21 novembre 2024
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1963, Alger clignote à gauche et tourne à droite, 2023, elle freine des deux pieds

Un air de déjà-vu

Une fois la souveraineté recouvrée, l’Algérie va opter pour un régime présidentiel à parti unique s’inspirant à la fois de la France gaullienne et de la Russie stalinienne, dans un contexte de la guerre froide entre le bloc de l’est et le bloc de l’ouest.

Comme la voiture, l’Algérie va clignoter à gauche pour tourner à droite et se retrouver en fin de parcours dans le décor. Prise en tenaille entre les vents de l’est et de l’ouest, du froid glacial du nord à la chaleur épaisse du sud, le gouvernail lui échappe. Elle s’accroche au cours pétrolier et gazier. Elle dépend pour sa nourriture du blé français et pour sa protection de l’armement russe.

Elle est amarrée à un continent en proie à des convulsions ininterrompues aux conséquences imprévisibles. Avec la crise énergétique mondiale les pays arabes sont de nouveau sommés à participer à une guerre qui n’est pas la leur, avec des armes qui ne sont pas les leurs et pour un résultat qui n’est pas le leur.

Et s’il n’y avait pas le 22 Février ? Par Mohamed Benchicou

Ils sont les éternels perdants d’une histoire qui se fait sans eux et le plus souvent contre eux. La révolution du 1er novembre 1954 a été enfantée par les massacres du 08 mai 1945, a grandi dans les maquis de l’intérieur et fût adoptée à l’âge adulte par l’armée des frontières qui en fera son étendard. En posant la violence comme solution ultime au drame de la colonisation, la révolution du 1er novembre 1954 a été amenée à faire de l’armée, la source exclusive du pouvoir en Algérie.

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Forts de cette légitimité historique, les dirigeants algériens vont faire du secteur des hydrocarbures la source exclusive des revenus du pays rendant le recours aux importions incontournable à la satisfaction des besoins du marché local notamment en biens de consommation finale.

Cette intégration suicidaire à l’économie mondiale sans analyse préalable et sans objectif clairement défini a poussé l’ensemble de l’économie nationale à l’importation et l’agriculture en particulier à être incapable de reproduire la force de travail de l’homme en Algérie. L’Etat devient une réalité incontournable pour survivre ou s’enrichir.

Les solutions technocratiques fondent l’exclusion de larges segments sociaux de l’Etat et du processus de développement. L’histoire postcoloniale démontre en effet que l’Etat dans son extension a réussi à dominer la société et non à la servir. La plupart des dirigeants qui se sont succédés de l’indépendance à nos jours semblent considérer l’Etat comme le « veau d’or », qui par sa nature et sa puissance doit résoudre tous les problèmes auxquels il se trouve confronté ; ce qui explique en partie le fétichisme de l’Etat et le culte du pouvoir fort. L’Armée au pouvoir choisit d’appuyer le développement sur les recettes pétrolières c’est à dire sur l’extérieur plutôt que sur le travail c’est à dire les forces internes productives.

Cette richesse pourtant loin d’être porteuse d’une possibilité d’indépendance est au contraire indice d’une dépendance totale à l’égard du marché mondial et des sociétés multinationales qui le dominent puisqu’elle s’accompagne de l’impossibilité absolue d’en contrôler la source.

De plus, cette richesse provenant de l’extérieur fait l’objet d’une demande de redistribution que l’Etat ne peut maîtriser pour importer les biens de consommation de base d’où le recours à l’endettement pour combler une réduction des recettes pétrolières.

Il apparaît donc clairement que la rente pétrolière, instrument de domination et de dépendance, tant qu’elle est la source essentielle pour ne pas dire exclusive d’enrichissement de la classe dominante entrave la formation des classes telles que la bourgeoisie et le prolétariat, acteurs indispensables d’une économie de marché.

D’un côté, la classe dominante, pour asseoir son pouvoir, avait intérêt à favoriser la population en développant une politique de redistribution élargie à toutes les catégories sociales, ce qui lui a permis de repousser la lutte des classes à plus tard. De l’autre la majorité des citoyens ne peut que tenter d’obtenir une part plus grosse du « gâteau », à moins de rejeter le système.

En réalité, ils n’ont ni les moyens, ni véritablement intérêt à remettre en cause ce système qui leur permet d’espérer un niveau de vie relativement acceptable sans fournir d’efforts en conséquence.

En effet, ce sont les ressources offertes par le pétrole, le gaz ou l’endettement qui permettent l’augmentation générale des salaires sans croissance correspondante de la productivité. Cette situation est appelée à être dépassée au fur et à mesure que les agents économiques et sociaux prennent conscience de leur autonomie et au fur et à mesure que l’économie devient productive, féconde et créative.

Le développement étatiste de l’économie, inspiré de l’expérience soviétique, acclamé par les populations, récupéré par les multinationales et subies par les entreprises publiques, a provoqué de profondes transformations sociales notamment l’émergence et la consolidation d’une élite de gestionnaires et de dirigeants particulièrement favorisée, fonctionnant de plus en plus comme une aristocratie dont l’accès est interdit par une processus de sélection.

Les débats d’idées sont l’oxygène des démocraties occidentales, les dictatures arabes refusent tout dialogue. Elles préfèrent le langage des armes que la force des mots, la répression aveugle que le dialogue fécond, l’emploi de la ruse que la manifestation de l’intelligence. C’est la raison pour laquelle, le contrôle de l’Etat, de l’économie et des citoyens est un impératif majeur pour la pérennité du système et la protection de son personnel et de leurs biens contre toute poursuite légale.

Avec une justice qui a besoin de se refaire une virginité, une législation à forte confusion un véritable maquis juridique a besoin un toilettage à grande eau et un exécutif déterminé à prendre à bras le corps les problèmes de la société, armé d’une compétence à toute épreuve et d’une intégrité morale sans faille. « Il faut se lever de bonheur quand on doit dans sa journée marcher une longue piste » Une piste parsemée d’embûches, d’obstacle, de pièges, la rencontre de renards, de lions, d’éléphants, de tigres, de serpents, la présence de doutes et de certitudes.

 Dr A. Boumezrag

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