Si on a la tête, on a « logiquement » le bras, mais si on a le bras, on n’a pas « forcément » la tête. C’est là toute la dynamique d’une société en mouvement : la tête. Et qui dit tête, dit idée, projet de société, perspective, développement, démocratie, avenir, etc.
En Algérie, chez moi, on se retrouve dans la logique du rentier, le casseur des idées, le saboteur, l’architecte de l’ignorance, le faux diplômé aux lunettes d’intello mais avec une cervelle vide et un comportement sauvage à la limite de celui du bédouin : le journaliste propagandiste, à la fois hypocrite et jaloux, le soi-disant riche qui ne sait pas remplir un chèque ni commander un plat dans un restaurant ni moins encore prononcer un mot devant un investisseur étranger; le préposé au guichet de l’Etat civil incompétent qui nargue les citoyens, en se prenant pour le maire de la commune, sinon le nombril du monde, etc.
Tout cela forme l’univers du rentier. Un univers putride qui donne des maux de tête à quiconque essaie de penser, réfléchir rationnellement ou militer pour un Etat de droit. Mais comment changer alors ? Question complexe! Dans la tradition anglo-saxonne, il y a deux types de changements. Le premier, ils l’appellent « Top-down » (Le haut vers le bas), c’est-à-dire, on commence par le sommet et on finit par la base.
Ce type de changement exige une révolution violente et radicale, car il s’attaque directement aux hauts responsables, dans notre cas les grands rentiers, qui, eux, s’attachent à leurs privilèges et refusent de céder. Un tel schéma, très complexe et porteur de grands dangers de dérives autoritaires, est semblable au « Grand Soir » marxiste où les classes défavorisées constituent « un foyer révolutionnaire » et se réapproprient pas la force leurs droits.
Ce qui peut déboucher, à terme, sur une guerre dans la mesure où les défis des uns et des autres sont différents. Le second type de changement, celui qui m’intéresse le plus d’ailleurs, c’est le « Bottom-up » (du bas vers le haut).
Dans ce schéma, la perspective du changement est graduelle. Elle commence, petit à petit, par les associations, les comités culturels, les militants, les artistes, les journalistes, etc. Ceux-ci vont investir la société et tenteront de la préparer pour accepter d’abord l’idée de changer sa vision et son regard sur le monde, planifier son avenir, s’auto-déterminer, passer la relève aux nouvelles générations de manière progressive.
La logique ici n’est pas la confrontation directe, mais la quête de la transformation par étapes.
Où se trouve le problème chez nous ? C’est l’absence de l’Etat proprement dit, pour des considérations historiques, liées à sa formation dans un un contexte de guerre révolutionnaire, nourri par un esprit strictement tribalo-militariste.
Un esprit qui n’a pour assise par la suite que la bureaucratie du parti unique où tout débat d’idées est proscrit.
C’est ce lourd héritage, ajouté aux séquelles de la colonisation et aux longues décennies de mauvaise gestion et de corruption, qui bloque tout changement aujourd’hui.
Kamal Guerroua