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À quand la chute de Bouteflika ?

Avions, ponts, dinar… tout chute en Algérie

À quand la chute de Bouteflika ?

La place, est-elle libre Monsieur ? Puis-je ? Je peux appeler H’mida le serveur si vous voulez. Je suis un habitué, oui. Il a l’air méchant avec ses allures de montagne abrupte, mais son cœur est en or comme celui d’un enfant. Il suffit de lui laisser quelques dinars qui brillent sur la table pour qu’il prenne leur place dans votre poche. Comment ? S’il est débile ? Disons que son esprit est inversement proportionnel à sa taille. 

Il n’aime pas les billets, non. Pour lui, de l’argent ça doit valoir son pesant d’or. Ça doit briller comme le cœur d’un enfant, que ça fasse du bruit quand ça tombe de la poche. Le dinar en papier, c’est de plus en plus léger, qu’il dit, comme les cœurs des adultes. Ça a beau être large, mais un petit vent peut l’emporter et le faire voler loin comme un avion. C’est inversement proportionnel à sa taille, qu’il me répète !

Je ne vous dérange pas, vous êtes sûr ? J’ai tendance à trop parler, à ne pas garder ma langue dans ma poche. Mais rien de bien méchant, rien qui fasse une montagne, juste des paroles légères, qui tombent dans les oreilles sans trop de bruits. 

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Le soleil tape fort hein ? Aucun vent ne vient souffler cette atmosphère écrasante. Quand on n’est pas inondé par l’oued, c’est la chaleur qui nous submerge. Et puis ces satanées mouches qui commencent petites, à nous arracher la peau, à y imprimer leur cruauté. Vous avez remarqué, vous aussi. Vous êtes perspicace. Plus les êtres sont petits et plus leur nuisance est forte. Les moustiques, les microbes, les parasites, et même certains hommes. 

Vous savez, ces petits despotes qui terminent soufflés par le vent de l’histoire. Ils croient bien souvent que s’imposer, force les mémoires aux souvenirs, comme quand on appuie longtemps sur de la vase et qu’on finit par y imprimer ses doigts, ou quand on s’allonge sur un matelas en mousse et qu’on y imprime son corps. Ils oublient juste, ces nains de l’histoire, que dans un cas comme dans l’autre, la nature reprend ses droits et ses formes originelles et efface définitivement les mensonges et le vide. 

Comment ? Un sujet plus gai ? Mais moi, j’avoue que je n’ai pas trop le cœur à la rigolade. Oui à cause de la chute de l’avion, mais pas que. 257 jeunes morts d’un coup, presque dans l’indifférence comme des mouches, ça ne s’oublie pas si facilement . Mais essayons de parler d’autre chose alors.Dites-moi : aimez-vous les devinettes ? Oui. En voilà une : 

Une mouche dans un avion, lorsqu’elle vole, le fait-elle à la vitesse d’une mouche ou celle de l’avion ? Et lors qu’il décolle, et que les passagers à son bord subissent les « G » et s’écrasent contre leurs sièges, la mouche, reste-t-elle insensible à l’accélération parce qu’elle vole à la vitesse de l’avion ou imprime-t-elle son petit corps sur la mousse d’une banquette ? Et lorsque l’avion chute, la mouche, reste-t-elle en vie ou meurt-elle comme tous les passagers ? Et ses cousines, ses amis, sa famille, le peuple des mouches, qui la voyaient s’écraser, se posent-ils la question sur la durée du deuil qu’ils vont observer ou sur la raison de la chute de l’avion ? 

Pardonnez mon impertinence, je vous ai dit que j’avais du mal avec ma langue. Elle me contrôle parfois que je me dis. Elle s’agite et je subis. Elle m’a causé tant d’ennuis, c’est elle qui creusera ma tombe que je me répète. Une autre devinette ? Oui ? Mais parlons vraiment d’autre chose, d’un sujet pas très lourd avec des paroles qui s’envolent sans jamais tomber plus bas que la rigolade, sans trop de bruit. 

Une grue, qui est capable de porter une charge de 2,5 tonnes, si on l’utilise pour  une charge plus grande, un panneau de 48 m2 par exemple, avec le poster qui pèse une montagne, la grue, reste-t-elle debout ou finit-elle par chuter ? Et celui qui la conduit, en recevant sur la tête le président qui gît dans le panneau, reste-il vivant ou meurt-il écrasé comme une mouche ?

Et le pont du colon, celui qui fait passer les crises d’un oued entre ses jambes, celui qui n’a jamais été inspecté depuis cent ans, peut-il résister à l’accélération de plusieurs « G » d’une crue centenaire où fini-t-il par s’écrouler comme la grue ? Le vieux pont, s’il avait été entretenu, sans trop de légèreté, sans abuser des paroles qui s’envolent, aurait-il pu enjamber l’oued pour des longues années encore, le consoler quand il s’envase et l’apaiser quand il s’emporte ?

Et tous ces gens, qui ont vu s’écraser l’avion, s’affaisser des ponts, ceux-là assis dans ce café, qui fuient le soleil qui tape, les morsures des mouches, qui s’accrochent à des billets qui s’envolent, à des paroles légères, à des grues surchargées, comprennent-ils seulement que c’est tout le pays qui est en train de tomber en lambeaux ? 

Ne voient-ils pas que le président muet comme une tombe, qui veut être un géant, celui qui colle à son siège comme un poster, qui nous contrôle sans bouger la langue, dans sa longue chute, il entraînera tout le pays comme un avion qui s’écrase ? Il ne restera que les mouches pour se demander pourquoi on n’a pas réagi avant !

 

Auteur
Hebib Khalil

 




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