Rishi Sunak a été désigné par les conservateurs pour devenir le futur Premier ministre britannique après le retrait de sa seule rivale, Penny Mordaunt. Il succède à Liz Truss, restée en poste 44 jours seulement et qui l’avait battu cet été.
« Rishi Sunak est élu chef du parti conservateur », a annoncé Graham Brady, chargé de ces questions au sein de la formation au pouvoir depuis 12 ans. N’ayant pas recueilli les 100 soutiens nécessaires pour rester dans la course à Downing Street, Penny Mordaunt avait juste avant reconnu sa défaite, apportant sur Twitter son « plein soutien » à Rishi Sunak. L’ancien chancelier de l’Échiquier, 42 ans, devient le premier chef de gouvernement non-blanc de l’histoire du Royaume-Uni.
Dimanche soir, l’ancien Premier ministre Boris Johnson avait lui aussi jeté l’éponge, n’ayant plus le soutien de son parti. « Au cours des derniers jours, je suis malheureusement arrivé à la conclusion que ce ne serait tout simplement pas la bonne chose à faire. Vous ne pouvez pas gouverner efficacement si vous n’avez pas un parti uni au Parlement », a déclaré Boris Johnson.
Contexte difficile
Rishi Sunak, candidat malheureux cet été face à la Première ministre sortante, se retrouve propulsé à Downing Street dans un contexte compliqué. En interne, déjà. Même si la moitié des députés conservateurs l’ont publiquement soutenu, Rishi Sunak prend la tête d’une formation ultra-divisée, observe notre correspondante à Londres, Émeline Vin. Le parti conservateur est aujourd’hui davantage une coalition de nuances de conservatisme qui a bien du mal à trouver un consensus sur à peu près tout. La preuve, avec l’impasse dans laquelle a été plongée Liz Truss.
À l’échelle nationale, ensuite. Rishi Sunak est le deuxième Premier ministre successif arrivé à Downing Street sans avoir remporté d’élections législatives, mais par une procédure interne au parti. Les Britanniques sont de plus en plus nombreux à réclamer des législatives anticipées. Surtout, le successeur de Liz Truss va devoir résoudre toute une palanquée de problèmes : baisse du pouvoir d’achat, hausse des taux d’intérêt, crise des services publics et multiplication des grèves… Face à « des défis économiques immenses », Rishi Sunak promet stabilité et unification du pays.
Même s’il est encore présenté comme un jeune politicien, Rishi Sunak est tout sauf un inconnu. Ancien banquier, marié à la fille d’un milliardaire indien et père de trois enfants, il est devenu député pour la première fois en 2015. Il a été nommé à seulement 39 ans ministre des Finances, juste avant la pandémie. Et c’est justement pendant cette période qu’il est devenu très populaire, notamment en distribuant des milliards d’aides publiques. Ce fils d’émigré indien, né à Southampton sur la côte sud de l’Angleterre, explique qu’il doit sa réussite « au dur labeur, au sacrifice et à l’amour de ses parents ».
Il a ainsi étudié dans le très exclusif Winchester College avant d’entreprendre des études de politique, de philosophie et d’économie à Oxford, puis à Stanford aux États-Unis. C’est chez Goldman Sachs qu’il fait ses armes dans le domaine de la finance avant d’entrer en politique.
Une fois la démission de Liz Truss formellement remise au roi Charles III, le souverain doit charger ce mardi Rishi Sunak de former un nouveau gouvernement. Rishi Sunak sera ainsi le cinquième Premier ministre depuis le référendum du Brexit de 2016, qui a ouvert un long chapitre de turbulences économiques et politiques inédites au Royaume-Uni.
En Inde, la nomination de Rishi Sunak accueillie avec «fierté» et «précaution»
En Inde, l’ascension de Rishi Sunak est regardée avec un mélange de fierté et de précaution, observe notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis. La date est symbolique, puisque Rishi Sunak est désigné Premier ministre du Royaume-Uni le jour de Diwali, fête des lumières et du renouveau en Inde. Pour Harsh Pant, chercheur en politique internationale à l’Observer Research Foundation, c’est le résultat d’un long changement. « Le pouvoir politique de la diaspora indienne devient plus visible qu’avant. Il est clair qu’à présent, les Indiens transforment leur influence économique traditionnelle en influence politique », constate-t-il.
Il n’est pas sûr, toutefois, que cette nomination permette d’améliorer les relations entre l’Inde et le Royaume-Uni, surtout concernant le traité de libre-échange qui devait être signé ces jours-ci entre les deux pays. Et qui doit entre autres faciliter l’immigration dans les deux sens. « L’immigration est un sujet très important pour les électeurs conservateurs. Et Rishi Sunak, considérant ses origines, devra montrer qu’il n’est pas laxiste dans ce domaine. Cela sera ainsi plus difficile pour lui de signer ce traité avec l’Inde que pour Boris Johnson ou Liz Truss », poursuit Harsh Pant, de l’Observer Research Foundation. Sur la toile, les Indiens ne cachent toutefois pas leur joie de voir un homme d’origine indienne diriger le pays qui les a colonisés.
RFI