23 novembre 2024
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Blé dur, blé tendre : couscous algérien ou pain parisien ? 

REGARD

Blé dur, blé tendre : couscous algérien ou pain parisien ? 

Il faut avoir un bon tamis pour réussir son couscous. 

Le blé est à la base du régime alimentaire des algériens. Mais le pays dit-on n’en produit pas suffisamment notamment en raison des conditions climatiques défavorables et la production nationale peine à satisfaire les besoins croissants de la population. Ce qui contraint, nous dit-on, le pays à importer 90 % de ses besoins en matière de blé tendre. L’Algérie constitue le principal débouché du blé français tendre à l’exportation.

Le blé est la céréale la plus cultivée en Algérie. Il fait partie des grandes cultures. Selon son utilisation, on distingue le blé dur utilisé pour la fabrication des pâtes alimentaires, le couscous et autres plats traditionnels et le blé tendre utilisé pour la fabrication du pain français. Le blé dur est principalement cultivé sous les climats secs. Il a des qualités nutritives indéniables.

Le blé tendre est cultivé dans des pays comme la France sous un climat humide. Il donne une élasticité comme la pâte à pain ou encore des pâtes à gâteaux. Ce n’est que depuis l’occupation française que la culture du blé tendre a commencé a connaître un développement rapide la colonisation et le blé dur une chute verticale  En 1925 : 248 118 ha en blé tendre et 1 164 454 ha en blé dur : 1949 : 1 064 000 ha en blé tendre et 399 500 en blé dur.

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 Comme dans l’antiquité romaine, l’agriculture algérienne reposait sur la production des céréales de l’arboriculture (oliviers et élevage). Le fait frappant de l’agriculture algérienne de la période 1962-1979 est la stagnation de la production.

En 1953, en milliers de quintaux, la production s’établissait ainsi 8 665 en blé dur et 3 250 en blé tendre. En 1980, elle stagne autour de 8897 en blé dur et connaît une augmentation en blé tendre soit 5 640.

Les  taux de croissance de la production agricole en volume sont à comparer au taux de croissance moyen de la population. De ce point de vue, on constate que pour la période 1967 – 1979, l’accroissement moyen annuel de la production agricole est de suivre celui de la population algérienne. L’agriculture est loin de pouvoir réaliser l’objectif d’autosuffisance en matière de céréales alors qu’il s’agit de plus en plus d’un impératif politique et économique à un moment où les pays fournisseurs étrangers cherchent à réduire leurs ventes de biens agricoles et où les cours mondiaux du blé remontent. La dépendance en matière de blé dur, denrée de base pour la population, s’aggrave dangereusement. 

L’Algérie se classe parmi les premiers pays importateurs de blé dans le monde. Pourtant le blé dur est mieux adapté aux conditions agro-climatiques locales bénéficie de rendements sensiblement supérieurs à ceux du blé tendre). Le couscous, un plat équilibré par excellence, la baguette de pain parisienne, une usine à produire des diabétiques en grande quantité. Le premier réclame du soleil et nous avons à profusion ;  l’autre une unité de montage de pièces détachées importées de France.

En 1962, l’Algérie avait des rêves mais n’avait pas de moyens, cinquante ans après, elle a les moyens mais n’a plus de rêves. Le pétrole a fait des institutions, pâles copies de celles de nos illustres maîtres à penser occidentaux, des coquilles vides pléthoriques et budgétivores, sans impact sur la société, destinées à camoufler la réalité au regard de l’étranger, mais personne n’est dupe. Aujourd’hui, le monde ne croit plus au père Noël.

A la moindre baisse du prix du baril du pétrole, elles s’écroulent comme un château de cartes. Elles ne servent que de devanture au regard de l’opinion internationale. Les exportations hors hydrocarbures sont insignifiantes. Pourtant seul le travail peut s’opposer au pétrole. Or, il est marginal. Il représente moins de 2 % des exportations depuis plusieurs décennies. N’est-ce pas le signe évident de l’échec des politiques économiques dites publiques qui n’ont de publics que les fonds, menées tambour battant par les élites qui se sont succédé et qui aujourd’hui se sont convertis dans l’opposition ou dans l’islamisme. La démocratie est une vue de l’esprit dans une économie rentière dominée par un Etat militaro-rentier. 

Toute opposition politique qui s’appuie sur les forces laborieuses est vouée à l’échec. Le poids de l’inertie est prépondérant, les forces vives sont faibles.  Le travail a perdu ses lettres de noblesse. Il s’incline devant le diktat du pétrole. Pourtant, «le pétrole est l’excrément du diable, il corrompt les pays et pervertit les décisions économiques », vérité vieille de cinquante ans mais encore vivace de nos jours. La rente pétrolière et gazière rend pratiquement inutile la production agricole et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif non négligeable vis-à-vis de l’urgence du développement agricole.

Alors que pour notre voisin de l’ouest, « gouverner c’est pleuvoir » pour les algériens, « gouverner c’est importer ». L’ajustement du niveau de consommation aux ressources alimentaires a entraîné un processus d’importation de biens alimentaires de plus en plus chers sur le marché mondial. L’insuffisance de l’offre agricole locale est due essentiellement à la médiocrité des rendements qui n’enregistrent aucun progrès appréciable. Les superficies consacrées à la céréaliculture n’ont connu aucune augmentation sensible ont au contraire régressé par rapport à la période coloniale.

Le facteur explicatif est l’eau car disent les experts au-dessous de 400 mm de pluie la céréaliculture est impraticable et les rendements dérisoires. Si la pluie était un produit fabriqué par les usines occidentales, on n’aurait pas hésité à l’importer pour peu qu’on touche sa commission au passage. 

La crise qui affecte la production a des origines lointaines : elle découle de la spécialisation à laquelle a été soumise l’agriculture durant la période coloniale vers la satisfaction des besoins de la métropole et donc déconnectée des besoins de la population locale et des causes plus récentes se rapportant à la politique « socialisante » menée aux pas de charge au lendemain de l’indépendance par les pouvoirs publics. Les difficultés du secteur agricole ainsi que la faiblesse de la production céréalière sont à l’origine de la persistance et de l’approfondissement d’un vaste mouvement d’importations massives et coûteuses.

Ces importations jouent le rôle de soupape de sécurité pour le pouvoir parce que empêchant que la crise du secteur agricole ne traduise la faillite totale d’une économie largement dépendante de l’extérieur pour sa survie. « Et le cargo diabolique nous enchaîna à tout jamais » tant pour l’exportation de notre seule richesse naturelle exportable (les hydrocarbures) que pour l’importation de notre nourriture et de nos médicaments ».

Mais l’horrible vérité, c’est peut-être que les gouvernants qui se sont succédé ont besoin des importations pour asservir leur population. Un peuple de paysans indépendants vivant de ses récoltes pourrait devenir têtu et fier pour demander l’aumône à ses dirigeants. C’est pourquoi les premières victimes des politiques agricoles sont les paysans indépendants et ce, à commencer par la révolution agraire. 

La révolution agraire a donné l’illusion que la justice sociale est rétablie alors qu’en réalité c’est le travail de la terre qu’on enterre. La rente pétrolière rend dérisoire le surplus agricole potentiel et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif vis-à-vis de l’urgence du développement agricole. Les importations sont un instrument imparable d’aliénation très efficace qui permet aux élites dirigeantes d’accumuler plus de pouvoir et plus de richesses. Mais cela peut également les mener à leurs pertes. La flambée des prix des produits alimentaires sur le marché international a été un des facteurs déclenchant de la chute des dictatures arabes et africaines.

L’Algérie se trouve dépendante du marché international pour son approvisionnement en produits céréaliers dans la mesure où elle est satisfaite par un groupe limité de pays dont la France d’où l’extrême vulnérabilité économique et la fragilité de son équilibre alimentaire. Face à cette situation contraignante où le taux de dépendance croît rapidement et d’une manière alarmante, est-il possible de renverser la vapeur ? C’est-à-dire d’augmenter l’offre locale. Pour augmenter l’offre alimentaire, on peut, soit étendre la superficie cultivée soit améliorer les rendements.

L’agriculture saharienne offre des perspectives rassurantes pour peu que la volonté politique soit manifeste. Les pays développés soutiennent la production, les pays rentiers soutiennent les importations c’est-à-dire financent la dépendance du pays aux variations des prix vers la hausse sur les marchés internationaux rendant vulnérables leurs populations. 

L’Algérie est le seul pays au monde à négliger ses paysans, ses artisans, ses travailleurs qualifiés, ses fonctionnaires honnêtes, ses penseurs, ses créateurs alors qu’aujourd’hui en Europe, aux Etats Unis, le revenu des paysans est protégé et subventionné et la terre prend de la valeur. La revalorisation de la terre serait un moyen de redonner à l’algérien le goût du travail et non l’envie de fuir le pays ou de mettre sa vie en péril dans des embarcations de fortune. La fin du pétrole va creuser la faim dans le monde. La famine sera le critère biologique déterminant de sélection des peuples à la survie.

C’est dire toute la responsabilité du choix des hommes devant conduire le destin de la nation. Que l’argent du sud retourne au sud, le nord en a fait un très mauvais usage. Le financement de l’agriculture par les recettes pétrolières s’est avéré un fardeau trop lourd à supporter. L’Algérie n’était-elle pas le grenier de la France coloniale au XIX siècle ?

Il est vrai que la population ne dépassait pas quatre millions d’âmes et qu’aujourd’hui, elle compte dix fois plus. Comme il est juste de dire que l’Algérie utile se trouvait au nord (10 % du territoire) et qu’actuellement, elle se trouve au sud (90 % de la superficie totale). Une fois les gisements pétroliers et gaziers épuisés et l’indépendance du pays compromise, le Sahara sera-t-il le futur potager de l’Algérie ? ou sera-t-il de nouveau sacrifié pour produire des hydrocarbures non conventionnelles après avoir servi de terrain d’expérimentation de la bombe atomique française, des armes chimiques et avoir arrosé l’économie européenne d’un pétrole abondant et à bon marché,  et ainsi avoir assuré la survie artificielle d’une civilisation matérialiste occidentale en déclin ?

Est-ce la fin des temps ?La tomate d’Adrar est-elle un signe avant-coureur ? L’agriculture saharienne, de surcroît une agriculture « bio à bas prix », n’est pourtant pas une utopie avec une lumière abondante, de grandes surfaces à perte de vue, une énergie solaire à profusion, des ressources en eaux souterraines accessibles captées, transportées, traitées, exploitées rationnellement comme dans le passé ancestral ou mieux encore, une main d’œuvre qui ne demande qu’à être employée, les techniques de production modernes existantes, un financement à portée de main.

Des oasis verdoyantes fleuriront. Les populations se déplaceront, les algériens se remettront au travail, des îlots de vie apparaîtront, l’espoir renaîtra. Une ceinture verte de sécurité alimentaire des peuples de la région se formera ; elle sera plus profitable et moins coûteuse que toutes les armées sophistiquées réunies du monde mobilisées pour la protection des puits pétroliers et gaziers, vitaux pour le pays et d’un intérêt indéniable pour l’occident. 

L’Europe y trouvera certainement son compte et apportera sans aucun doute son savoir-faire pour ne pas courir le risque d’être envahie par les peuplades venant du Sud dans des embarcations de fortune traversant une méditerranée devenue au fil des ans le cimetière des africains. « L’Algérie est capable d’accompagner les Etats du Sahel dans l’agriculture et la sécurité alimentaire » a déclaré le Directeur Général de la FAO à la réunion des ministres de l’agriculture des pays membres du Centre international des hautes études agronomiques du bassin méditerranéen (Ciheam). Que les pipes line et les gazoducs prennent la direction du sud. 

La paix dans la région passe par le développement de l’Afrique. Il y va de la protection de l’occident. Idées chimériques ou idées prometteuses ? Le pays doit tourner le dos à l’Europe et regarder en direction de l’Afrique subsaharienne.

Que l’argent du sud retourne au sud, le nord en a fait un très mauvais usage avec évidemment la connivence du grand Nord qui défend les droits de l’homme, de l’homme occidental évidemment. Un grand Nord qui ne cherche que le pillage du grand Sud. Avec une densité de cinq habitants au kilomètre carré au sud et deux cents habitants au kilomètre carré au nord, l’Algérie est un bateau qui chavire.

La remise à flots suppose évidemment une répartition judicieuse de la population et une exploitation rationnelle de ses ressources humaines laissées en jachère par les politiques économiques suicidaires menées à la faveur d’une manne pétrolière et gazière providentielle en voie de tarissement dans un avenir très proche. 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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