Un demi-siècle après la première conférence sur le climat tenu à Stockholm, il devient évident que l’ONU devra utiliser de nouvelles tactiques pour mieux transformer le savoir qu’il crée en action pour la planète.
Aucun engagement contraignant n’a été obtenu lors du Sommet de la Terre qui s’est conclu à Stockholm le 3 juin dernier. Pourtant, lors de la dernière journée de cet événement, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a publié des données qui montraient que le niveau de dioxyde de carbone dans l’air est actuellement 50 % plus élevé qu’avant l’ère industrielle.
En fait, le niveau de CO2 est le plus élevé sur Terre depuis 4 millions d’années. De plus, ce Sommet se tenait après des températures caniculaires exceptionnellement précoces et puissantes en Inde et au Pakistan. Un peu partout sur la planète en début d’année une ribambelle de records de température a aussi été fracassée.
Aveuglement volontaire et excuses
Les participants à ce Sommet ont dénoncé la possible instrumentalisation de la guerre en Ukraine pour légitimer une hausse de la production du pétrole et du gaz. Alors que la fermeture des robinets de ces énergies fossiles par la Russie aurait pu être un événement des plus salutaires pour la planète en forçant les Européens à diversifier à toute vitesse leur consommation énergétique et à verdir leurs systèmes de production, c’est le contraire qui se produit.
Autant les États-Unis que le Canada et l’OPEP ont plutôt décidé d’aller a l’encontre des demandes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et d’augmenter leur production pour « aider » les Européens.
Les deux jours du Sommet de la terre ont donc montré à quel point il est urgent d’agir pour s’attaquer aux changements climatiques, à la perte de la biodiversité et à la pollution. Ces dangers ont été identifiés comme étant actuellement les trois des plus grandes menaces pour humanité. Une dizaine de recommandations ont été faites.
Elles se résument à mettre le bien-être des humains au centre d’une vision demandant une planète en santé permettant la prospérité de tous, une nécessité pour la paix mondiale. Est demandé l’alignement du financement public et privé avec des objectifs de protection de l’environnement.
Il faut redéfinir ce qu’est une « bonne » croissance des sociétés. Celle-ci devrait inclure l’économie circulaire. Les jeunes, puisqu’ils sont ceux qui subiront les conséquences des changements climatiques, devraient aussi prendre part aux grandes décisions concernant l’environnement.
La situation s’aggrave
Alors que de nombreux dirigeants de la planète et de grandes entreprises se ferment les yeux, la science a déjà identifié les régions du monde qui sont particulièrement vulnérables à des événements climatiques extrêmes. La côte Est des États-Unis et la mer des Caraïbes subissent déjà des ouragans plus intenses avec des vents plus puissants et de plus importantes précipitations. Ils se déplacent plus lentement et causent plus inondations et de glissements de terrain.
En Europe, l’Espagne est exposée à une hausse moyenne de température de 2,4 °C d’ici 2050. Avec plus des deux tiers de ses bassins hydrographiques en situation de stress hydrique, ce pays risque d’être à moitié désertique d’ici 2090. La Grèce est le pays européen le plus exposé au risque d’incendie, ce qui a été démontré sur le terrain autant en 2021 que cette année.
En Afrique du Nord et dans tout le Moyen-Orient, les épisodes de chaleur humide, dangereuse pour la survie humaine, devraient passer d’une quinzaine de jours par année, leur niveau actuel, à 80 jours vers la moitié du siècle et à plus de 100 jours avant sa fin. Le Moyen-Orient pourrait donc devenir une région inhabitable avant 2100. Le nouveau record mondial de chaleur de 80,8 °C en Iran dans le désert de Lout en 2021 est un bon exemple de cette situation.
Transformer le savoir en action
Si l’ONU a réussi à démontrer la qualité de la science de son Giec, l’organisme n’arrive cependant que difficilement à transformer ce savoir en action concrète pour diminuer les risques que les énergies fossiles imposent aux générations futures. Le rapport du Giec publié le 4 avril montre que sans renforcement des politiques actuelles, le réchauffement moyen planétaire pourrait être de 3,2 °C d’ici 2100. C’est deux fois plus élevé que l’objectif de l’accord de Paris. L’humanité disposerait tout au plus de trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre, principaux responsables du changement climatique.
Le prochain Sommet de la Terre qui devrait se tenir en 2032 permettrait donc d’identifier précisément avec des données solides quels pays et entreprises ont répondu à l’appel. Il faut dès maintenant inciter les pays et les industries à ne plus nuire aux générations présentes et futures.
En attendant, l’ONU aurait avantage à passer à la vitesse supérieure dans ce dossier. Elle pourrait, entre autres, s’attacher un peu plus à fédérer les personnes, organismes nationaux et internationaux qui ont le futur de leurs enfants et de la planète à cœur afin de poser des actions concrètes permettant à la COP27, qui se tiendra en Égypte en novembre, de faire d’important progrès au niveau de la diminution des effets des changements climatiques.
Michel Gourd