Mercredi 23 mai 2018
Affaire commandant Azzedine : du David contre Goliath-Tahkout ?
Dans le procès qui oppose le commandant Azzedine au patron du groupe industriel Tahkout, dont on suit les péripéties comme les épisodes d’un feuilleton captivant dont on guette les éventuels rebondissements, il est question de sommes faramineuses que le commun des mortels ne doit pas bien situer à leur juste appréciation, tant le nombre de zéros rattachés aux chiffres impliqués dans les chèques de transactions entre nos deux nantis se traduit en sommes à donner le tournis, même aux experts es-calcul et comptabilité ! Quelques opérations élémentaires sont nécessaires pour clarifier et jauger les choses à leur juste mesure.
Evidemment, il ne nous appartient pas de nous immiscer ou de porter quelconque jugement dans une affaire de justice toujours en cours, et qui concerne bien plus des juges et des avocats expérimentés en droit, en lois et en chari3a, que l’observateur distant et soumis à une rigoureuse neutralité. Mais il est utile de mettre en relief et d’analyser en termes de glossaire simple, clair et direct, ce que les sommes en litige représentent.
Dans cette affaire, il est question de montants et de chèques sans provisions, réfutés par le mis en cause, sur lesquels il est inutile de s’attarder ! Cependant, il suffit de focaliser son attention sur cette somme de 150 millions de DA (la plus petite de toutes, me semble-t-il), soit 15 milliards de centimes, que notre commandant reconnaît avoir reçu d’une traite du patron du groupe Tahkout, pour bien s’imprégner de l’exorbitance des sommes en jeu dans cette intrigue de gros sous.
- Lire aussi : L’avocat marron, le combinard et le fellaga
En arrondissant à 20.000 DA les traitements mensuels, 150 millions de DA représentent 625 années de Salaire minimum en Algérie, et environ 40 années de revenus des députés Tliba et Salhi ! De quoi assurer la vie et le confort d’une bonne dizaine de générations de la lignée concernée ! Même convertis en euros, au taux de change parallèle du square port Saïd, c’est l’équivalent de 50 années de traitements basés sur le SMIC français ! Calculs arrondis à la louche, mais avec une marge d’erreur suffisamment faible pour les faire graviter autour de leurs justes valeurs !
Arrive-t-il à nos honorables nantis d’inspecter leurs richesses sous l’angle de vue du citoyen lambda qui peine à joindre les deux bouts d’un quotidien féroce ? De quel genre d’altruisme ou de bienveillance envers ses prochains peut-on se prévaloir en étalant ainsi de l’avoir plein les armoires et des comptes à faire évanouir les 38 millions de ghachis sur les 40 millions d’habitants que compte le pays ? Il faut faire partie des 2 millions restants, ceux de la petite famille FLiN-tox, pour manipuler de telles sommes et savoir de quoi il s’agit ! La justice n’a-t-elle d’ailleurs pas avouée quelques incompétences, dépassée par des chiffres à faire tressaillir et éblouir juges, magistrats et avocats qui ne font pas de l’intégrité un vain mot ?
Il s’agit donc d’une affaire de gros chèques qui échappe aux repères budgétaires du petit citoyen qui se bat au quotidien pour s’assurer la petite khobza.
Mais à quoi diable peuvent bien servir ces milliards cumulés par un seul individu, de surcroît octogénaire ? S’assurer un oreiller et un matelas confortables, une fois sous terre ? Où est la retenue dans ces étalages de fortunes à sustenter des dizaines de familles démunies du strict minimum de survie ? La véritable Rahma, surtout en ce mois d’intense piété, ne consiste-t-elle pas à détacher son esprit de ces biens et de ces capitaux factices qui ont fait perdre à l’homme le sens du partage et de la main tendue pour le transformer en égoïste endurci, indifférent à la mal-vie des autres, préoccupé en permanence par son seul et unique souci, celui de stoker toujours plus d’avoir pour garantir une longévité et un confort éphémères pour lui et ses descendances ?
Il faut une sacrée dose de confiance réciproque et des liens agrémentés de toutes sortes de serments de fidélité pour que 15 milliards de centimes soient ainsi fournis, sans témoin ni intermédiaire, et remis de gré à gré, en un chèque unique et une simple signature ! Dans quel genre de référentiel analytique un bipède qui a subi des millions d’années d’évolution avant de mériter le titre d’être humain accompli et civilisé peut-il décoder ces affaires de gros milliards ? Décidément la planète financière ne vit pas sur cette Terre familière aux citoyens d’en bas qui se contentent de quelques bières pour se sentir bien ! Elle opère dans un monde parallèle sur lequel ne s’ouvre pas de portail d’accès avant ni de portique arrière !
« Nous n’avons pas pris le maquis et ne nous sommes pas battus contre les roumis pour bénéficier d’avantages, de privilèges ou de postes émérites » avait récemment discouru un ancien moudjahid de chez nous, à l’occasion de la célébration de je ne sais plus quelle date liée à la révolution, en excipant les sempiternels slogans « gloire à nos martyrs » ! Ces affaires de gros sous prouvent que telle formule est bien difficile à faire avaler au p’tit ghachis !
Pendant qu’en Juillet 1962, hommes, femmes et enfants nous égosillions avec des tahia-eldjazaïr festoyant, les malins de tous bords se sont rués sur le butin, les immeubles, et toutes sortes de biens vacants abandonnés par les colons, pour en jouir de leurs vivant et en faire profiter les arrières-arrières petits-enfants, jusqu’aux nèmes générations !
Décidément l’Algérie a tout faux, en long, en large, en travers, et surtout de bas en haut, jusqu’à ce tout puissant là-haut, malmené et mêlé à tout va dans des affaires de dividendes qui ne le concernent pas ! Quand on voit ces milliards circuler en toute normalité entre nantis, et ces avoirs excessifs exhibés, souvent avec légèreté et toupet, à la face de celui qui se bat au quotidien pour assurer la maigre pitance indispensable à la survie des siens, on se surprend à maugréer toutes sortes de jurons contre diables et divinités, et surtout contre le Général «Colombey les deux mosquées», fautif premier de la déconvenue du pays !
Slimane Azem avait, au lendemain de «l’istiqlal» confisqué, dénoncé ces vices déguisés en vertus par ceux qui nous ont délivrés du méchant colon pour mieux le remplacer : « Amjahedh s’el-plaça, Cha3b yettaf dhi setta » ! avait-il osé formuler du temps de Ben Bella, de Boumediene et, encore et encore… du jeunot Bouteflika.
55 ans après, à une Algérie plus que jamais « Amjahedho-militaro-centriste », cette formule s’applique toujours, en mieux, car « même faux, le Moudjahid est sacré prince ou roi, l’impécunieux ghachis se pend à la courroie »… Celle qui assure la transmission de biens mal-acquis entre membres assermentés de la petite « famiglia », en s’époumonant, mandat après mandat, en guise de serment collectif de fidélité au Roi, du slogan puéril « el-djeich, cha3b, a3mak ya Bouteflika » !
On nous l’a servi, on nous le servira encore, celui-là ! N’en déplaise à un commandant Azzedine qui s’étonne que le Raïs ignore des doléances adressées par l’officier qu’il fut à un autre commandant, tapis aux frontières pour humilier son combat mené sur le terrain !
Ah cette sacrée Histoire d’Algérie ! Faudra bien la raconter un jour sans impliquer dinars ni milliards !