Lundi 4 décembre 2017
Coopération économique, sécurité et immigration clandestine au menu
Le Président Emmanuel Macron devrait effectuer une visite officielle en Algérie le 06 décembre 2017 où seront abordés les sujets notamment géopolitiques dont les tensions au Sahel, l’immigration clandestine, et comment intensifier la coopération économique. Cette analyse est un éclairage sur l’urgence d’un « co-partenariat gagnant-gagnant » entre l’Algérie et la France tant sur le plan sécuritaire qu’économique.
1.- Pour le bilan 2016, les pays de l’Union européenne sont toujours les principaux partenaires de l’Algérie (47,47 % des importations et de 57,95 % des exportations). Le principal client étant l’Italie, qui absorbe plus de 16,55 % des ventes, suivie par l’Espagne à 12,33 % et la France, à 11,05 %. Pour les principaux fournisseurs, la France occupe le premier rang des pays de L’UE avec 10,15 %, suivie par l’Italie et l’Espagne, avec respectivement 9,93 % et de 7,69 % du total des importations. Les cinq premiers clients de l’Algérie, au cours des sept premiers mois de 2017, ont été l’Italie avec 3,5 mds usd (16,9% des exportations globales algériennes), suivie de la France avec 2,60 mds usd (12,55%), de l’Espagne avec 2,32 mds usd (11,23 %), des Etats-Unis avec 2,09 mds usd (10,11 %) et du Brésil 1,39 mds usd (6,74%). Quant aux principaux fournisseurs de l’Algérie, la Chine est encore venue en tête avec 5,21 mds usd (19,40 % des importations globales algériennes), suivie de la France avec 2,35 mds usd (8,77%), de l’Italie avec 1,98 mds usd (7,37%), de l’Allemagne avec 1,84 mds usd (6,85%) et de l’Espagne avec 1,75 mds usd (6,53%). Pour les des principaux pays clients de l`Algérie et le montant des exportations algériennes vers chacun de ces pays durant les sept (7) premiers mois de 2017, ainsi que l’évolution des exportations algériennes vers ces pays par rapport à la même période de 2016.
Selon les données de l’Ambassade, la France est cependant le premier investisseur hors hydrocarbures et le premier employeur étranger en Algérie, représentant 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects, pour environ 500 entreprises implantées dont une trentaine de grandes entreprises. Les principaux secteurs porteurs d’emplois et d’activité sont les services financiers (avec la Société Générale et BNP Paribas), les transports (avec notamment la présence d’Air France), le domaine maritime, CMA-CGM, avec un effectif de 400 personnes, est en tête sur le marché algérien, l’hôtellerie-restauration (groupes Accor, Sodexo, Newrest), la distribution automobile à travers Renault et Renault Trucks, le secteur de l’environnement avec Suez Environnement. D’une manière générale, les échanges entre l’Algérie et la France se limitent essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, aux services, notamment bancaires, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile pour la partie française. Il y a effectivement des aspects politiques qui freinent ces échanges. Certes les échanges commerciaux sont en hausse mais demeurent figés dans leurs structure et sont dérisoires comparées aux exportations et importations des deux pays. La France, dans bon nombre d’affaires en Algérie, est devancée par l’Espagne, l’Italie et la Chine qui prennent des parts de marché de plus en plus en plus importantes.
2.- Lors de la 4éme session du COMEFA, tenue à Alger en novembre 2017, qui a vu notamment la signature de plusieurs accords dont le montage avec Peugeot, dans le domaine de l’électricité en partenariat avec le groupe français Schneider Electric, un consortium chargé d’exploiter et de commercialiser des produits agricoles algériens vers l’Union européenne, le BPTH et les énergies renouvelables, l’Algérie et la France veulent accélérer la cadence de la coopération économique. Car les échanges sont loin des potentialités et elles sont énormes. L’Algérie et la France présentent pourtant l’une et l’autre des atouts et des potentialités pour la promotion d’activités diverses et cette expérience peut être un exemple de ce partenariat global devenant l’axe privilégié du rééquilibrage du sud de l’Europe, par l’amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes. Les échanges entre l’Algérie et la France peuvent être intensifiés dans tous les domaines : agriculture, industrie, bâtiments travaux publics, énergie- services, tourisme- industries- environnement- et éducation, sans oublier la coopération dans le domaine militaire. L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen Orient ; la taille du marché intérieur estimée à environ 41 millions de consommateurs en 2017 ; des richesses naturelles importantes (pétrole, gaz), ainsi que d’autres ressources minérales non négligeables, peu ou pas exploitées, notamment le phosphate, le fer et l’or ; des ressources humaines en grande partie jeunes, qualifiées et abondantes.
Autres atouts : l’Algérie a un stock de la dette inférieur de 5,7 milliards de dollars en septembre 2017 et des réserves de change qui clôtureront fin 2017 entre 94/97 milliards de dollars, un programme d’investissement ambitieux 2017/2020 et enfin, les liens historiques et culturels qui unissent l’Algérie et la France.
Il s’agit de synchroniser nos actions afin de rapprocher des intérêts économiques et commerciaux des entreprises des deux rives de la Méditerranée, notamment les partenariats publics et privés soutenu, la formation, le transfert de savoir axé sur les innovations. Par ailleurs, n’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne en France, qui dépasseraient les 4 millions, dont 2 millions de binationaux. Quel que soit son nombre exact, la diaspora représente un élément essentiel du rapprochement entre l’Algérie et la France, car elle recèle d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée, étant le ciment de l’inter-culturalité, doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile.
3.- Il faut être réaliste. Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, les entrepreneurs algériens ou étrangers étant mus par la seule logique du profit, le rôle de l’Etat régulateur, stratégique en économie de marché à vocation sociale, étant de concilier les coûts sociaux et les coûts privés et chaque pays dont l’Algérie doit défendre ses intérêts propres. Mais la mise en œuvre d’affaires saines, comme l’image d’un pays, ne repose plus comme par le passé sur des relations personnalisées entre chefs d’États ou ministres, mais doit être la résultante de réseaux décentralisés, favorisés notamment par l’implication de la société civile, d’ONG et d’entreprises dynamiques innovatrices. C’est que l’on assiste au niveau mondial à l’évolution d’une accumulation passée se fondant sur une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde, avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalisant au sein de sous-segments de ces chaînes. Les deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir. La symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont sources d’enrichissement mutuel. Les derniers événements devraient encore mieux nous faire réfléchir, évitant cette confrontation des religions car autant l’islam, le christianisme que le judaïsme ont contribué fortement à l’épanouissement des civilisations, à cette tolérance en condamnant toute forme d’extrémisme.
La mondialisation est un bienfait pour l’humanité, à condition d’intégrer les rapports sociaux et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et la dynamique sociale. Au moment de la consolidation des grands ensembles, enjeux de la mondialisation, le rapprochement entre des pays du Maghreb est nécessaire pour une intensification de la coopération avec la France et l’Algérie via l’Europe, à la mesure du poids de l’histoire qui nous lie. L’intégration du grand Maghreb devrait servir de pont entre l’Europe et l’Afrique, les avantages comparatifs à moyen et long termes étant pour les deux pays en Afrique, continent d’avenir et à fortes potentialités, sous réserve de sous-intégrations régionales, de la valorisation de l’économie de la connaissance et d’une meilleure gouvernance. La vision stratégique doit être plus large et raisonner en dynamique. Comme le note justement mon ami Jean-Louis Guigou, Président de l’IPMED (Institut de prospective économique du monde méditerranéen, à Paris), il faut faire comprendre que, dans l’intérêt tant des Français que des Algériens, et plus globalement des Maghrébins et des Européens ainsi que de toutes les populations sud-méditerranéennes, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain, doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l’Algérie, et à l’est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie, passant par une paix durable au Moyen-Orient, les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique.
4.- La réussite du partenariat national et international entre l’Algérie, la France ou d’autres pays, n’est pourtant pas réalisable sans une gouvernance centrale et locale rénovée, une vision cohérente se fondant sur des réformes structurelles tant politiques, sociales, économiques dont le marché financier, le marché du foncier, celui du travail et surtout la réforme du système socio-éducatif pilier de tout processus de développement, à l’aube de la quatrième révolution technologique. Il y a lieu impérativement d’intensifier une coopération réaliste, en évitant de voir l’ennemi extérieur partout. Les tactiques doivent s’insérer au sein de la fonction/objectif stratégique qui est de maximiser le bien-être social de tous les Algériens. L’objectif pour l’Algérie est d’engager des réformes structurelles qui, je ne le répéterai jamais assez, dépendant des Algériennes et des Algériens, supposant un large front social interne de mobilisation, tolérant les différentes sensibilités, face aux nombreux nouveaux défis qui attendent notre pays afin de hisser l’Algérie comme pays émergent, à moyen et long terme. Pour cela, la dominance de la démarche bureaucratique devra faire place à la démarche opérationnelle économique, avec des impacts économiques et sociaux positifs à terme. Aussi, face aux nouvelles mutations mondiales, l’Algérie confrontée à la transition vers une économie productive intimement liée à la transition énergétique, a besoin surtout d’une accumulation technologique et managériale. Et bien entendu sous réserve que l’Algérie approfondisse l’État de droit la démocratisation de la société et qu’elle réoriente sa politique économique afin de réaliser un développement durable.
En résumé, les bouleversements géostratégiques mondiaux imposent à l’Algérie et à la France d’entreprendre ensemble dans le cadre de l’espace euro-méditerranéen et africain, existant un lien dialectique entre mauvaise gouvernance, développement et sécurité. Si l’on s’en tient aux aspects économiques, l’objectif doit s’inscrire dans le cadre de la volonté des deux pays à dynamiser les relations économiques par le biais de partenariats inter- entreprises en réseaux. Les tensions actuelles entre l’Algérie et la France ne sont que passagères, selon les informations que j’ai recueillies auprès d’importantes personnalités de l’Hexagone. Il ne s’agit nullement d’occulter la mémoire indispensable pour consolider des relations durables entre l’Algérie et la France. Il s’agit, en ce monde impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule, de préparer ensemble l’avenir par le respect mutuel.
Pour ma part, j’ai souligné que l’Algérie entend ne pas être considérée sous la vision d’un simple marché. Et c’est dans ce cadre que doit rentrer un co-partenariat entre l’Algérie et la France, loin de tout préjugé et esprit de domination afin de contribuer ensemble à la stabilité régionale. Car selon les derniers rapports internationaux, l’Algérie est un acteur incontournable pour la stabilité de la région, et que toute déstabilisation aurait des répercussions géostratégiques négatives sur l’ensemble de la région méditerranéenne et africaine, comme je l’ai souligné avec force dans mon interview donnée le 28 décembre 2016 aux États-Unis, à l’American Herald Tribune « toute déstabilisation de l’Algérie aurait un impact sur toute la région méditerranéennes et sahélienne » et au quotidien financier français la Tribune.fr le 11 mai 2017 « comment développer le partenariat entre l’Algérie et la France pour une prospérité partagée ». Dépassionnons les relations entre l’Algérie et la France qui sont souvent mouvementées, comme celles d’un vieux couple, afin de favoriser une prospérité partagée. Tout en n’oubliant pas le passé, le plus important au moment de ces bouleversements mondiaux est de préparer l’avenir ensemble.