24 novembre 2024
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Le chien de mon oncle Rabah prédit le départ de Gaïd Salah !

REGARD

Le chien de mon oncle Rabah prédit le départ de Gaïd Salah !

Achille, le vieux chien de mon oncle Rabah, est mort noyé en suivant son flair défaillant et ses yeux aveugles. Mon oncle, grand admirateur de la guerre de Troie, louait sa témérité, en étant persuadé que son talent le perdrait.

Mais un jour, tandis que la pluie donnait des larmes à notre triste monde, Achille s’était précipité mystérieusement dans une «guelta» de boue, avec ce qu’il lui restait d’aboiement purulent dans le museau. Personne n’a jamais su derrière quoi, ni pourquoi il avait couru, mais mon oncle était persuadé qu’il croyait chasser la perdrix. Vieux chien fou. Il aurait dû s’appeler Don Quichotte…

Question : est-il indispensable de faire émerger des représentants ? On entend, çà et là, que le mouvement populaire risque de se consumer par excès de carburant et d’oxygène. Comprendre : par un trop-plein d’énergie jeunesse et de manque de délégués. Pourquoi vouloir des représentants à tout prix ? Pour négocier, discuter, soulever des problèmes, émettre des revendications ? Le peuple-mouton, à qui on a toujours greffé un «zaim» à la place d’un cerveau, est peut-être heureux de se retrouver sans berger, pour une fois, depuis l’indépendance. Un peuple infantilisé, auquel on a dit comment penser, manger, parler, prier, rire, chanter, et dormir, depuis 60 ans, a peut-être atteint l’âge de faire sa crise contre l’autorité. Peut-être que ce peuple a finalement compris que la non-représentativité est une protection, pour le corps uni qu’il se découvre. Désigner, voter, élire sont devenus synonymes de trahison et de potentiel dévoiement. 

Désigner des représentants veut dire aussi reconnaissance de l’autorité paternaliste du système. Or ce système a été court-circuité depuis le 22 février. Son autorité bafouée, sa puissance brisée, son pouvoir rejeté. Négocier avec qui, et pourquoi ? Avec l’institution militaire de Gaïd Salah ? Mais qui a désigné Gaïd comme représentant de l’armée ? Qui a voté pour lui ? Qui l’a autorisé à parler en son nom ? El Gaïd ne représente que lui-même et la poignée de parasites qui gravitent autour de lui. Négocier avec El Gaïd, c’est lui reconnaître sa qualité de délégué que personne n’a délégué. Et le peuple n’éprouve pas le besoin de désigner qui que ce soit pour parler à des généraux. Le corps malade se débarrasse de ses parasites, il ne négocie pas avec. En attendant, le peuple sans représentants continue de marcher. Admirablement beau, et inventif. Conscient de sa force et confiant en sa splendeur.

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Sinon et ce n’est nullement lié au manque de représentants, l’arrestation de Louisa Hanoune marque incontestablement un tournant dramatique dans ce nouveau mélodrame politique. Saïd Sadi dénonce, quant à lui, les rumeurs qui l’envoient à la « prison présidentiel » d’El Harrach. Et les journaux d’Ennahar et d’Echourouk, qui retournent leurs vestes comme on mâche un chewing-gum, lui désignent même ses anciens lieutenants égarés, Khalida Toumi et Amara Benyounes, comme copains de chambre. 

Au-delà des rumeurs, ce que disent sournoisement les décideurs du moment est que, désormais, nul homme politique n’est à l’abri de la camisole. Nul journaliste ne sera épargné. Et pas plus l’activiste ou la tête émergente prise de folie de grandeur. Combien d’entre nous, pourront-ils mettre au mitard ? Mille, dix mille, cent mille ? Il restera toujours le corps, certes amputé de quelques précieuses cellules, mais fonctionnel. D’ou l’intérêt de ne pas donner, comme offrandes, des représentants aux vieux loups d’en haut, tous aussi aveugles et téméraires que le vieux chien de mon oncle Rabah.

Car il ne leur reste que l’illusion de la puissance, une rémanence trompeuse d’une époque révolue. D’autres, bien plus téméraires et malins que le chien Achille, se sont essayés et ont fini leur course sur une charrette, traînés dans la boue et noyés dans la honte.

Auteur
Hebib Khalil

 




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