Vingt-trois personnes ont été tuées dans la « zone verte » de Bagdad en plein chaos après un nouveau coup d’éclat du leader chiite Moqtada al-Sadr, qui a annoncé son « retrait définitif » de la politique en Irak. Le pays est désormais sous couvre-feu.
Scènes de guerre à Bagdad. L’Irak, dans l’impasse politique depuis les législatives d’octobre 2021, ne cesse de s’enfoncer dans la crise. Ce lundi, la situation a brutalement dégénéré dans la capitale et des centaines de partisans de Moqtada al-Sadr ont envahi le palais de la République où siège le Conseil des ministres.
Moqtada Al Sadr appelle ses partisans
Le leader chiite irakien Moqtada al-Sadr, dont des partisans affrontaient des factions pro-Iran et l’armée dans Bagdad, a demandé à ses combattants de se retirer de la « zone verte », faute de quoi il a menacé de les « désavouer ». « Je présente mes excuses au peuple irakien, seul affecté par les événements », a ajouté Moqtada al-Sadr lors d’une conférence de presse dans son fief de Najaf, au moment où les Brigades de la paix, une faction armée à ses ordres, affrontaient le Hachd al-Chaabi, d’anciens paramilitaires intégrés aux forces de sécurité, et l’armée irakienne dans la « zone verte ». Les combats ont fait 23 morts dans les rangs des sadristes, selon un bilan officiel.
Obus de mortier
Alors que les sadristes investissaient les bureaux, s’installant dans des fauteuils, sautant dans la piscine ou prenant des selfies, les forces de l’ordre tentaient de disperser d’autres manifestants à coups de grenades lacrymogènes aux entrées de la « zone verte », qui abrite les sièges des institutions et l’ambassade américaine.
Vingt-trois partisans de Moqtada al-Sadr ont été tués et 380 autres personnes ont été blessées, ont indiqué des sources médicales à l’AFP, sans plus de précisions sur les circonstances. Des témoins ont fait état d’échanges de tirs entre sadristes et partisans du Cadre de coordination, rival pro-Iran du camp de Moqtada al-Sadr aux entrées de la « zone verte ». Selon des sources sécuritaires, au moins sept obus de mortiers sont également tombés sur la zone ce lundi soir.
L’armée a décrété un couvre-feu national qui est entré en vigueur à 16h00 TU, et les forces de l’ordre ont quadrillé la capitale. Après une nuit calme, les combats ont repris de plus belle le mardi 30 août au matin.
Tensions à Bassora
À Bassora, la tension a fini par gagner la ville. Cet après-midi pourtant, ce bastion chiite, situé à 500 kilomètres de Bagdad, continuait de vivre normalement. Dans la rue, les processions tenues étaient religieuses : elles marquaient le mois de Muharram dans le calendrier musulman, un mois de deuil pour les chiites, rapportent les envoyés spéciaux de RFI.
Mais, en fin de journée, alors que le soleil commençait à décliner, des groupes d’hommes ont investi de nombreux carrefours et commencé à brûler des pneus, empêchant les automobilistes de passer. Les protestataires rencontrés par RFI se disaient non affiliés à un parti politique. Mais ce sont bien les revendications de Moqtada al-Sadr qu’ils reprenaient. Ils dénonçaient la corruption des dirigeants et réclamaient la dissolution du Parlement et la tenue d’élections anticipées. Précisément ce que réclame le chef religieux depuis un mois.
At least 15 people were killed and 350 injured in the protests that started after Muqtada al-Sadr's decision to quit politics in Iraq.#Irak #Baghdad#Iraq #antireport pic.twitter.com/kJuBxUGOqn
— Partizan Yunanistan (@partizanGreece1) August 30, 2022
Pendant plusieurs heures, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues. Mais ce lundi soir, des rafales de tirs ont été entendues. Et signe de l’inquiétude des habitants : de longues files se sont rapidement formées devant les stations-services.
Moqtada al-Sadr « gère les événements dans les coulisses »
Moqtada al-Sadr est connu pour ses coups d’éclats et ses revirements. Faut-il dès lors prendre son annonce de retrait au sérieux ? Pour Adel Bakawan, le directeur du Centre Français de Recherche sur l’Irak (CFRI), « il faut prendre [cette annonce] au sérieux, mais absolument pas dans le sens d’un retrait définitif comme cela a été annoncé. Le retrait a une autre signification pour Moqtada al-Sadr, à savoir je me retire d’une intervention directe dans l’organisation et l’orientation des évènements du champ politique irakien, mais tout en restant dans les coulisses à la manœuvre. Autrement dit, il n’a pas dissous son organisation milicienne qui s’appelle Sarāyā al-Salām, les « Brigades de la paix ». Son organisation politique reste intacte. En revanche, lui en tant qu’acteur, au lieu d’intervenir directement dans la négociation, la formation du gouvernement, il gère les événements dans les coulisses ».
Avec RFI