22 novembre 2024
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Feuilleton. Le retour de Si Belaredj (III)

C’est un grand jour qui s’annonce. A la périphérie sud-est de la capitale, les préparatifs vont bon train. Les autorités locales se sont dépêchées de rafistoler les routes et de fixer provisoirement des arbustes.

Les bordures des trottoirs sentent la peinture fraîchement appliquée et les enfants sont systématiquement grondés de peur qu’ils ne laissent les traces de leurs pieds dessus. A l’entrée de la ville, une banderole géante est déployée : « Ahlan wa sahlan b Si Belaredj ( Bienvenue à son excellence Belaredj ) ».

Feuilleton. Le retour de Si Belaredj (II)

Le cortège présidentiel, escorté par une troupe inter-sécuritaire d’élite, arrive, enfin. La voiture principale, une acquisition récente toute blindée, s’arrête dans un terrain vague et nu. Solennellement, Si Belaredj avance d’une patte. Puis de la même patte… Et de son bec, T’ch’raf !,  il coupe le ruban inaugural. Le projet de train rapide Alger-Tamanrasset est officiellement lancé (1).

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Les applaudissements s’ensuivent et une voix par dessus tout lance : « Appelons ce train, appelons ce projet du siècle du nom de Si Belaredj ! ».

Aucune voix n’ose contredire. C’est l’adhésion totale. Les quelques visages qui ne parviennent pas à dissimuler une certaine contrariété, souffrent plutôt de ne pas y avoir pensé les premiers. L’idée a aussitôt séduit et trouvé bon écho en haut lieu. C’est ainsi que le chef de daïra (sous-préfet) à l’origine de l’ingénieuse trouvaille ne tardera pas à recevoir un coup de fil du Palais. Son nom vient d’être suggéré pour un léger mouvement dans le corps des walis (les préfets). Sous l’émotion, il lâche au bout du fil : « Baraktek Ya Sidi Belaredj, Baraktek ».

Le procédé par lequel la promotion s’est opérée fait le tour des cercles opportunistes du pays, à la vitesse du train promis. D’autres idées commencent à germer un peu partout. Voici une association sportive de l’ouest du pays qui supplie les décideurs de leur faire honneur de la présence de Si Belaredj à l’ouverture d’un tournoi de football, en l’honneur d’anciens condamnés à mort de leur ville.

Voici une association religieuse de l’Est qui l’invite à bénir une cérémonie de circoncision collective d’enfants. Et une autre du Centre qui le convie à la sortie d’une jeune promotion de récitation du Coran.

Mais Si Belaredj n’est pas de rang à traîner dans les associations de quartiers. Toutes les bonnes volontés nationales finissent, cependant, par avoir le même réflexe. C’est alors que le Palais se réveille au brouhaha d’une foule frisant l’hystérie. Des bus et des fourgons immatriculés de toutes les régions du pays sont stationnés aux murs de la forteresse. Des milliers de personnes scandent à l’unisson, tantôt « Tahia Si Belaradj (Vive Si Belaredj) » (2), tantôt « Ya Belaredj Diaf Rebb (Si Belaredj, au nom de Dieu, nous sommes tes convives) » (3).

Craignant quelques dépassements, les forces de l’ordre décident de donner l’assaut et remettent chaque véhicule sur son chemin du retour. Un seul groupe est épargné. Vite repérée, la bande de jeunes gens, avec un drapeau portant « Sari3 Sidi Belaredj (Le Rapide Monseigneur Belaredj) », est discrètement introduite dans le palais. C’est ainsi que l’équipe de football fraîchement créée est hissée en première division par arrêté présidentiel. Deux dessins ornent son drapeau : le pied gauche dit terrible de Si Belaredj et le train rapide Alger-Tamanrasset. Le premier chant est prêt à raisonner dans les gradins : « Djiboulna Belaredj… (On veut Belaredj) ! ». A suivre…

Zohra Droul

Contact de l’autrice : droulzohra@gmail.com

Notes

1) Lors de sa campagne électorale pour les présidentielles de décembre 2019, l’actuel président Abdelmadjid Tebboune, de passage à Tamanrasset, avait promis un train rapide pour réduire la distance estimée à presque 2000 Km entre cette wilaya de l’extrême sud du pays et Alger la capitale. Le trajet par route se fait en plus de 23 heures de temps.

2) : “Si Belaredj Diaf Rebbi” est une réplique de la chanson populaire chantée dans les mariages algériens, «Ya Mimouna Diaf Rabi», et qui raconte l’histoire d’un homme qui prend les Tolbas (les cheikhs) pour aller demander la main d’une fille.

3) L’expression “Tahia Si Belaredj” est une imitation de la fameuse formule “Tahia Si Makhlouf”, scandée par des citoyens à l’endroit de leur maire, dans “Carnaval Fi Dechra”, un film comique et satirique culte, considéré comme l’un des plus grands classiques du cinéma algérien. Le personnage Si Mekhlouf, joué brillamment par Atmane Ariouet, représente le dirigeant incompétent et auto-suffisant dans toute sa bêtise.

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