Il n’y a aucun autre sujet qui soit plus ancien et récurrent que celui-ci dans l’éducation nationale qui, rappelons-le, est le plus gros budget de l’Etat en France.
Raccourcir les vacances d’été est un vieux serpent de mer qui ressort tous les cinq ans en moyenne et lors d’un changement ministériel.
Le ministre français voulant enfin régler le problème en étant encore dans la fougue de sa prise de fonction avant que la résignation s’installe.
Pourtant, d’échec en échec, rien n’y fait, le sujet est constamment remis à l’ordre du jour. Et quelles que soient les décisions parcellaires, comme l’avancement de la rentrée scolaire, l’échec est toujours là.
On peut même dire que la coupure des vacances d’été n’a jamais été aussi longue que ces dernières années ? Un problème qui hante les ministres de l’éducation nationale, probablement certains parents également.
Chaque ministre, que le projet soit impulsé par le Président lors d’une déclaration solennelle, ou par les fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale, veut sa réforme. Il serait celui qui, enfin, a réussi ce challenge que tous ses prédécesseurs ont échoué.
Quels arguments ?
Il y en a plusieurs dont le premier est la perte de très nombreuses heures d’enseignement en comparaison avec les pays européens. Il faut dire que c’est toujours un bais qui fausse l’analyse car les chiffres brut cachent toujours des réalités qui sont beaucoup plus complexes, inhérents à chaque cultures nationales.
Le second est que pédagogiquement, une coupure trop longue est préjudiciable aux apprentissages qui nécessitent un suivi beaucoup plus régulier même si un repos est indispensable.
Le troisième argument est beaucoup plus hypocrite, il considère que les heures effectuées par les professeurs sont diminuées par rapport à ce qu’il est dans les textes. Le statut des fonctionnaires, c’est à dirent des professeurs titulaires, contient une obligation horaire hebdomadaire (différente selon les grades et les fonctions).
Mais il y a également le calendrier scolaire, établi tous les trois ans et qui prévoit pour les autres coupures, à l’exception des vacances d’été, des décalages par zones territoriales. Ces décalages sont tournant, c’est à dire que la date de sortie du premier rétrograde à la troisième pour ensuite à la seconde pour se retrouver la troisième année dans la première vague de sortie et ainsi de suite.
Pour compenser la diminution d’heures dues aux vacances d’été, depuis des années l’éducation nationale tente de généraliser ce qu’on appelle l’annualisation des heures. Cela revient à définir un nombre annuel d’heures par année et les absences, justifiées ou non, font alors l’objet de rattrapage. Là également, un casse-tête impossible à résoudre car il est quasiment impossible de replacer un nombre considérables d’heures dans un emploi du temps que les parents et les élèves veulent fixe du fait de la programmation des activités périscolaires.
Et bien d’autres arguments qu’il est inutile de lister en dehors de ces trois point. Passons maintenant en revue les réalités sur le terrain qui mènent toujours vers l’échec du projet. Certaines sont le pendant des arguments présentées plus haut, d’autres s’y rajoutent.
Les réalités qui expliquent le blocage constant
On ne peut s’imaginer le « monstre » que constitue l’organisation des examens finaux, du CAP au post-bac comme les BTS et, surtout, la gigantesque épreuve du baccalauréat.
Ce dernier à lui seul peut expliquer la masse du volume d’heures qu’il absorbe. Les enseignants ne pouvant pratiquement pas assurer leur service complet, voire pas du tout. Entre surveillances, corrections et jurys divers, l’emploi du temps est surchargé, très souvent en nombre d’heures supérieur au quota du statut.
C’est une grande messe qui est unique au monde. Et les autres examens terminaux ne sont pas en reste. Le baccalauréat captant toute l’attention du public car il est unique et constitue pour les élèves comme pour les parents un moment très attendu, tout autant qu’angoissant. C’est presqu’un moment de communion du pays.
Mais il faut rajouter que l’avancement en date des examens finaux est important. On peut affirmer qu’en moyenne, les cours se terminent réellement à la fin du mois de mai avec un calendrier scolaire censé aller jusqu’aux premiers jours de juillet. La raison est simple à comprendre, pour un examen il y a plusieurs phases, depuis la préparation, l’épreuve elle-même jusqu’aux jurys finaux. C’est un assez long processus qui ne peut être réduit.
Même si la réforme du baccalauréat, annoncée en grande pompes médiatiquement, date de deux ans, l’année scolaire précédente a été perturbée par la crise du Covid. Nous nous apercevons cette année du désastre absolu de cette réforme qui engendre une unanimité dans la colère à son égard.
Les élèves sont censés passer les épreuves de spécialité (un gros coefficient) au mois de mars. Les chefs d’établissement, les professeurs et même les familles ont constaté un absentéisme considérable après ces épreuves de mi-mars. Comment voulez-vous motiver les élèves après mars lorsqu’ils viennent de passer les épreuves qui assurent ou non, en très grande partie, la réussite au Bac ?
Surtout, bêtise suprême, ils disposent de leurs notes dès la fin du mois de mars. Il faut s’imaginer un élève qui a eu plus de la moyenne et que ses calculs avec coefficient lui assurent la réussite, son envie est considérable de retourner en cours, n’est-ce pas ? Nous nous imaginons ce qu’il en est pour un élève qui s’est distingué par un fort absentéisme pendant l’année.
Mais il y a encore des raisons périphériques qui expliquent cet échec constant et historique du raccourcissement des vacances d’été. Combien d’élèves sont absents, tout simplement par les dates des vacances des parents et surtout par les prix des voyages qui bondissent lorsqu’on arrive au début du mois de juillet. On peut comprendre ceux qui vont en outre-mer ou à l’étranger pour visiter la famille, combien la dépense est lourde pour une famille.
Et bien d’autres qui font de ce problème un éternel combat illusoire du ministère et du gouvernement. La seule solution possible est l’évaluation en contrôle continu. Mais si cette méthode est entrée d’une manière importante dans les programmes, nous sommes loin du compte.
La raison de cette frilosité à accélérer sa mise en place plus élargie vient essentiellement du fait qu’en France, la doctrine de l’évaluation nationale fait craindre, comme une insulte à la république, les notes « maison », c’est-à-dire à la discrétion des professeurs qui connaissent le élèves et qui veulent de bonnes statistiques pour leur propre avantage du mérite.
On imagine l’importance encore plus appuyée lorsque les établissements sont privés, le taux de réussite étant l’argument principal du recrutement des élèves les plus socialement favorisés financièrement.
Le système scolaire doit choisir, ou le maintien des « grandes messes nationales » que sont les examens terminaux, nationaux et avancés dans le temps ou une généralisation des évaluations par contrôle continu.
Partant à la retraite, j’avoue que je suis très réservé pour la généralisation du contrôle continu.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant