24 novembre 2024
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AccueilCulture"L'amour ne doit pas faire de vagues" de Mohamed Kacimi

« L’amour ne doit pas faire de vagues » de Mohamed Kacimi

« Qui meurt pour Dieu

Se jette dans le vide

 

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Qui meurt en martyr

Se mène en bateau

 

Qui meurt pour la patrie

Fait fausse route

 

Dieu a inventé le désert

Pour se faire pardonner la création de l’homme

 

Les hommes ont inventé la Religion

Pour pouvoir haïr, à cœur ouvert, la femme

 

Écrire c’est apprendre chaque jour

À trainer davantage Dieu dans la boue »

Avec ce poème, Mohamed Kacimi donne le ton à son premier recueil qui marque, et de quelle façon, son entrée fracassante dans le monde de la poésie. Et quelle poésie ! Nous avons toujours connu l’ami Kacimi comme le dramaturge le plus prolifique de la scène théâtrale algérienne avec des pièces tellement prenantes qu’il me semble qu’elles font désormais partie de notre patrimoine commun.

Il me suffit de nommer Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz et Congo Jazz Band. Entre autres. Romancier, Mohamed Kacimi nous a offert Le Mouchoir et Le Jour dernier.

L’amour ne doit pas faire de vagues est un recueil dans lequel l’auteur, le poète, est habité par une double problématique, l’amour et le pays. La hantise de la religiosité n’est pas loin non plus. Ces poèmes sont des balles de feu qui résument toutes les solitudes sur une terre minée, érodée par les vents de l’extrême perdition, dans un pays insolent, miné par les cataclysmes irréductibles. Balles de vie sans cesse tourbillonnant dans le désert d’une mémoire en perpétuel mouvement.

Les mots de ce poète « né entre une mosquée et un cimetière/ Les morts d’un côté et Dieu de l’autre » sont des barils de poudre – des barils d’images, de vagues brûlantes, même si l’amour n’en fait pas, et de visages égarés. Un baril qui explose et qui produit les étincelles de la décomposition permanente, présente jusque dans ce « sexe (qui) garde tout en mémoire, / Le regard, la main, la peau / Les lèvres qui le baguent/ Le souffle, et le goût des pores / la langue qui lape l’orage ».

Comment dès lors résister à cette force « audacieuse » venue d’une terre intrépide, impitoyable, rebelle au temps, où s’élabore à chaque instant dans l’éclatement des blasphèmes, le rythme séculaire d’une magie de la quête infinie :

Faut-il écimer à ce point les hommes

Pour faire croire à Dieu qu’il est grand ?

 

Cette terre n’est fertile qu’en dieux

Ils poussent comme des herbes folles

Les hommes broutent les racines du chiendent

Et jurent qu’elles ouvrent les portes du Paradis

 

Ici, l’amour ne fait jamais de vague

Mis à l’index par Dieu

Cloué au pilori par les hommes

Il vit partout en passager clandestin

L’amour rase les murs

Quand un désir naît par miracle

Les amants prennent le maquis

 

Ici, Dieu ne manque pas d’air

Ainsi nous contemplons le visage du poète comme un panneau d’interdiction d’aimer,  échoué sur un rivage lointain, un visage qui, malgré les hautes solitudes et les errances, reste en communion avec l’espace interdit où les rêves s’évanouissent et prennent la couleur maquillée du présent.

Kamel Bencheikh

L’amour ne doit pas faire de vagues de Mohamed Kacimi

Éditions Al Manar 2023, 17 €

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