Alors que l’Europe peine à se séparer du glyphosate, la substance active du désherbant qui a fait la fortune de la firme Monsanto, votre rendez-vous environnement s’intéresse ce jeudi à la place qu’occupe ce produit controversé dans les champs africains.
L’usage de ce désherbant chimique, souvent connu sous le nom Roundup est très répandu en Afrique : dans les champs de coton au Bénin, dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire, ou encore pour cultiver le maïs en Afrique du Sud. « Nous avons fait des inventaires de pesticides utilisés en Tanzanie et au Burkina Faso et dans les deux pays, les herbicides à base de glyphosate sont le type de pesticides le plus utilisé, de loin », indique le chercheur au CNRS en sociologie et santé publique, Moritz Hunsmann. Avec des collègues africains, il travaille sur la gestion des pesticides et leurs effets sanitaires sur le continent. Ces dernières décennies, ajoute-t-il, le manque de main d’œuvre dans les régions agricoles, lié au fait que cultiver rapporte peu et à l’exode des jeunes vers les villes, a fait bondir l’usage de cet herbicide dans les exploitations familiales.
« Exposition massive » des agriculteurs
La façon dont le glyphosate est appliqué dans les champs en Afrique est particulièrement problématique. Dans beaucoup de cas, les agriculteurs l’appliquent eux-mêmes avec un pulvérisateur accroché sur le dos, explique le scientifique qui a mené des études avec des travailleurs de l’oignon ou des fleurs en Tanzanie notamment. « Les personnes essayent de se protéger, elles prennent des sacs-poubelle dans lesquels elles font de trous et qu’elles utilisent comme équipement de protection sur lequel elles mettent le pulvérisateur, détaille le chercheur, mais tout cela amène à une exposition absolument massive ». « La contamination des personnes n’est pas du tout la même que celle d’une personne qui est dans un tracteur, pulvérise en tracteur équipé avec des filtres qui sont changés toutes les deux semaines ».
Les bidons de glyphosate sous le lit
Les enfants jouent et travaillent dans les champs et les bidons de glyphosate sont souvent stockés sous le lit ou avec les denrées alimentaires de la maison. Et les vieux bidons de Roundup servent parfois même de récipients, témoigne Sounkoura Sidibé Adetonah, directrice exécutive de l’ONG environnementale béninoise GAPROFFA. « Les gens utilisent l’emballage pour d’autres fins : ils prennent ça pour stocker d’autres semences ou le lavent sans trop savoir comment le laver et mettent de la nourriture dedans. C’est ça qui amène beaucoup de dégâts sur la santé et l’environnement ».
Intoxications et risques de cancer
Cette exposition aux pesticides a des effets sur la santé des utilisateurs et de leurs familles. Des intoxications mortelles sont régulièrement répertoriées, par exemple lorsque des familles mangent les produits maraîchers trop rapidement après le traitement herbicide. Concernant les conséquences chroniques de l’exposition à long terme, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 le glyphosate comme « cancérogène probable » et d’autres études ont mis en évidence des risques d’apparition de pathologies neurologiques et de troubles de la reproduction.
Sur le continent africain, des voix s’élèvent pour dénoncer le coût humain, sanitaire et environnemental de ces produits qui polluent aussi les milieux naturels : des familles, des défenseurs de l’environnement, des médecins, des scientifiques… Mais la nécessité de nourrir une population croissante est l’argument renvoyé par de nombreux pouvoirs politiques et économiques.
Rfi