22 novembre 2024
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L’Algérie et le Maroc face au «tout ou rien»

Un match de finale pour la coupe arabe de football opposant les équipes cadettes d’Algérie et du Maroc vient d’enflammer les réseaux sociaux avec des vidéos montrant la fin de ce match ternie par des bagarres, sans qu’on puisse se faire une idée claire sur les circonstances et les responsabilités car les enregistrements ont été réalisés à partir d’angles convenant à ce que chaque partie veut prouver.

Une enquête impartiale émanant des autorités footballistiques arabes pourra établir la vérité, situer les responsabilités et préconiser les sanctions qui s’imposent. Le plus tôt sera le mieux.

Ce que j’en ai personnellement retenu, c’est la furie qui s’est emparée de Youtubeurs des deux pays qui, depuis, se livrent à des échanges d’accusations et d’insultes démontrant que le fossé est en train de se creuser dangereusement entre les deux peuples. D’autant que cette péripétie fait suite à une autre qui a éclaté quelques jours auparavant et opposé un commentateur sportif algérien à un animateur d’émission syrien dont se sont aussitôt emparés des Youtubeurs algériens et marocains pour se bombarder d’injures.

Ces deux péripéties qui ont touché au football, sport de prédilection des masses, et à l’ultrasensible relation algéro-marocaine, ne relèvent pas du hasard à quelques semaines de la tenue du sommet arabe d’Alger, sujet à controverse, et à quelques mois du début de la coupe du monde de football au Qatar où seront présents la Tunisie et le Maroc. Elles ont eu pour effet de surchauffer les esprits dans un Maghreb divisé comme jamais par l’insoluble question sahraouie qui n’avait pas besoin que la rue ajoute à l’entêtement des dirigeants ses passions irrationnelles et sa fureur haineuse.

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Que faire quand on est en face d’un problème comme celui qui oppose l’Algérie et le Maroc depuis un demi-siècle, celui du Sahara occidental ; quand on est constamment sur le pied de guerre sans se résoudre à la faire ; quand on dépense des milliards de dollars des deux côtés afin de rendre plus performants ses moyens de défense ? Même l’adage latin selon lequel « se préparer à la guerre est le meilleur moyen de préserver la paix » n’a pas été opérant dans le cas des deux pays enfermés dans le dogme du « Tout ou Rien ».

Ni le Maroc ne veut reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui dont il a annexé le territoire par la force en 1975 et 1979, ni le Polisario n’accepte le statut d’autonomie proposé par le Maroc, ni l’Algérie ne veut revenir sur une politique défendue bec et ongles depuis 1975 au nom de « principes » qu’elle n’a pas respectés dans tous les cas, dont le plus récent, l’Ukraine, où la Russie a décidé de mettre fin à l’existence d’un Etat reconnu par le monde entier.

La diplomatie qui est l’art de chercher un moyen terme entre « Tout » et « Rien » s’est échinée de 1975  à 1991 à trouver une solution acceptable par le Maroc et le Polisario avant de se rendre à l’évidence que le ver était dans le fruit, que le « problème insoluble » réside dans la contradiction insensée entre les décisions démocratiques d’une Assemblée générale de l’ONU incarnant la volonté des nations du monde, et un Conseil de sécurité de l’ONU représentant cinq pays dont chacun tient dans une main l’arme nucléaire et dans l’autre le privilège de pouvoir fouler à ses pieds le droit international quand il ne coïncide pas avec ses intérêts.

Que reste-t-il à faire à des justiciables comme la Palestine, le Sahara occidental ou les Ouighours qui n’ont pas la chance d’être, comme l’Ukraine, européens ? La guerre ?

Les armes n’ont pas réglé le problème palestinien malgré cinq guerres israélo-arabes. Le problème palestinien a disparu de l’agenda des relations internationales parce que les Palestiniens se sont divisés en islamistes et pacifistes. Plus personne dans le monde arabo-musulman ne veut mourir pour la Palestine ensevelie sous les Accords d’Abraham.

L’ONU, dans son format actuel, n’a pas les moyens de sortir le Maroc du Sahara occidental. L’Algérie ne peut pas libérer le Sahara occidental pour l’offrir à la RASD sans voir le monde se dresser contre elle, ni le Maroc retirer le dossier du Sahara occidental à la compétence de l’ONU. Le Polisario ne peut plus faire la guerre comme dans les années 70 et 80 où il avait remporté plusieurs batailles et fait prisonniers des milliers de soldats marocains.

Le Maroc a mis à profit les trente années de cessez-le-feu pour se bunkeriser derrière le mur qu’il a construit sur 2000 km, s’équiper en moyens de défense réduisant l’efficacité des actions militaires sahraouies, et souscrire une assurance-vie en se mettant sous la protection d’Israël qui ne l’aidera pas à libérer Ceuta et Melilla, mais uniquement à faire la guerre à l’Algérie. Il ne connaîtra pas pour autant la paix et le sommeil du juste tant que les épées de Damoclès de l’ONU et du Polisario ne se seront pas éloignées définitivement de sa tête.

Ce n’est pas par les armes que se règlera le problème du Sahara occidental même si la guerre éclatait entre l’Algérie et le Maroc. Une guerre qui se ferait sans objectifs de guerre car aucun des deux ne pourra occuper des parties du territoire de l’autre. Les deux se contenteront de détruire à distance les moyens militaires et les infrastructures civiles et économiques de l’autre édifiées au cours du dernier siècle, plongeant les trois peuples dans le malheur, la misère et la régression.

Les dirigeants algériens, marocains et sahraouis devraient, à rebours de l’état d’esprit qui prévaut actuellement, saisir l’occasion du sommet arabe à Alger pour ouvrir courageusement la voie à des discussions sur la nécessité de renoncer des trois côtés à la stratégie stérile du « Tout ou Rien », et convenir d’une démarche loin des institutions multilatérales arabes ou autres à laquelle pourraient se joindre ultérieurement la Tunisie et la Mauritanie.

Dans cinquante autres années, après d’autres dizaines de milliards de dépenses militaires qui ne serviront à rien, après une guerre dévastatrice ou sans, les trois parties viendront bon gré mal gré à cette solution car il n’y en a pas de meilleure. Aucune autre n’aboutira au règlement de la question sahraouie avec l’agrément des trois parties.

Nour-Eddine Boukrouh

12 Commentaires

  1. Monsieur Boukrouh ou la voix de la raison
    Le Nu l’Algérie ni le Maroc ne pourraient déménager, la géographie est têtue
    Loin de la sempiternelle khawa khawa l’Algérie a besoin d’un Maroc fort et le Maroc d’une Algérie forte, les milliards de dollars perdus en armement probablement inutiles si ce n’est pour bomber le torse
    Plusieurs points de croissance perdus à jamais au détriment d’une jeunesse qui n’a d’autre choix que les paterras ou le chômage
    Le problème du Sahara ne trouvera son issue que si l’Algérie et le Maroc agissant en pays adultes acceptent de se poser et de négocier d’une solution acceptable par les parties
    Ça se fera de toute façon, Ce sera peut-être dans 10 ans ou dans 50 mais quel gâchis

  2. Seule la souveraineté des peuples d’Afrique du nord peut aboutir à un consensus à même de relancer la stabilité de cette contrée meurtrie par des siècles de colonisations de tous bords et toutes obédiences. Il faut donc que ces peuples s’affranchissent d’abord de leurs régimes respectifs inféodés qui à l’orient, qui à l’occident, pour espérer entreprendre un projet commun.

    • On n’a pas besoin d’un projet commun avec un roi qui a colonisé le sahara occidental en utilisant tous les moyens (espionner le 1er ministre et la ministre de la défense espagnol en leur faisant du chantage…). Une fois accaparé du sahara occidental ça sera le tour de Tindouf et des territoires de l’ouest algériens. Je vous rappelle que la constitution marocaine parle de frontières authentiques. Et pourquoi le roi traficote avec les sionistes ? Arrêtez de balancer les grands mots du style frères maghrébins, des points en moins en économie. Tout ça est de l’arnaque. Vous devrez regarder les choses en face.

  3. « Que reste-t-il à faire à des justiciables comme la Palestine, le Sahara occidental ou les Ouighours qui n’ont pas la chance d’être, comme l’Ukraine, européens ? La guerre ? »

    Monsieur Boukrouh, anti kabyle genetique, oublie volontierement le cas des kabyles qui pour le moment n’ont pas de voix dans le concert des nations. Le Polisario est une idée des Russes et dans ce cas l’Algerie ne peut pas faire marche arriere. Cette situation fait le bonheur des deux systemes criminels, algerien et marocain.

  4. Je cite Mr Boukrouh : « convenir d’une démarche loin des institutions multilatérales arabes ou autres à laquelle pourraient se joindre ultérieurement la Tunisie et la Mauritanie ».
    Mais, vous avez parfaitement raison Mr Boukrouh dans votre proposition! Seulement voilà, il faut avoir le courage d’aller au bout de votre idée et nommer cette démarche car elle porte un nom : Afrique du Nord.
    Ces pays que vous citez ne sont pas un agrégat de territoires fabriqués de toutes pièces. Il sont le résultat de vicissitudes de l’histoire qui se répètent inlassablement depuis l’arrivée des Arabes à nos jours précisément parce que le ver est dans le fruit.
    Ma’dhelemegh Yahwayi.

  5. « Enquête impartiale » et « Autorités footballistiques arabes »: deux notions foncièrement antinomiques.
    Désolé M. Boukrouh mais je ne pense pas que les échanges d’accusations et d’insultes entre Youtubeurs des deux pays démontrent que le fossé est en train de se creuser dangereusement entre les deux peuples. Entre les deux régimes en place certes mais pas entre les deux peuples pour la simple raison que lesdits youtubeurs sont généralement aux ordres et n’ont pas la moindre représentation populaire.
    Sur un autre registre, quand des jeunes Algériens jouant pour l’équipe nationale algérienne fêtent leur victoire avec le drapeau palestinien il y a de quoi perdre son … Anglais avant même de l’avoir appris. Je me suis toujours demandé à quoi rimaient ces célébrations ridicules d’Algériens zélés avec le drapeau palestinien? En voyant ça Tsahal doit certainement trembler de peur. Comme s’il suffisait de parades absurdes avec le drapeau palestinien pour changer quoi que ce soit à la situation en Palestine! Ce n’est que de la manipulation éhontée de nos jeunes.

  6. Votre argumentation comporte plusieurs erreurs factuelles :
    1. « Que faire quand on est en face d’un problème comme celui qui oppose l’Algérie et le Maroc depuis un demi-siècle, celui du Sahara occidental », écrivez-vous. Vous devriez mieux vous informer sur la nature du dossier, avant de poser de fausses prémices. Le conflit du Sahara occidental est un conflit qui oppose le Peuple sahraoui au Royaume du Maroc, et non un conflit entre le Maroc et l’Algérie. C’est un problème de décolonisation du territoire de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental (Rio de Oro et Saguiet el Hamra) et de l’exercice légitime du droit à l’autodétermination des peuples. Je vous concède que le soutien de l’Algérie à ce principe, reconnu par la charte de l’Organisation des Nations-Unies, n’est pas uniquement motivé par la solidarité avec le peuple sahraoui, mais qu’il prend aussi en considération les intérêts supérieurs de sécurité nationale de l’Algérie, dans un contexte géographique où la Monarchie marocaine ne cesse, depuis la décolonisation de la région, de revendiquer ce quelle appelle ses « frontières historiques », au détriment de ses voisins, dont notre propre pays, qui a subi une agression armée visant la conquête d’une part importante de notre territoire national, à peine libéré de l’occupation coloniale!
    2. … « l’Algérie ne veut revenir sur une politique défendue bec et ongles depuis 1975 au nom de « principes » qu’elle n’a pas respectés dans tous les cas, dont le plus récent, l’Ukraine, où la Russie a décidé de mettre fin à l’existence d’un Etat reconnu par le monde entier. » Là aussi, vous faites erreur en affirmant qu’en s’abstenant d’apporter son soutien à la Résolution de l’Assemblée Générale des Nation-Unies condamnant l’opération militaire russe en Ukraine, l’Algérie aurait dérogé à son soutien constant au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce qui est inexact. D’une part, la Russie, que je sache, n’a pas déclaré la guerre à l’Ukraine ni exprimé la volonté de remettre en cause son indépendance. La Russie a, en revanche, motivé son opération spéciale armée en Ukraine : – (a) par le besoin de venir en aide aux populations russophones violentées par les forces du gouvernement ukrainien, les privant de leurs droits légitimes, en violation des Accords de Minsk, approuvés par une Résolution unanime du Conseil de Sécurité des Nations- Unies ; – (b) pour neutraliser la menace vitale à la sécurité nationale de la Fédération de Russie, que constitue le projet états-unien d’inclure l’Ukraine dans le dispositif militaire de « containment », encerclant toutes les frontières ouest de son territoire, avec la volonté exprimée par le Président US lui-même, son Secrétaire d’Etat et son ministre de la Défense, de « la réduire à un niveau où elle ne serait même pas en mesure d’être une puissance régionale ». L’abstention de l’Algérie s’inscrit dans ce contexte : elle ne pouvait, ni apporter son soutien à un acte d’agression armée, ni rester indifférente à l’exercice du droit légitime de la Fédération de Russie, d’user de tout moyen, y compris armé, pour défendre sa sécurité nationale.
    3. A vous entendre, « La diplomatie qui est l’art de chercher un moyen terme entre « Tout » et « Rien ». Non Mr Boukrouh, la diplomatie est l’art de garantir, autant que faire se peut, l’équité dans les relations entre Etats souverains, sur la base de règles et conventions, valables pour tous. Je dis, dans « la mesure du possible », sachant que la prétendue société internationale, telle qu’elle est, ressemble davantage à la jungle, qu’à une société policée! Mais réduire, comme vous le suggérez la diplomatie à un troc, me fait surtout penser la fameuse fable de « la belette et le petit lapin », confiant leur différend à Raminagrobis.
    Enfin, faire un débat politique, des échanges de noms d’oiseaux sur la toile, entre deux bandes rivales de crétins fanatisés, nous renseigne davantage sur le niveau de dégénérescence de nos sociétés!

  7. Pour reprendre en quelque sorte @Urfance, que les peuples d’Algérie et ceux du Maroc s’affranchissent de leurs pouvoirs-fardeaux et le pseudo problème du Sahara se dissipe de lui même.
    Bien curieuse cette façon de détourner les regards vers le Sahara, la Palestine et maintenant les Ouighours et Royinga alors même que le déni de droit des peuples est pire en Algérie et au Maroc même. C’est que l’existence de ces problèmes arrangent bien les deux régimes assis sur des héritages coloniaux, ancien au Maroc et récent en Algérie.
    En Algérie, le seul dirigeant qui a remis les affaires internes, celles qui nous regardent, au centre des priorités, c’était Boudiaf. Le système en place l’a assassiné en direct à la télé. c’est dire comment les dirigeants s’en tapent des intérêts et de l’identité des algériens.

    • Je perçois, comme vous, la contradiction qu’il y a à soutenir le droit à l’autodétermination des peuples, tout en en privant le sien propre. C’est bien là le reproche majeur que l’on peut faire à ce régime militaire liberticide qui nous tient en laisse depuis 1962, par des coups d’Etat successifs, armés ou constitutionnels, pour confisquer la souveraineté populaire et conduire des politiques intérieures exécrables, qui ont fini par rompre le consensus national autour des principes majeurs de notre politique étrangère.

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