24 novembre 2024
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La dette historique qu’on doit à Maurice Audin

GUERRE ET MEMOIRE

La dette historique qu’on doit à Maurice Audin

Relire l’histoire avec une conscience neuve et décomplexée est un impératif moral de premier ordre pour baliser les chemins de la mémoire. Reconnaître ses erreurs avec sagesse l’est aussi pareillement. S’y soustraire pour quelque motif que ce soit, c’est se rendre complice du mensonge, de la lâcheté et du crime.

La première leçon de l’histoire, écrit un jour l’orateur romain Cicéron, c’est de ne pas dire ce qui est faux, la seconde, c’est d’oser dire ce qui est vrai. En présentant ses excuses au nom de la république française à la veuve de Maurice Audin, Emmanuel Macron a marqué un point symbolique sur le registre du resserrement des liens entre les deux pays meurtris par une histoire tourmentée, mal comprise par les nouvelles générations de jeunes Français et Algériens.

Toutefois, ce geste-là, quoique très positif, est insuffisant vu l’ampleur de travail de mémoire qui reste encore à faire dans les années à venir. Un travail qui doit s’accompagner d’une véritable lucidité, du courage et d’un sens d’engagement fort de la part des deux élites.

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Certes, l’ouverture d’une partie des archives de la guerre d’Algérie, décidée par E. Macron à la suite de cette «reconnaissance» tardive, peut décrisper un peu les relations entre les deux pays, mais n’en demeure pas moins peu efficace tant que l’aspect pédagogique dans la «détabouisation», si l’on ose dire, de cette guerre n’est pas au rendez-vous.

Oui, il faut «détabouiser» l’histoire de la guerre d’Algérie, en l’éloignant aussi possible de l’instrumentalisation politicienne, qu’elle soit française ou algérienne. D’autant que cela empêche nos deux peuples d’ouvrir une nouvelle ère d’amitié commune. Un exemple à l’appui.

Après des années de silence dû à sa «honte», du reste légitime, de femme torturée et violée par les paras français, la moudjahida Louisette Ighilahriz a dévoilé courant 2000 sur les colonnes du journal Le Monde l’atrocité de la torture dont elle fut victime.

Très peu de têtes dans l’intelligentsia hexagonale, pourtant à cheval sur le respect des droits de l’homme, ont pris au sérieux son témoignage et d’anciens tortionnaires tels que le général Bigeard et Schmitt l’ont même traité de menteuse et d’affabulatrice. Et pourtant, la résistante a donné des détails précis, une année plus tard, dans son ouvrage«L’Algérienne» sur ce qui se pratiquait alors, en toute impunité, dans les prisons françaises. En plus d’être généralisée, la machine de la torture est, paraît-il, légalisée en cachette par des hauts gradés dans la hiérarchie militaire dans le but de briser, coûte que coûte, la révolution algérienne.

Cette torture a touché non seulement les Algériens mais les Européens d’Algérie qui ont soutenu l’élan indépendantiste du peuple à l’image du jeune professeur communiste Audin ou de Henri Alleg, le directeur du journal «Alger républicain» et l’auteur de «La Question».

Ces cas-là ne sont pas isolés, puisque l’historien Jean-Luc Einaudi a évoqué dans son ouvrage «La ferme Améziane» (du nom d’une ferme située dans le Constantinois et transformée par l’armée française en un centre de torture), les tortures abjectes infligées aux détenus algériens par des tortionnaires sauvages et sans humanité. Même son de cloche chez Henri Pouillot, un ancien appelé militaire, qui a décrit dans son livre «La Villa Susini» (du nom d’une villa située sur les hauteurs d’Alger) des scènes de torture inimaginables à l’encontre des Algériens.

Il y a aussi beaucoup de flou sur les circonstances de la mort d’éminentes personnalités de la révolution tels que le leader Larbi Ben M’hidi et l’avocat nationaliste Ali Boumendjel, exécutés sous la torture, longtemps maquillée en suicide! Ces brefs rappels historiques nous renseignent que, quoique appréciable, cette reconnaissance de la responsabilité de la France coloniale dans la disparition de Maurice Audin,-une victoire à nous tous, qu’on soit Algériens ou Français –, reste partielle et a besoin de consolidation en actes concrets. C’est là la dette qu’on doit tous à Maurice Audin !

Auteur
Kamal Guerroua

 




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