Mardi 19 juin 2018
Quand la bêtise gifle l’intelligence…
Albert Camus, assis portant une casquette, au milieu de ses coéquipiers.
Toujours en retard d’un demi-siècle, l’Arabie Saoudite, Mecque du wahhabisme, du salafisme et par syllogisme du terrorisme, vient, enfin, d’autoriser la programmation du film « Le Message » du Syro-Américain Mustapha El Akkad.
Les projections cinématographiques, en général, étaient interdites dans ce pays depuis 35 ans. Comme en sont bannis les droits humains, notamment ceux des femmes, depuis au moins la fondation du royaume en 1932. Suppôt inconditionnel du maître américain, allié et vassal de tout ce que compte le monde comme pays professant la démocratie et les libertés, l’Arabie Saoudite demeure étanche à toute idée novatrice. Régime sauvage qui pratique la lapidation, la mutilation, l’enfermement, l’exécution systématique, la torture, il continue à bénéficier de tous les égards au niveau des institutions internationales. Le voici pour la cinquième fois invité d’une phase finale de la coupe du monde à laquelle il a même été qualifié en huitième en 1994. Mondial qui se déroulait, par hasard, chez le patron américain.
J’ai du mal à accorder du crédit à la compétitivité des équipes issues de ces pays gérés par des roitelets vautrés sur des champs de dollars.
Je me réjouis, tout de même, de l’issue de l’incident d’avion qui a failli emporter leur équipe hier en terre russe.
Alors qu’ils se trouvaient dans un avion affrété qui les emmenait à Rostov où ils doivent affronter l’Uruguay mercredi à 17 h, les joueurs de l’équipe saoudienne ont eu la peur de leur vie en constatant, 20 minutes avant leur atterrissage, un départ de feu sur l’aile droite de l’avion. Un miracle a eu lieu puisque l’histoire s’est bien terminée.
Si l’incident était devenu accident, il aurait provoqué un séisme au cœur de ce mondial qui suscite encore tant de questionnements. On n’aurait pas manqué d’évoquer la probabilité d’un attentat à l’heure où la Russie suit d’un très mauvais œil l’escalade génocidaire que son invité saoudien mène au Yémen.
Le match des migrants africains contre l’Europe tamponne la coupe du monde de cette année.
Qu’est-ce qui perturbe tant les représentants de notre continent à tel point que sur les cinq qualifiés, seul le Sénégal tire son épingle du jeu face à la Pologne ? Un pays rétif à tout ce qui vient d’Afrique. Bien fait ! Quatre défaites, une victoire au premier tour. Les Algériens, qui doivent ruminer une immense frustration, nimbés dans leur légendaire prétention, doivent se dire que « les Verts » auraient fait mille fois mieux. Rien n’est encore joué.
Le football n’est pas une science exacte. C’est un art dont Albert Camus disait : « Tout ce que je sais de la morale, c’est à ce sport (le football ) que je le dois. »
J’emprunte à un internaute averti, le barbu, ces délicieuses anecdotes vécues par cet illustre compatriote. Le 23 octobre 1957, le Racing Club de Paris affrontait Monaco, au Parc des Princes. Une erreur du gardien parisien permet à Monaco de mener 1 à 0. Un reporter se tourne vers Camus qui venait de recevoir le prix Nobel de littérature. A 44 ans, il était là en spectateur. Le reporter ne l’a pas reconnu. Il exprime son dépit. Camus lui répond : « Il ne faut pas l’accabler. C’est quand on est au milieu des bois que l’on s’aperçoit que c’est difficile. »
Albert Camus, rompu au jonglage avec les mots, savait aussi toutes les entourloupes qu’un ballon pouvait jouer à un gardien.
En 1929 déjà, il était licencié comme gardien de but au Racing Universitaire Algérois ( R.U.A ). A 17 ans, une tuberculose freine ses ambitions sportives.
Six ans plus tard, il revient sur un terrain et il raconte : « Lorsqu’en 1940, j’ai remis les crampons, je me suis aperçu que ce n’était pas hier. Avant la fin de la première mi-temps, je tirais aussi fort la langue que les chiens kabyles qu’on rencontre à deux heures de l’après-midi, au mois d’août, à Tizi-Ouzou. »
Un lieu où il ne faut jamais être. Pas au mois d’août !
Camus était un mordu de football. Il l’était tant, que lui, qui était un supporter du Galia, l’ancêtre du CR Belouizdad venu s’installer à Lourmarin dans le Lubéron, n’a pas pu s’empêcher d’acheter un jeu de maillots à l’équipe de jeunes du village voisin. Avec sa prime du Nobel !
Il venait d’inventer le sponsoring…
Plus loin dans ses confidences sur sa pratique du football, l’auteur de « La peste » et de « L’étranger », lui qui excelle à confectionner de belles « chutes » dans ses écrits, poursuit : « J’appris tout de suite qu’une balle ne nous arrivait jamais du côté où l’on croyait. Ça m’a servi dans l’existence et surtout dans la métropole où l’on n’est pas franc du collier. »
Il paraît que Camus a choisi d’être goal pour éviter d’user beaucoup de chaussures, lui qui était issu d’une famille très pauvre.
Son histoire aurait gagné à être connue de Donald Trump qui n’a pas mesuré les effets de l’annulation de l’accord sur le nucléaire iranien. Impliquant l’interdiction des échanges commerciaux entre le monde dit libre et Téhéran, ce coup de Trafalgar a contraint Nike, la virgule impérialiste, à renoncer au sponsoring de l’équipe persane. Résultat, les Iraniens ont joué avec des chaussures qu’ils ont payées de leurs propres deniers.
Résultat bis : ils ont gagné leur premier match 1 à 0 contre le Maroc, nos malheureux cousins.
A défaut de saboter le mondial de Poutine, son meilleur ennemi, le tweeter en chef, Trump, a tenté de déstabiliser la fière équipe iranienne. Il a encore raté son coup.
Un poète juif anonyme, cité par Avicenne – encore un perse ! – disait : « Lorsque la bêtise gifle l’intelligence, alors l’intelligence a le droit de se comporter bêtement. »