Au XXIe siècle, le pouvoir n’est plus jamais assuré de secret. Depuis que le monde est monde, le pouvoir a besoin de secret. Aujourd’hui le secret est devenu une chimère, le pouvoir une illusion.
Le pouvoir a besoin de s’entourer de mystères. Au-delà des nécessités quasi techniques, il y a également l’image même du détenteur du pouvoir. « On peut toujours construire un trône avec des baïonnettes. Mais il est difficile de rester longtemps dessus » disait Boris Eltsine.
Très vite, chemin faisant, on découvre le pouvoir corrupteur de l’argent. Il est plus rusé, plus charmeur, plus séduisant que le fusil et tout le monde se met à sa dévotion. Il ouvre la porte au vice et à la médiocrité et ferme la porte à la vertu et à la compétence. Cependant, l’un ne va pas sans l’autre ; le fusil sans l’argent se rouille ; l’argent sans le fusil se dénude.
La guerre et la paix cohabitent dans le même palais. L’amour et la haine couchent dans le même lit. Le palais conduit à la gloire et le lit à la succession. Le roi ne gère pas, ne gouverne pas, ne dirige pas, il règne et c’est tout. Il répugne les collaborateurs et s’entoure de courtisans. Il exerce tous les pouvoirs sans assumer la moindre responsabilité. Il considère le patrimoine de l’Etat comme étant son propre patrimoine.
Il n’exige rien de ses sujets et n’a de comptes à rendre à personne. Ses sujets peuvent vaquer librement à leurs occupation, l’important qu’ils se s’approchent pas de trop près du trône. Ils sont des sujets, la cité leur est interdite. C’est la cité du roi. Seuls ses proches ont accès. Un roi n’a pas besoin d’un Etat mais d’une Cour. Il a tous les pouvoirs sans aucune responsabilité.
La société ne lui doit rien, et il ne doit rien à la société. Il est seul face à l’éternel. C’est à lui qu’il est redevable et à lui seul. Ce n’est un secret pour personne, c’est le pétrole qui préside aux destinées du pays depuis sa découverte par les français en 1956 jusqu’à son épuisement par les algériens dans un avenir jugé très proche soit 2030 selon les prévisions officielles. « Les hommes ne sont que des cerises sur le gâteau ». Dans chaque cerise se cache un noyau dur.
Au crépuscule de leur vie, les dirigeants arabes s’accrochent au pouvoir comme si le pouvoir s’identifiait à la vie. Coincé entre le refus de la mort et la perte du pouvoir, désemparés et pris à la gorge, ils se réfugient dans les bras de Satan qui leur murmure à l’oreille ; « quand tu as le pouvoir, tu as l’argent et quand tu as l’argent, tu gardes le pouvoir ».
L’argent du pétrole et du gaz donne l’illusion aux hommes que le pouvoir est « éternel » et qu’il peut se transmettre de père en fils. Les régimes arabes déclinants sont rongés par le désir sanglant et irrépressible d’une transmission héréditaire du pouvoir (Syrie, Egypte, Libye) à l’instar des monarchies arabes du golfe (Arabie saoudite, les Emirats, le Koweït).
L’Arabie saoudite a conclu en 1945 un accord avec les Etats-Unis consistant à livrer du pétrole en quantité illimitée en échange d’une protection militaire et politique durable du régime monarchique saoudien. Il est le carburant du régime, le ciment de l’Etat, l’opium du peuple.
L’Algérie vit de la rente, au rythme du marché pétrolier et gazier. Au début de la décennie 1970, la nationalisation du secteur des hydrocarbures et le relèvement des termes de l’échange ont permis l’instauration d’un régime politique clanique « militaro-rentier maniaco-dépressif » devant survivre aux « événements et aux hommes ». Cinquante ans après, ce régime est toujours là, bien vivant et en bonne santé. Il ne risque pas de s’effondrer, il est assis sur des fondations antisismiques.
La société algérienne est segmentée en clans dominés par des personnes physiques privant l’Etat en tant que personne morale de jouer son rôle régulateur. Le clanisme reposant sur la parenté réelle ou supposée fonde toute l’organisation dans sa dimension politique où l’individu ne reconnaît aucune autorité légitime que celle de sa famille ou de son clan à qui il accorde une confiance absolue et dont il attend une protection et des privilèges.
Une société dans laquelle les fonctions du chef du clan se confondent avec celles du chef de l’Etat, et où les biens de l’Etat sont ses propres biens..
Hors de tout contrôle, la rente pétrolière et gazière est devenue une propriété clanique. Ceux sont les clans qui contrôlent l’Etat et qui en font un instrument de conservation du pouvoir. Le contrôle unilatéral de la rente par les clans est un impératif vital pour le maintien du régime préservant leurs intérêts matériels et moraux..
Sous ce régime, le pétrole va assurer l’osmose entre le régime et l’Etat. Favorisant ainsi des pratiques mafieuses au profit des clans. En temps de paix comme en tant de guerre, dans l’aisance ou dans la pénurie, les clans ont toujours su trouver un consensus dans la prise de décision et le plus souvent sur le dos populations : « Un compromis, c’est l’art de couper le gâteau de telle manière que chacun pense avoir la plus grosse part ».
Et dans ce domaine, le dirigeant algérien excelle, c’est un des critères qui préside à sa désignation. Un héritage du passé, une réalité du présent, et une projection pour le futur immédiat
Dr A. Boumezrag