Mercredi 22 mai 2019
Algérie : un pouvoir mortel, un peuple immortel !
«On juge un arbre à ses fruits et non à ses racines ».
A la fin des années soixante-dix, au cours d’une entrevue privée avec un souverain arabe, un diplomate américain aurait dit : «C’est Dieu qui a mis du pétrole dans votre sous-sol, ce sont nos machines qui l’extraient, ce sont nos firmes qui l’exploitent, quel est votre mérite ? ». Le souverain musulman aurait souri ; et le diplomate de poursuivre : «C’est de l’usage que vous ferez de vos revenus pétroliers, que vous seriez jugé par Dieu et par votre peuple : Si vous en faîtes un bon usage, vous seriez béni par Dieu et votre jeunesse vous en sera reconnaissante, par contre si vous les dilapidez, Dieu vous maudira et les générations futures déterreront et retireront vos os pour les brûler sur la place publique ».
Le sourire de ce souverain musulman cache en réalité une double vérité : la première, c’est que seul Dieu l’unique enrichit qui il veut et sans commune mesure, et que l’homme n’a été créé que pour adorer Allah son créateur ; la seconde, c’est que la richesse est la plus grande et la plus pénible des épreuves que Dieu a infligé aux arabes.
Aujourd’hui Satan est devenu plus percutant, il tente l’homme non pas par la pauvreté mais par la richesse. Le pétrole est une chose inviolable sur terre, personne n’y touche sans risquer de recevoir les foudres de Satan. Pris dans le tourbillon du pouvoir aveugle et fascinés par l’argent facile, les dirigeants arabes délirent et se lancent dans des projets pharaoniques afin de s’immortaliser. Dans la tombe, ils chercheraient à «régner en enfer que servir au paradis ». Ils s’imaginent que le monde se plie à leur volonté et que les recettes pétrolières vont leur assurer l’éternité.
L’Algérie n’échappe pas à cette règle. Avec son immense ciel bleu et ses espaces désertiques infinis, elle était méconnue jusqu’à ce surgissent de ce sable stérile le pétrole en 1956. Il va être le pot de miel de l’Algérie indépendante. Il est intarissable, du moins pour la génération de novembre 54 en voie d’extinction. Les générations de l’indépendance n’ayant pas participé à la guerre de libération nationale n’auront pas droit. Elles sont exclues du partage du butin de guerre.
Dans l’Algérie indépendante, il n’y pas eu de bâtisseurs, il n’y a que des guerriers. Ceux qui ont planté l’arbre de l’indépendance avec leur sang ne savaient pas avec quelle eau il va être arrosé : l’eau de pluie ou le pétrole saharien ?
Le pétrole pollue, l’eau purifie. C’est une évidence, la société algérienne a besoin d’eau « propre » pour étancher sa soif et faire convenablement sa toilette et celle de ses institutions, en commençant naturellement par la tête pour descendre le long du corps et atteindre les orteils, comme elle a besoin d’air pur pour « respirer » et « croître » dans un monde sans état d’âme en perpétuelle agitation où le faible doit céder ses richesses naturelles au plus fort du moment.
Aussi semble-t-elle être prête à céder les réserves de pétrole et de gaz se trouvant dans le sous-sol contre tout bonnement un peu d’eau et beaucoup d’oxygène car considère-t-elle, que si le pétrole et le gaz « polluent », l’eau et l’air « purifient », consciente de plus en plus que la terre algérienne n’a pas besoin du sang des guerriers mais de la sueur des hommes. Pour ce faire, elle est à la recherche d’une nouvelle idéologie fondée sur le travail créateur de richesses et d’une pensée libératrice productrice de valeurs et de symboles pour la tirer de cette léthargie qui lui colle à la peau depuis plus de cinq décennies.
Que de temps perdu ! Que d’énergie gaspillée ! Que d’opportunités ratées ! Dans un pays où s’accumulent des fortunes et où l’homme dépérit, on ne peut que méditer cet adage populaire : «une richesse amassée est un tas de fumier puant. Par contre une richesse répandue est un engrais fertile».
Que de barrages envasés remplis à la faveur des dernières pluies, que de réserves devises engrangées sans changement d’économie politique, que de potentialités mises en jachère, en rebut ou poussées vers l’exil, pour une population majoritairement jeune maladroitement formée en quête d’un emploi productif dans un pays mal aimé qui marche sur sa tête et réfléchit avec ses pieds, un œil dirigé vers la Mecque et l’autre rivé sur Washington, se retrouvant en fin de parcours à Paris à la recherche d’un second souffle.
Nostalgie d’un passé encore présent dans les esprits des deux côtés de la Méditerranée. D’une colonisation jadis «au menu» jugée coûteuse à une occupation aujourd’hui « à la carte » car profitable, le passage est vite assuré à la faveur d’une mondialisation débridée sous la houlette des Etats-Unis d’Amérique talonnés de près par l’Europe. Une société qui ne se pense pas est une société qui se meurt lentement mais sûrement. La vie d’une nation cesse dit-on quand les rêves se transforment en regrets.
En 1962, l’Algérie avait des rêves mais n’avait pas de moyens. En 2019, elle a les moyens mais n’a plus de rêves.
Un espoir, sa jeunesse, elle ne rêve pas de châteaux en Espagne, ni de comptes offshore comme ses gouvernants mais de liberté et de justice. Quelle noblesse ! Quelle décrépitude ! Chapeau bas. Age tendre et tête de bois.