Mercredi 25 octobre 2017
Du gaz de schiste pour sauver Bouteflika
Donc, à entendre Ouyahia, après la planche à billets, Bouteflika compte recourir au gaz de schiste pour sauver son règne calamiteux. Pourquoi pas ? L’Algérien est pour servir de rat de laboratoire.
Ici, la bombe des Français tue toujours, 60 années après l’indépendance. Mais, ici, c’est quoi ? Une oasis maudite, loin de tout, loin des regards, loin des états-majors, une contrée éloignée de 1 800 kilomètres de la capitale, autant dire un morceau de bout du monde, ceux que l’on ne visite jamais, ou alors à la sauvette, le temps d’une photo, d’un discours… Mourir à Reggane, c’est mourir pour personne, c’est la mort de quelques non-être, des âmes que personne n’aura comptabilisées. Du reste, à l’époque, dans les années 1960, les autorités françaises prétendaient que les essais nucléaires français se situaient dans des régions inhabitées. Quand on réalisera qu’au moins 20 000 personnes vivaient dans la zone des retombées radioactives, il sera trop tard : Reggane venait de recevoir, l’équivalent de trois bombes d’Hiroshima ! Un indigène, ça ne se remarque même pas !
Mais l’essentiel, n’est-ce pas, c’est la grandeur de la France ! Hier, elle reposait sur sa puissance militaire, aujourd’hui sur son indépendance énergétique.
Hier, sous le général De Gaulle, on se cherchait « une force de frappe atomique susceptible de se déployer à tout moment et n’importe où. Sans perdre de temps, le 13 février 1960 a lieu le premier essai français d’une bombe A à Reggane, dans le Sahara algérien. En territoire indigène ! Les témoins assurent que cela ressemblait au jugement dernier. « Une énorme explosion puis des nuages noirs dans le ciel et la terre tremblait sous nos pieds. » La population n’était avertie de rien. On leur avait juste dit : « Fermez les yeux et ne regardez pas le ciel ! Dites-le à vos familles et à vos voisins. » Beaucoup fermeront les yeux pour toujours ; d’autres, des milliers d’autres, ne les ouvriront plus jamais sur le monde : une bonne partie de la population de Reggane a perdu la vue dès le lendemain. Abderrahman Saadaoui, en fait partie. Il devint aveugle quelques jours après l’essai nucléaire. plus tard. « Nous étions illettrés et ne comprenions pas ce qui se passait. Mais j’étais hanté par une peur diffuse que tout cela allait avoir des conséquences durant des années… » Et c’est ce qui s’est passé. Il y a eu à Reggane des maladies qu’on n’avait jamais connues »
En 2014, les engins français seraient de retour dans la région. Plus d’un demi-siècle après les essais nucléaires menés par l’ancienne puissance coloniale dans le Sahara algérien, la population locale suspecte la compagnie pétrolière Total, l’État français, et d’autres multinationales, de préparer, avec la bénédiction de l’Etat algérien, des forages de gaz de schiste, à proximité des villes et des oasis sahariens, menaçant les précieuses ressources en eau. Faut-il ajouter des drames du gaz de schiste aux drames des essais nucléaires ? Ici, les gens continuent de boire une eau dont des spécialistes assurent qu’elle serait à l’origine de plusieurs maladies. Une eau tirée des puits à ciel ouvert qui n’aurait jamais fait l’objet d’analyses, en dépit du risque qu’elle présente. Mais qui se soucie de ces populations oubliées du monde ? Elles-mêmes ! Seulement elles ! L’énorme différence entre l’époque des essais nucléaires et aujourd’hui, est que les fils et petits-fils du vieux Abderahmane Saadaoui sont allés à l’école, qu’ils savent de quoi il en retourne, Ce sont eux qui manifestent contre le gaz de schiste, parce qu’il y va de leur vie et de celles des enfants à naître. Ils refusent d’être les éternels cobayes indigènes. Ils alertent l’opinion sur les projets de prospection d’hydrocarbures de schiste dans le désert algérien, avec la bénédiction du gouvernement français, mais aussi du gouvernement algérien. C’est pratique, le Touat. C’est loin de Paris et ça peut rapporter gros. Prospérer sans mettre en péril la santé du Français : le pied ! La ministre française de l’Ecologie Ségolène Royal l’a assuré en direct : il n’y aura pas d’exploitation du gaz de schiste en France, ni même d’investigation, tant qu’elle serait ministre de l’écologie. Mme Royal s’appuie sur le cas américain. « Même aux Etats-Unis, les experts en reviennent du gaz de schiste. Il y a beaucoup de dégâts environnementaux (…) On commence à voir aux Etats-Unis des friches industrielles scandaleuses, avec des riverains effarés, des poches de pauvreté et des poches de chômage…Mais en Algérie, des riverains effarés, des poches de pauvreté et des poches de chômage…
Le gaz de schiste c’est comme les vieux tacots sans airbag et sans frein ABS : c’est bon pour les autres. Les Français n’en veulent pas chez eux. Baisser le nombre de morts sur les routes est une tâche sacrée. Par bonheur, il y a l’Algérie, l’un des derniers pays au monde où l’on pouvait vendre une voiture sans airbags. Le commerce des tacots démodés, pactole pour tout un puissant lobby dans lequel se retrouvent véreux concessionnaires, immoraux banquiers et sombres complices au sein de l’administration algérienne, était devenu l’objet d’une confrontation qui a tourné régulièrement à l’avantage des derniers. Il faut dire que ce joyeux gang était lui-même rattaché aux géants de l’automobile japonais, sud-coréens et européens, prestigieuses enseignes qui considéraient toutefois notre pays comme le déversoir d’une ferraille tout juste bonne à mettre à la casse et qui ne répugnaient pas à fourguer aux Algériens une camelote interdite chez eux. Après tout, nous ne sommes, aux yeux des constructeurs de voitures et même de certains de nos dirigeants, qu’un peuple primitif pour lequel l’on ne saurait s’encombrer de législation restrictive, de normes de sécurité réservées aux peuples civilisés ou encore moins de morale. C’est de notoriété publique : l’Algérien n’a que faire dans le monde moderne. Ce monde n’est pas le sien et il serait prétentieux de sa part de vouloir profiter des lois qui protègent la vie et l’environnement de la population civilisée. L’Algérien appartient à l’autre monde, le monde où l’on s’entre-tue, le monde de la violence et des violations des droits humains. Un monde à « protéger » de la sauvagerie de ses propres habitants.
M. B.