22 novembre 2024
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Boudjmaâ El Ankis : le chaâbi flamboyant !

Boudjemaâ El Ankis

Le chaâbi de Boudjmaa El Ankis est original à plus d’un titre : côté paroles, au contraire des qasidat des cheikhs de sa génération et de ceux qui l’ont précédé, lesquels utilisaient un arabe classique inaccessible, ses chansons étaient composées dans un arabe du terroir que comprend et pratique la majorité des Algériens.

Côté musique, au cours des années 1960, il enchaînait des tubes avec des airs entraînants qui faisaient le bonheur du grand Alger, lors de mariages ou de circoncisions célébrés, en été, aux terrasses de la capitale, déchaînant en nous, les adolescents, moult gesticulations, nous essayant à imiter ceux parmi nos aînés qui maîtrisaient le heddi, cette dance typique de l’Algérois !

Son écoute me transporte irrésistiblement au marché de Chartres d’Alger, à la fin de la décennie 1960, en ces années d’adolescence durant lesquelles nous troquions des illustrés à proximité du cinéma l’Odéon et que, face à nous, un disquaire à la périphérie du marché nous faisait découvrir ses nouvelles productions, le volume du tourne disque Teppaz réglé au maximum. C’était aux temps où Alger la radieuse ne transpirait que gaieté et espérances resplendissant de mille et un serments pour ses enfants.

Parmi ses incontournables et outre rah elghali rah, adapté au kabyle en Tighri n tadjalt par Matoub Lounes, citons : Anaya Bejfak, El Kaoui, El Meknin Ezin, Meknasia, Ya Woulfi, sans oublier des titres festoyant tels que Ah ya entiyya ou Ahou lia.

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Originaire d’Azeffoun, El Hadj Boudjmaâ El Ankis a chanté, avec ce style Chaâbi qui lui est propre, de nombreux titres en kabyle, parmi lesquels Ay akhalaf n’eramane, Themziw, tedra yidi am ettir, et bien d’autres encore.

Biographie

Mohamed Boudjemaâ Arezki est né le 17 juin 1927, impasse du Palmier, Bir-Djebbah à la Casbah d’Alger. Sa famille est originaire du village Ait Arhouna, dans la commune d’Azeffoun. Enfant, vivant dans le quartier Bir Djebbah, de la Casbah, où beaucoup de chanteurs Chaâbi habitaient, le premier chanteur qu’il a voulu imiter est Tino Rossi. Vers 10-12 ans, lui et sa famille déménagent dans le quartier de Notre-Dame d’Afrique.

De 1939 à 1945, Mohamed Boudjemaâ rêvait déjà de devenir El Ankis (petit El Anka, surnommé). El-Anka était d’ailleurs originaire d’un village voisin de celui du jeune chanteur. Il s’essaie à la mandoline puis à la guitare, tout en écoutant et enregistrant les grands maîtres.

Il a fallu attendre 1957 pour qu’il s’initie à l’arabe, aidé par un oncle paternel. Grâce aux leçons de Chouiter et de Mohamed Kébaili, dont la troupe travaillait sous l’égide du PPA à la fin des années 1930, il fera la connaissance d’artistes tels que Cheikh Saïd El Meddah, En 1942, l’apprenti qu’il était exécutera, pour la première fois en public, à l’occasion d’un mariage, Ala Rssoul El Hadi Sali Ya Achiq, un poème classique du genre.

Dans une troupe créée en 1945, Boudjemaâ évolue entre El Anka et Mrizek, les deux monstres sacrés de l’époque. Il débute avec un répertoire de medh comprenant essentiellement les quacidat, Chouf li Ouyoubek ya Rassi, Ya Ighafel, Ya Khalek lachia, Zaoubnafi H’inak et El Bar, de différents poètes du genre.

Toutefois, une part importante du répertoire d’El‑Ankiss lui fut transmise au début de la Seconde Guerre mondiale par Cheikh Said El Meddah. Grisé par le succès, il se met à effectuer un travail personnel d’arrangement musical et, au milieu des années 1950, il se lance dans la chansonnette, expérience qui tourna court du fait que la maison Philips dont le directeur artistique était Boualem Titiche, lui refuse ses œuvres.

En 1945, il fait clandestinement de la propagande messaliste lors des mariages et autres fêtes. De 1956 à 1962, il arrête de chanter comme acte nationaliste sous l’ordre du FLN. Il est torturé, à deux reprises par les services spécialisés de l’armée coloniale, en 1957 et en 1960. Sa sortie de prison coïncide avec une reprise avec l’art. Djana El Intissar dont il est parolier et compositeur, évoquant les manifestations du 11 décembre 1961, est un hymne à l’indépendance.

Pour cibler la jeunesse algérienne, Boudjemaâ El Ankis fait appel à Mahboub Bati et, dès 1963. Au lieu et place du Chaâbi de quartier, Mahboub Bati mettra au-devant de la scène Boudjemaâ El Ankis par de nouvelles chansons écrites dans la langue algérienne. Le marché et les ondes sont bombardés d’une soixantaine de tubes dans la veine des Tchaourou Alia, Rah El Ghali Rah, Ah ya entiyya. Le secret de la réussite : l’utilisation de la langue populaire algérienne, de nouvelles compositions musicales et du rythme.

Le créneau sera exploité par des chanteurs plus jeunes tels que Amar Ezzahi, El Hachemi Guerouabi, Hassen Saïd et Amar El Achab. Boudjemaâ fut l’un des plus grands interprètes du Chaâbi du siècle passé grâce à sa façon de chanter très émotive et touchante. Boudjemâa est un grand ami de Amar Ezzahi dont il est le Cheikh (« Amimer » ayant été lancé par le « Boudj » au début des années 1960), ils restèrent en bon termes durant toutes leurs carrières, avec des collaborations qui restent ancrées dans les mémoires.

Boudjemâa El Ankis meurt le 2 septembre 2015 à l’âge de 88 ans à l’hôpital de Aïn Naâdja à Djasr Kasentina (Gué de Constantine), dans la banlieue d’Alger.

Avec lui disparaissait tout un pan de la musique Chaâbi.

Pour nous le remémorer, nous vous proposons la version longue de l’un de ses plus grands succès : Wa3lach d leghdar.

Kacem Madani

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