23 novembre 2024
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Le président Emmanuel Macron préfèrera l’acte de « repensance »

A une théâtralisation de la repentance

Le président Emmanuel Macron préfèrera l’acte de « repensance »

Cette année encore, la question de la repentance a resurgi en Algérie à l’occasion des célébrations du 05 Juillet (55e anniversaire de l’İndépendance) et du 1er Novembre 2017 (63e commémoration de l’insurrection armée). Elle était précédemment remontée à la surface lorsqu’Emmanuel Macron assimila le 14 février dernier la colonisation à un « crime contre l’humanité ». Dès lors, des officiels locaux à l’écoute de ses moindres déclarations sur le sujet l’attendent au tournant. Osera-t-il « la reconnaissance des vérités de l’Histoire ? », comme l’évoquait cinq mois plus tôt Abdelaziz Bouteflika.

L’interrogation a valeur de test chez un nouvel élu sans doute disposé à moduler le référentiel « Guerre d’Algérie », à régler une part du contentieux historique mais pas à prendre le risque d’offenser une seconde fois la communauté pied-noire. Aussi, nuancera-til probablement l’appréciation ou assertion liminaire au moment d’une brève visite algéroise prévue le 06 décembre, l’adaptera alors à la formule échappatoire susceptible de convenir à l’auditoire in situ, de le crédibiliser aux yeux d’une « Famille révolutionnaire » à ménager en regard au contexte géopolitique (plus tendu depuis le conflit libyen) et à la faveur du partenariat d’exception.

Selon le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, cette relation privilégiée reste néanmoins tributaire du règlement de dossiers inhérents aux indemnisations des victimes des essais nucléaires, à la dépossession des archives de la Guerre de Libération, à la récupération des figures momifiées ou moulées d’Aïssa El-Hamadi et de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek (lieutenant de l’Emir Abdelkader) ainsi que des crânes secs de 36 martyrs (dont ceux de Cheikh Bouziane, Moussa El-Derkaoui, Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek dit « Cherif Boubaghla » et de Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui), tous décapités en 1849 lors de la révolte des Zibans (ou Zaâtchas) et désormais conservés au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris. Son actuel dirigeant, Bruno David, expliquera d’abord ne pouvoir céder les ossements (puisqu’ils font partie intégrante de collections inaliénables et que l’institution n’en n’est pas la propriétaire) puis admettra ensuite « (…) qu’ils peuvent sortir du patrimoine » grâce à certaines décisions politiques. Malgré une restitution compliquée, beaucoup d’Algériens espèrent d’autant mieux l’aboutissement rapide du processus d’attribution que leurs gouvernants ont accepté (après une longue négociation) en juin 2017 le rapatriement du sergent Jean Vilalta (décédé en juillet 1956) de façon à ce que sa dépouille soit exhumée à Argelès-sur-Mer (ville des PyrénéesOrientales).

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Cependant, le chercheur Brahim Senouci modérera quelque peu le principe de rétrocession en précisant (in El Watan, 07 août. 2017) que les autorités du pays craignent qu’il éveille le souvenir d’une bataille (celle donc de Zaâtcha, région de Biskra) en mesure de faire de l’ombre à un roman national préfabriqué et truffé de falsifications. Le choc des mémoires titillera en quelque sorte la conscience d’une population attachée aux témoignages tangibles relatant de la résistance à l’intrus d’hier. Posé comme exigence impérative, le transfert des résidus organiques n’est pas privilégié du côté du Premier ministre Ahmed Ouyahia, plus intéressé par des rapprochements bilatéraux largement favorables aux oligarques et importateurs de pièces détachées ou de chaînes de montages. Le premier locataire de l’Élysée ne se déplacera pas en Algérie sans avoir à l’esprit les avantages financiers de l’Hexagone, des dividendes intimement liés à la stabilité que vénèrent les deux entités concernées.

Aussi, tiennent-elles à ce qu’aucun débordement incontrôlé ne vienne troubler des liens diplomatiques à pérenniser également au profit d’étudiants bénéficiant de la procédure « Campus France » et d’un visa universitaire obtenu après l’indispensable épreuve de langue (TCF). La prise de rendez-vous à l’examen n’ayant pu récemment s’effectuer en ligne en raison d’un plantage survenu sur la plate-forme de pré- enregistrement, les postulants durent s’identifier en se présentant sur place. De là, l’afflux de centaines de filles et garçons agglutinés le dimanche 29 octobre 2017 à proximité des grilles de l’İnstitut français d’Alger (İFA). İmmédiatement relayée sur les réseaux sociaux, l’image provoqua le voyage express de Bruno Lemaire (ministre de l’Économie et des Finances) et Jean-Yves Le Drian (ministre des Affaires étrangères), deux éclaireurs chargés de préparer celui d’un Emmanuel Macron prêt à s’enquérir de la situation poussant de nombreux autochtones à tenter une vie meilleure ailleurs. Pour reprendre ici la célèbre introduction que Roger Gicquel (de 1975 à 1980, présentateur-vedette sur TF1) énoncera au 20 heures du 18 février 1976, « La France a peur », la trouille de voir le régime algérien répondre par les armes aux désœuvrements et inaccomplissements ambiants d’une jeunesse en colère et jusque-là amadouée avec du récit hagiographique, de l’assistanat, des aides et dispositifs à la création d’entreprises (du genre Agence nationale de soutien à l’emploi).

La « Famille qui stagne » n’en peut plus du système rentier improductif, des blocages systématiques phagocytant les initiatives de progénitures en quête de socles ou étriers émancipateurs. Attentive aux opportunités positives qu’offriront peut-être les prochaines commissions mixtes algéro-françaises, elle épiera ce 06 décembre 2017 les faits et gestes de l’initiateur du mouvement « La République en marche », lequel tempérera donc les humeurs de ses interlocuteurs méridionaux, biaisera les exigences des arrière-gardes moralisatrices, éludera de la sorte la repentance pour l’acclimater à sa conception jupitérienne des choses, pour que finalement rien ne bouge sur la rive d’en face, que la marmite algérienne ne chauffe qu’au feu doux de la légitimité ou primauté symbolique, que l’explosion sociale (envisagée en réaction au pouvoir des clans corrompus et corrupteurs) s’évapore en enfumages et que les rêves d’exil des assignés à la résidence prémoderne se volatilisent en paradis artificiels.

Auteur
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art

 




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