Des journaux et agences de presse, françaises, britanniques et surtout espagnols, ont tenté dans leurs analyses de lier l’annonce « au conditionnel » faite par le PDG de Sonatrach vendredi que son groupe « envisage de revoir les prix du gaz fourni par Sonatrach à l’Espagne » au revirement politique du gouvernement Sanchez vis-à-vis du dossier du Sahara occidental.
Certains organes osés, ont pris l’Algérie pour un enfant gâté qui mélange la politique et le commerce international. Or, cela aurait pu être le cas si l’Algérie manquait d’arguments sur ce dossier entre les mains des instances internationales.
Mais tout le monde l’aurait compris que Pedro Sanchez n’a pas réussi à convaincre l’opposition au gouvernement espagnol par les arguments d’avoir agi de la sorte en favorisant l’efficacité (realpolitik) et le suivi aveugle de ses collègues de l’union européenne sans en citer un. Il a donc tripoté une position de principe de l’Espagne unie sur l’ancienne colonie de Sahara Occidental depuis près de cinquante ans.
La presse qui lui est favorable, tente d’ailleurs en vain de dévier une simple question commerciale pour en faire une histoire politique. Ce qui est pour de nombreux observateurs une affaire purement commerciale mais pourquoi spécialement le gaz algérien livré à l’Espagne et pas tous les clients de Sonatrach dans le monde ?
1-Pourquoi le gaz fourni par l’Algérie à l’Espagne justement
Combien même, le gaz fourni aux différents clients de Sonatrach restent soumis à la clause « Take or pay » pour une obligation minimale de 80% de la livraison par le fournisseur, les prix contractuels sont constamment indexés à la fluctuation du prix du baril par une formule qui ne le ramèneront en aucun à celui du spot. Rappelons aux lecteurs que les prix dans les Hubs ont atteint bien avant la crise ukrainienne parfois jusqu’à 65 dollars le million de British Thermic Unit (MMBTU) par contre ceux contractuels ne dépassent rarement les 10 dollars une fois indexés.
Cette fourchette montre clairement le sacrifice fait par l’Algérie qui en a besoin pour faire face à la demande pressante de son économie mais n’a à aucun moment gêné ses clients de son marché de proximité notamment l’Espagne et l’Italie qui jouissent de trois sorties de gazoducs. Celui qui passe par le Maroc est provisoirement fermé mais reste un acquis considérable pour le Maghreb et l’Europe.
2- Ce n’est pas le cas de l’Espagne
Rappelons pour les mémoires courtes que durant la crise sanitaire due à la Covid-19 dans sa pleine croissance vers avril 2020, les prix du MMBTU ont frôlé le zéro, ceux du baril du pétrole l’ont franchi au négatif. L’Algérie continuait à fournir ses clients en respectant le contrat et cela a marché avec tous les clients sauf l’Espagne justement. Pourquoi ?
A peine 20 jours après ce pic de la crise sanitaire qui a préoccupé tous les acteurs de l’économie mondiale, exactement le lundi 18 mai 2020, le président de l’espagnole Naturgy Group, Francisco Reynés a adressé un avis clair aux navigateurs en précisant que la société aurait recours à tout instrument juridique pour adapter les contrats internationaux du gaz naturel aux circonstances actuelles du marché.
Cela est dû à la profonde dépression des prix des matières premières dérivées, d’une part, de l’offre excédentaire enregistrée depuis l’année dernière en raison du ralentissement de l’économie et, d’autre part, de l’effondrement de la demande pour les mesures de confinement pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
L’analyse de Carmen Monforte qui a rapporté l’information et la rédactrice de l’article s’est « focalisée » sur le fournisseur traditionnel Sonatrach pour laquelle « il n’est plus question de continuer à payer Sonatrach et partant l’Algérie du gaz naturel qui viendrait par Medgaz à des prix très élevés par rapport aux prix pratiqués dans les marchés internationaux. » Naturgy qui conteste tous ces contrats avec ses principaux fournisseurs avait entamé des négociations depuis le début de l’amorce de cette chute selon toute vraisemblance en vain, d’où le recours à l’arbitrage international conformément aux clauses contractuelles.
Le premier et le plus pertinent de tous, celui qu’il va annoncer à son principal fournisseur, l’Algérie, via le colosse d’État Sonatrach, était déjà en cours. Qui sera suivi, pour adoucir les propos d’autres arbitrages similaires contre le Nigeria, les États-Unis ou la Russie, qui s’ajouteraient à celui que la société espagnole maintient actuellement contre le Qatar.
Le président de Naturgy et cela se comprend devant ses actionnaires devait exposer sa démarche par étapes. La première consisterait à embaucher un cabinet d’avocat « de poids international et de prestige reconnu »pour lutter pour une révision « extraordinaire des prix »des contrats avec l’Algérie qui représente un volume global entre 8 et 9 milliards de m3 par an à cette époque.(01)
3-Pourquoi cette pression sur l’Algérie
L’Espagne a profité du gaz de schiste sous forme liquéfié qui arrive aux côtes ibériques à cette époque des Etats Unis, bradé par ses fournisseurs pour le convertir en cash afin de rembourser leurs banques et éviter une crise semblable à celle du subprimes Parce que aussi l’union européenne est une entité toute puissante, elle est doté d’un pouvoir supérieur à celui des Etats membres et donc celui d’imposer les règles. C’est certainement sur cette fibre que le président de Naturgy « pompait sa poitrine » car la directive européenne donne raison systématiquement à ses membres lorsque les prix d’achat du gaz est jugé plus cher que celui du marché.
A ce moment justement, l’Espagne n’a pas pensé à l’Algérie en pleine crise sanitaire sur tous les plans. Alors pourquoi l’Algérie s’en prive aujourd’hui pour renflouer sa caisse ? C’est aussi légitime de ce qu’à fait l’Espagne dans les mêmes conditions et, elle a réussi de faire baisser les prix en les renégociant
4– A la préoccupation que l’Espagne boude le gaz algérien
Eh bien tant mieux ! Une telle décision reviendra « tout benef » pour l’Algérie. Sonatrach exploite actuellement 4 complexes de Gaz Naturel Liquéfié situés à l’Est et l’Ouest du pays avec une capacité total 56 millions de m3 /an sans compter les derniers mis en service en 2013 et 2014 et ceux qui séparent le Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL) Il s’agit d’une capacité de 33 milliards de m3.
C’est une capacité qui n’est pas saturée et donc un client qui se désiste de sa livraison, elle regagnera le marché libre pour être vendu 5 fois plus cher. Pour le gaz naturel, la capacité de transport du réseau Nord du pays a été portée à 138 milliards de m3 /an dont 57 via les trois gazoducs de sortie vers l’Europe avec l’arrêt Gazoduc Europe Maghreb (GME) il nous reste une capacité de 45 milliards de m3 dont toute la quantité envoyé par le GME pourrait être moyennant un arrangement mineur supportée par le Transmed qui peut aller jusqu’à 32 milliards de m3 avec un preneur immédiat.
L’Algérie dispose donc en tout d’une capacité de transport de 80 milliards de m3 avec preneurs immédiat en cas ou l’Espagne n’en voudra pas
Rabah Reghis
Renvoi
(01)-https://cincodias.elpais.com/cincodias/2020/05/16/companias/1589648423_919328.html