je l’entends de certains parents ici au Québec (Canada) que les enfants d’origine algérienne sont les meilleurs à l’école. Ils sont tellement déstabilisés lorsque je leur dis que ce n’est pas ce que je constate sur le terrain. Les gens ont appris à généraliser à partir de cas particuliers, la majorité des personnes n’ont pas la culture des statistiques et malheureusement les États de Tamazgha ont toujours cultivé la politique de la cachette, mais cela est une autre histoire…
Comme la compétence de la lecture de la langue maternelle n’a pas vraiment de sens dans nos pays d’origine, car il s’agit de la langue arabe ou la langue française, deux langues étrangères pour les enfants de Tamazgha, j’ai regardé les statistiques sur les acquis des enfants algériens en mathématiques. Comme on le voit sur le tableau ci-dessous l’Algérie ne fait pas mieux que le Maroc et la Tunisie et on a bien noté les positions que ces pays occupent sur les 87 pays du monde dont l’UNESCO a obtenu les données sur les élèves concernés. On ne voit pas tous les pays de Tamazgha sur ce tableau, car ils n’ont jamais participés aux processus d’évaluation de l’UNESCO. Pour l’Algérie, les statistiques datent de 2007.
Pour les compétences des mathématiques, le résultat est encore plus pire du fait que le pourcentage des élèves qui ont le minimum requis est de 41%, ce qui veut dire qu’approximativement six élèves sur dix de moins de 16 ans n’ont pas le minimum requis des compétences en mathématiques. Le moins qu’on puisse dire c’est dramatique. Dans les pays occidentaux, c’est moins de 15% des élèves qui n’ont pas les acquis, on voit bien pourquoi ce sont des pays développés. Et, le plus beau c’est que ces derniers (gouvernements et sociétés) sont scandalisés par ce taux d’échec de 15%, car il y a quelques pays qu’ils l’ont réduit à 1 ou 2%.
Pourquoi l’UNESCO concentre ses mesures statistiques sur la compétence de la lecture en langue et les compétences de mathématiques ?
Les raisons sont simples : dans le monde d’aujourd’hui, de plus en plus numérique, pour pouvoir vivre de façon décente et participative, il faut savoir lire pour faire ses achats quotidiens, pour travailler, pour élire ses représentants politiques, pour lire et s’informer sur les différents médias… Et, les mathématiques dans tout ça. Pour mesurer la capacité de raisonnement d’une personne, on utilise souvent les compétences mathématiques. En plus, de nos jours pour être un citoyen à part entière, chaque personne doit avoir ce qu’on appelle dans le milieu de l’éducation le sens du nombre, c’est-à-dire avoir la capacité de manipuler tous les types de nombres réels avec toutes les opérations et avoir un minimum de connaissances en statistiques et en probabilités. Exemples, être capable de lire et d’interpréter un diagramme à bandes ou circulaire et être aussi capable de distinguer ses chances de gagner face à un jeu du hasard…
Partout en Tamazgha, je ne vois pas comment on pourra espérer avoir des sociétés avec la presque totalité des citoyens ayant le minimum requis des apprentissages en lecture, du fait que l’enfant amazigh est déchiré entre sa langue maternelle et les deux autres langues, l’arabe et le français, qui lui sont étrangères et qu’on lui enseigne à ce jour à l’école comme si elles étaient ses langues maternelles. L’enseignement de tamazight demeure très timide ou inexistant à l’école. (À suivre)
S. Y.
Notes
* More Than One-Half of Children and Adolescents Are Not Learning Worldwide, UNESCO 2017.
** SUSTAINABLE DEVELOPMENT GOAL (SDG) 4, SET OF EDUCATION INDICATORS FOR REPORTING AND MONITORING, http://sdg4monitoring.uis.unesco.org/data_tcg.php
Figure: Proportions des enfants et des adolescents qui n’ont pas acquis le minimum des apprentissages pour les compétences de lecture et des mathématiques selon les régions du monde (UNESCO*).
Tableau : Proportions des enfants et des adolescents qui ont le minimum requis des compétences des mathématiques par pays. (UNESCO)**