Tous les hommes aspirent à vivre le même idéal. Un idéal, empreint de paix, de prospérité et de sérénité. Chaque peuple a ses propres vérités, ses croyances et sa culture.
La sensibilité et l’environnement proche sont pour beaucoup dans la construction du patrimoine culturel. Beaucoup de vertus de la pensée, issues des angoisses humaines de ce monde encore inconnu, tentent de répondre aux besoins, légitimes, des doutes et des incertitudes de l’homme. Le souvenir des voies tracées par les ancêtres semblent être, pour beaucoup, une bénédiction en héritage.
Une culture qui, par le passé, avait bercé le quotidien des aïeux, devenait le chemin à suivre, pour vivre en harmonie avec son temps. En effet, malgré l’hostilité des envahisseurs, la cuture amazighe avait, tant bien que mal, résisté aux tourments qui rongent son existence. Une culture, toujours vivante, adossée aux concepts modernes, élaborés pour parfaire le génie de l’esprit innovant.
C’était la volonté, devenue une devise fondamentale, initiée dès l’origine, et laissée comme héritage, par les aïeux berbères d’Afrique du nord, afin, d’assurer la continuité de leur puissance civilisatrice. Tout le reste, à leurs yeux, n’était que supposition de nuisance.
Aujourd’hui, on cherche, vainement, des pans entiers perdus, de cette civilisation, au milieu des cimetières des tribus abandonnées, gagnées par le silence et la pesanteur de la poussière des siècles. Un monde perdu pour toujours. Je ne puis me trouver en présence des débris, encore, visibles par l’éclat lumineux, d’une culture berbère faste, sans être ému, jusqu’à l’âme par mille souvenirs, du goût raffiné amazigh. Un savoir-faire, injustement, dénaturé, phagocyté, effacé des mémoires, jamais cité dans les manuels des écoles, ni universitaires.
On se résigne à vivre avec les douleurs, en feu, de nos blessures latentes, mais on ne peut rester dans une perpétuelle passivité, cloitré et ravagé dans son coin sans réagir, sans témoigner et sans mener la bataille de reconquête, pour essayer de ressusciter, du gouffre du néant, les œuvres d’une culture qui avait atteint les sommets de la magnificence du savoir.
Réparer, les frasques mortelles, frénétiques, délibérément, portées à cette culture meurtrie, est un acte méritoire, un engagement noble ; de tous les jours ; de chacun de ses enfants, pour faire bourgeonner, encore, les concepts éclairés du génie amazigh, sur la personnalité nord-africaine. Une personnalité, désormais orpheline, sans repères, démunie de la raison, abandonnée, sans défense, figée dans ses contradictions et sans espoir de retrouver, un jour, le chemin qui mène vers la lumière de la gloire.
Face aux sentiments vagues, d’une frustration masquée, obscure, illustrée par la douleur des regards serviles, sans voix, de nos aïeux ravagés par le deuil de leur modèle de vie assailli, mutilé par la violence et, abusivement, stoppé dans son élan salutaire vers le progrès universel. La civilisation nord-africaine, jadis, une lumière issue, de l’âme damnée, du savoir amazigh éclairé ; envié par les esprits chagrins et les contempteurs, de tout bord, hostiles à la raison. Une vision empreinte de tolérance, et qui répond avec un discernement raffiné ; structuré autour des concepts animés par la réalité salutaire qui libère.
Sans donner, par nos propos, l’impression de sombrer dans les méandres de l’exagération ; Il devient, de plus en plus, vital, de resituer le rôle actif, participatif, apporté à la fondation de l’ossature, qui fit émerger la culture moderne de notre humanité. Une culture, aujourd’hui, en danger, sans secours aucun, effacée, écrabouillée, laminée et mise en ruine jusqu’aux tréfonds d’une mémoire en sommeil et, complètement moquée. Ignorer le parfum de ses racines ; c’est faire semblant d’oublier les souvenirs patents, de la mémoire qui fait revenir l’image vivante des parents.
Le transfert traditionnel oral n’avait pas suffi pour pérenniser le reste d’une culture, déjà, mise en danger par les aléas, tous azimuts, d’un environnement malveillant ; auteur de la tragédie opaque, qui met à genoux l’existence de la raison des ancêtres. L’oralité fut rattrapée par l’obsolescence de ses propres modèles érodés par l’usure du temps. On constate, alors, méduser par les regrets, avant de se rendre compte, qu’il est, trop tard, de remédier à des pans entiers d’un savoir millénaire, parti, déjà, en fumée, sans qu’on s’offusque, outre mesure, de sa perte.
Un modèle de société, construit autour des concepts utiles pour lutter contre les aléas de la fragilité, l’imprévu et l’incertitude de la montagne escarpée et difficile d’accès, fut enseveli, à jamais, sous les décombres des vicissitudes injustes du temps.
Notre sursaut de conscience, équitable, face aux dangers de mort qui guettent, à jamais, ce savoir menacé par l’oubli, nous a poussé à réagir pour sauver ce qui reste, encore, et le soustraire le la menace de la pensée maléfique, en vigueur.
Nous avons assisté, impuissants, depuis de longues années, à une éradication en règle impulsée, vigoureusement, sans pudeur, par les géants du verbe, défloré de la vertu et porteur de l’odeur nauséabonde qui tue. Une démarche insidieuse, menée tambour battant, pour laisser la place aux cultures lointaines venues d’ailleurs.
Pour ne pas tout oublier, nous sommes partis à la chasse des contes qui avaient façonné nos personnalités par une vaste construction culturelle. Nos investigations salvatrices sur le terrain, permirent de repêcher quelques fables de l’oubli éternel.
La restauration de ces fables, dans un état d’agonie, écorchées, mutilées, à peine audibles et jetées en pâture aux affres de la mort, sur les rudes chemins des tribus, retrouvent aujourd’hui, leur place dans les recueils de poésies, promulgués sur les étals des forums de littérature.
L’histoire lointaine des fables, sauvées des aléas du renoncement, brillent par la beauté de leurs moralités formatrices ; accolées aux origines de leurs principes avant-gardistes. Elles se trouvent, à nouveau, exposées sur le devant de la scène sur les stands des forums pour l’éternité. Et, misent à la disposition des hommes amoureux des subtilités de la pensée ; un apport amazigh qui avait humanisé l’espace vital des hommes.
Les veillées des soirées d’hiver autour du Kanoun, écoutant les contes accrochés aux lèvres de nos grands-mères, étaient des moments fondateurs pour parfaire nos imaginaires communs. Les fables, ces petites histoires, avaient bercé nos nuits par la splendeur des mots et l’éclat des images des personnages extravagants, illustrés par les animaux, souvent féroces.
Nous allons raconter ces contes par écrit et les publier, cette fois-ci, pour les mener jusqu’où l’histoire temporelle des hommes s’arrêtera. Nous avons ressorti leur substance poétique, en souvenir de la gestuelle et des mimiques des grands-mères, pour accompagner les récits, en créant le contexte théâtral pour favoriser la chute finale : la moralité de la fable qui forge la spécificité de la personnalité de l’enfant amazigh.
Ces fables se révèlent, à notre grande surprise, comme des pépites, une conception spécifique propre aux Amazighs d’Afrique du Nord, pour transmettre, en faisant parler les animaux ; une pensée initiatrice de la raison, pour élaborer un système sociétal basé sur la liberté de l’innovation et la modernité. Le modèle original des fables berbères fut copié, comme une avancée de la pensée, à son époque, par tous les peuples du pourtour méditerranéen.
De tous temps, l’amazighité fut l’œuvre des Amazighs de la partie centrale de l’Afrique du nord, en l’occurrence l’Algérie actuelle. Notre Algérie, pays continent, qui suscite notre fierté, pourtant, en déperdition des lumières de sa culture ancienne. Pour notre part, nous avons déterré les fables en leur restituant la pensée amazighe d’autrefois, nous les avons, aussi, situées dans leur contexte initial.
Nous espérons, de tout cœur, que d’autres viennent après nous, pour continuer à enrichir ce patrimoine, par lequel la liberté est devenue une réalité évidente, acquise pour toute l’espèce humaine. Pour en faire, demain, le patrimoine de l’humanité.
Abdelaziz Boucherit