Mercredi 19 août 2020
Le congrès de la Soummam : l’esprit d’indépendance
La recherche des fondements de l’État est le propre de chaque nation qui aspire à avoir une présence active dans l’histoire humaine.
Pour éviter le piège aliénant du discours mytho-idéologique, cette recherche a besoin d’une pensée libre, critique, instructive et constructive. Il faut aussi que des conditions politiques soient réunies pour construire un État garant de la pluralité et de la diversité de la société. Sans ces conditions, il est extrêmement difficile d’éviter la tragédie historique du dernier des Mohicans, décrite par Mouloud Mammeri dans « La mort absurde des Aztèques » : « Exilé du présent, débouté de l’avenir, il recrée et mythifie un passé-ghetto qui, sous couleur de l’identifier, l’enjeôle. La réserve c’est encore un piège, tendu par des conquérants honteux: les frustrés y tombent quelquefois. C’est à tort. »
Le 64ème anniversaire du Congrès de la Soummam qui a été tenu un an, jour pour jour, après l’offensive militaire du FLN dans le nord-Constantinois, est un rendez-vous avec l’histoire qui doit nous inciter à réfléchir sur le sens de « la primauté du politique sur le militaire » et « de l’Intérieur sur l’Extérieur », celui de » la lutte pour la renaissance d’un État Algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues » et, enfin, le sens du destin commun des peuples nord-africains et méditerranéens, l’importance de l’émergence d’une conscience humaine de la communauté du vivant.
Cependant, avant d’aborder ces questions, il est important de rappeler ce qui a été le souffle révolutionnaire qui a permis aux Algériens de constituer les premiers centres d’exercice de leur souveraineté que furent le Conseil National de la Révolution (CNR) et le Comité de Coordination et d’Exécution (CCE), d’offrir un cadre gouvernemental à leur souveraineté par la création du GPRA et d’atteindre l’objectif de destruction de l’ordre colonial et concrétiser l’esprit d’indépendance. Cet esprit a permis aux Algériens de passer le cap des révoltes locales, d’engager une révolution porteuse d’un projet historique d’État national moderne et apte à participer à la construction d’une fédération nord-africaine des peuples. Il leur a permis de sortir du piège du non-État ayant permis au colonialisme de les maintenir dans leur condition d’indigènes bannis de l’histoire.
Il a également immunisé l’effort révolutionnaire de toute inféodation aux Chancelleries étrangères, comme l’ont si bien précisé les congressistes de la Soummam : « La Révolution Algérienne, malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique, dont la base est incontestablement de caractère national, politique et social. Elle n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington. »
L’offensive menée par l’ultralibéralisme globalisé, notamment, contre les pays anciennement colonisés, vise à assassiner l’esprit d’indépendance des peuples pour les plonger dans la condition du néo-indigénat. Ainsi, la réalité mondiale créée par la pandémie du coronavirus est utilisée pour organiser une redistribution du pouvoir lié aux mouvements des capitaux financiers, favorisant le glissement des démocraties occidentales en des sous-systèmes étatiques répressifs et réduisant les régimes militaires ou monarchiques des pays post-indépendance à des supplétifs.
Dans ces conditions, la Silmiya du peuple algérien a donné un nouveau sens à la révolution, celui d’un mouvement populaire massif dont la force transformatrice radicale et la puissance subversive du sourire sont agissants à l’échelle de l’histoire. En ce sens, elle a mis en évidence la totale soumission de la junte militaire aux puissances étrangères et à leur bras régionaux. Elle a rappelé aussi que face aux tentatives géopolitiques de déstabilisation majeure, le peuple algérien a fait preuve de sa capacité de résistance.
Mieux encore, le peuple algérien a montré qu’il dispose de toutes les ressources nécessaires pour offrir au pays un nouveau projet historique : le Projet Algérie.
Qu’est-ce que le projet Algérie ?
Le défi historique auquel fait face la Silmiya, c’est celui d’ouvrir des perspectives permettant de construire un Etat national libéré du chauvinisme nationaliste archaïque, ouvert à la construction citoyenne de l’espace nord-africain, de l’espace méditerranéen et participant activement à l’instauration d’un Ordre Mondial des Peuples. Quand des millions d’Algériens scandent « Dawla Madaniyya, machi âskariyya ! (Oui à l’Etat civil ! Non au régime militaire ! », c’est pour rappeler la pertinence historique des résolutions de la Soumamm portant sur « la primauté du politique sur le militaire » La junte militaire maintient l’Algérie dans le piège historique du pays anciennement colonisé. Son maintien porte des dangers majeurs pour toute communauté de vie en Algérie.
Quand des millions d’Algériens scandent « Leblad blâdna ou n’dirou raynâ ! » (Ce pays c’est le nôtre ! Nous avons le droit d’y exercer notre souveraineté ! », c’est pour rappeler que « la primauté de l’Intérieur sur l’Extérieur » prend tout son sens aujourd’hui, alors que l’Algérie est la cible de manœuvres néocolonialistes menées par la France, les États-Unis, la Russie, la Chine et leurs bras régionaux que sont l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l’Égypte, le Qatar et la Turquie. Quand des millions d’Algériens scandent « Istiqlâl ! Istiqlâl ! » (Indépendance !Indépendance !), c’est pour rappeler que l’objectif d’émancipation politique du peuple reste à réaliser dans le cadre de la citoyenneté et de la justice sociale. Le Projet Algérie, c’est celui d’une citoyenneté ouverte sur le monde. Le Projet Algérien, c’est celui de la répartition juste des richesses et de l’égalité des droits pour l’accès à l’emploi, au logement et à des conditions de vie respectueuses de la dignité humaine. Le Projet Algérie, c’est celui d’une économie libérée de la rente.
Le Projet Algérie, c’est celui d »un État organisé autour de la séparation des pouvoirs. Le Projet Algérie, c’est celui d’un champ politique libre, d’une justice et presse indépendantes. Le Projet Algérien, c’est celui d’un État sécularisé garant de tous les droits et de toutes les libertés démocratiques. Le Projet Algérie, c’est celui de la liberté de conscience, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Le Projet Algérie, c’est celui de l’exercice de la souveraineté par le peuple. Le Projet Algérie, c’est celui du vivre ensemble préservant toutes les communautés de vie.
Nous, signataires de cet appel, appelons l’ensemble des Algériens résidant en France à participer au rassemblement qui aura lieu jeudi, le 20 août 2020, à la place de la République à Paris, de 19h00 à 21h00, dans le strict respect des mesures-barrières liées à la prévention contre le coronavirus. Ensemble pour : – La libération immédiate et inconditionnelle de Khaled Drareni, de tous les journalistes incarcérés et de tous les détenus d’opinion. – La dissolution de la police politique et le démantèlement de la junte militaire. – L’arrêt immédiat de toutes les poursuites judiciaires et les persécutions policières des militants de la Silmiya. – L’arrêt immédiat de toutes les campagnes de diabolisation des militants de la Silmiya et de toutes les opérations de division du peuple. – Une transition démocratique indépendante du système. – Une Algérie diverse et plurielle. – Une Confédération Nord-Africaine des Peuples. – Un Ordre Mondial des Peuples. La révolution pacifique du peuple algérien est un processus qui s’inscrit dans la durée. Il est le prélude à une Algérie où la junte militaire n’a pas sa place.
VIVE L’ALGÉRIE LIBRE, PLURIELLE, DIVERSE ET HEUREUSE. VIVE LA SILMIYA DU PEUPLE ALGÉRIEN. GLOIRE A NOS MARTYRS.
Collectif Libérons l’Algérie,
Paris, le 17/08/2020