Le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, a accordé un entretien à l’Agence Presse Service (01) dans lequel il est revenu longuement sur le bilan réalisé par Sonatrach en 2021.
Bien que la date de cette interview coïncide avec le nouvel an, le ministre de l’Energie s’est limité à donner les chiffres comparatifs arrêtés à fin septembre 2021 pour probablement une vision tactique car les trois derniers mois de l’année 2021, pourtant bouclée, pourraient fausser les conclusions.
Ainsi pour faire court, le ministre de l’énergie situe la production « commerciale » toute forme confondue durant cette période de 104,7 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) en 2020 à 121,5 millions de TEP à fin septembre 2021. Il a jugé cette « performance » comme « une forte reprise des activités du secteur des hydrocarbures après une année perturbée par un manque d’investisseurs et un ralentissement de l’activité faisant allusion probablement à la crise pandémique due à la Covid-19.
Le ministre rappelle par ailleurs que cette performance est le résultat, ce qui se comprend pour un pays primordialement gazier, de la hausse de « production » du gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour chacune des formes 31% et 4%. On a exporté selon les déclarations du premier responsable du secteur 72 millions de TEP soit près de 22% de plus durant la même période l’année dernière. Les mots choisis par Mohamed Arkab ne sont pas fortuits mais visent un objectif précis et intentionnel.
D’habitude, les structures centrales du secteur de l’énergie donnent plutôt la production primaire commerciale pour permettre aux analystes d’apprécier l’effort consenti par les opérateurs pour la maintenance et la préservation des réserves des gisements lors de leur exploitation sous leur strict contrôle.
Dans le jargon pétrolier, la production commerciale qui comprend la quantité consommée en interne et celle exportée viennent après la réinjection d’une partie pour le maintien de la pression des gisements. Le total des quantités réinjectées plus celle consommée en interne plus les exportations font la production primaire.
De là, on peut se demander : pourquoi depuis 2019, les bilans sont axés sur la production « commerciale » au lieu de celle primaire qui représente mieux l’indice de performance ? Plus grave, pourquoi le ministre qui juge à sa manière l’année 2020, ne donne aucun détail sur la provenance de cette « augmentation » de près du 1/3 des volumes des exportations du gaz ? Est-ce pour décrédibiliser les chiffres de l’Organisme nationale des statistiques (ONS) ? Ou est-ce un effet d’annonce pour la consommation locale ?
1-Qu’en est-il exactement ?
La baisse de la production primaire est continue depuis au moins 2019 comme suit
2019 : 187 millions de tonnes équivalent pétrole (MMTEP)
2020 : 176 millions de tonnes équivalent pétrole (MMTEP)
2021 : 161 millions de tonnes équivalent pétrole (chiffre prévisionnel avéré car officiellement à fin septembre 2021, on a produit 121 MMTEP auquel il faudrait ajouter (121/9)* /3)
En supposant que cette quantité de gaz exportée soit réelle alors on est en droit de se demander d’où vient-elle sinon serait- elle des gaz associés au détriment de la conservation des gisements ?
Selon le rapport de l’ONS dont l’image figure dans les renvois (02), l’indice de production du premier trimestre 2020 est établi à 117,7 ; cette même année la crise pandémique due à la Covid-19 avait fait des ravages touchant l’industrie pétrolière et gazière de plein fouet mais le premier trimestre 2021 n’a pas fait mieux en dépit de la relance des activités économiques mondiales mais reste autour de 110,1.
Quant au second trimestre, il en a gagné 0,1 pour s’établir à 110,2 toujours inférieur à l’année de base de comparaison 2020. Sur les neuf mois de 2021, la production réelle de 2021 n’a augmenté que de 0,2% par rapport à la même période de 2020. Si l’on tient compte de l’ouverture de la vanne des quotas en 2021, on pourra conclure sans réserve que l’année 2021 est moins bonne que celle jugée par le ministre comme année relativement difficile pour les raisons citées plus haut.
Comment peut-on croire avec cette baisse avérée de cet indice calculé par un organisme national spécialisé en la matière et les déclarations des responsables du secteur de l’Energie notamment ministre de l’Energie et PDG de Sonatrach d’avoir augmenté la production dont ils ne citent même pas la provenance.
2- Pourquoi les chiffres avancés pourraient être fallacieux
D’abord 31% de gaz naturel tel que avancé par Mohamed Arkab représente près de 50% du potentiel de champ de Hassi R’mel, environ 100 millions de m3/jour. S’agit-il d’une nouvelle découverte de la taille de Hassi R’mel que les Algériens ne connaissent pas ? Ou est-ce la conséquence de détournement de 100 millions de m3/j de gaz de Hassi Messaoud, de Rhourde El baguel, et la violation du taux de cyclage de Rhourde Nouss et de Hassi R’mel et s’attendre à une extinction imminente de ces gisements qui font vivre tout le pays ?
3- Une drôle de coïncidence à toute fin utile ?
Si on raisonne en production primaire notamment en gaz dont il est question on pourrait situer la production primaire de gaz sec de Hassi R’mel entre 190 -200 millions de m3 /jour celui de Rhourde Ennous : 35-40 millions de m3 /jour, Gassi Touil : 10 millions de m3 /jour, Hamra ; 12 millions de m3 /jour. De ces quantités, on devrait réinjecter 45 millions de m3 /jour dans le champ de Hassi Messaoud, 7-10 millions de m3 /jour Rhourde El Baguel, 20 millions de m3 /jour à Rhourde Ennous et 45-55 millions de m3 /jour à Hassi R’mel.
Le total se rapproche curieusement de l’augmentation avancée par le premier responsable du secteur ? Que doit-on en conclure ?
Rabah Reghis
Renvois
(02)–https://www.ons.dz/IMG/pdf/I.IPI3T2021.pdf
–https://www.ons.dz/IMG/pdf/I.IPI3T2021.pdf – –https://www.ons.dz/IMG/pdf/IPI-4T-2017.pdf; https://www.ons.dz/IMG/pdf/ipi4t2019.pdf