Lundi 24 mai 2021
Abchiche Belaïd : « Dnunit acḥal telha », que la vie est belle !
Encore un artiste talentueux tombé dans les abysses implacables de l’oubli, et qu’il est nécessaire de faire découvrir aux nouvelles générations.
Même si le titre phare qui l’avait fait connaître au grand public est « Dnunit acḥal telha », son répertoire est composé d’une multitude d’autres enregistrements, parmi lesquels « A yellis n taddart-iw », « Ya ɛami ya ɛami », « ḥamlaɣk ay-iḍ », « aḥessad », ou encore « A-rebbi fek-iyi lḥaq-iw », « Amerkanti », etc.
À noter une diction très claire qui permet de comprendre ses chansons dès la première écoute. En ce qui nous concerne, tout au moins. Le kabyle d’Abchiche Belaïd étant celui des collines de notre enfance, celles de Larbaâ Nath Iraten.
À noter aussi que le titre « Dnunit acḥal telha » a été enregistré sous deux styles distincts : l’un sous forme de « cht’ih r’dih » et l’autre en style Chaâbi avec un istixbar approprié. C’est cette dernière version que nous vous proposons pour écoute.
Biographie
Abchiche Belaïd est né le 25 novembre 1935, à Agouni Gueghrane, un village qui a donné naissance à la grande figure de la chanson kabyle, Slimane Azem.
Bélaïd fut, d’ailleurs, un disciple de Slimane Azem dans son inspiration, mais en même temps un grand admirateur de cheikh El Hasnaoui. Il a fait ses débuts dans la chanson en France. Son apprentissage et son initiation à aux instruments de musique à cordes se faisaient en dehors des heures de travail. Comme tous les artistes de son époque, son art ne lui permettait pas d’assurer la « khobza ».
Il se laissait prendre dans les filets de la musique pour combler le vide qui l’entourait et éviter de fréquenter d’autres milieux. Au fur et à mesure, il commençait à connaître quelques notes de musique, puis des airs entiers. De là, il s’est lancé dans l’interprétation de certaines chansons patriotiques appartenant à d’autres artistes très connus.
Selon un de ses amis, le défunt Salah Saâdaoui : Abchiche Belaid avait écrit et composé des chansons engagées, qu’il a chantées dans des bistrots, en présence de notre communauté, au moment où la guerre faisait rage au pays. À titre d’exemple « Ayamjahed γer tafat it lahoud » ensuite « Asmi tevda el guirra e-nanas medden ed lakteb ». Ces deux chansons n’ont jamais été diffusées et pourtant elles ont été enregistrées à Radio Paris.
En dehors de sa qualité de chanteur, Abchiche Belaid, était aussi un excellent musicien et il a accompagné des chanteurs de talent tels que Slimane Azem, Hadj Menaouer, Mohand Rachid avec lequel il a chanté en duo, et bien d’autres encore.
Ce n’est que vers les années 1970 qu’il a rejoint l’orchestre de la chaîne 2 en tant que musicien pour espérer une maigre retraite. Au sein de la radio, il a procédé à 49 enregistrements, toujours répertoriés dans la discothèque. Abchiche était un cheikh dans le chaâbi algérois. Lui qui vivait à Fort de l’eau, il était différent des autres car il jouait du banjo sur scène, au lieu du mandole ou de la guitare propres au chaâbi ou à la chanson kabyle. D’ailleurs, il aimait souvent interpréter des textes de Saïd Douara, lui aussi décédé à Paris.
Il a quitté ce monde prématurément en 1982, à tout juste 47 ans.
Nous vous proposons la piste audio et la transcription de son titre phare « Ddunit acḥal telha ». Il y met en exergue le fait que la vie est si belle que personne n’en est rassasié, même centenaire. Il chante la beauté du pays et sa terre, pas du tout ingrate envers ceux qui se donnent la peine de la travailler. Sacré avertissement, qui n’a malheureusement pas été suivi, ni par le pouvoir, ni par le citoyen ! Les souk-el fellah et le pétrole ayant transformé tout le monde en paresseux !
Ddunit acḥal telha
isstixbaṛ
Ddnunit ulac wi ţ yeṛwan
Ulla dat l-miyat ssna
N t saqssaten amek illan
Nnan kulci i ɛedda am tirga
Awi yuffan ad iḍul zman
Armi ţura iss-nufa l-benass
Rythmique
Ddunit acḥal telha
Kul leweqt ye ţaked ṛezk iss
El ber labḥar el hawa
Ulac wi yerwen iɣimi-ss
Eyaw a nefɣat ɣer beṛṛa
Ar idurar lakw d-s’ḥel-iss
A naẓut dina ṭejra
Ad d-ass n-cebaḥ udem iss
Bac akken a ţ-qwu l-ɣella
Ad erwun yakw leɛbad-iss
Lhawa n tmurt neɣ
Akal-iss hedd ur t yesɛi
Ayen t xedmed ad yefeɣ
Mi t zerɛed l hadja a ţ mɣi
Ar l kir ar aɣ t ssufeɣ
Ma yella n’kerziţ irkwelli
Di tefssut zegzawen
Mi nwalla neɛma temɣi
I felaḥen lla ferḥen
Kulci yeǧuǧug i ţ nerni
Ullama d lmel n ssen
Xirek ya sidi rebbi
L’fakya lekw d neɛma
Kulci i ţ assed di lawan
N’ţeddu am saɛa
Si yiṭṭij d ubeḥri d waman
Ig xedem bab n lqedra
Sabḥa nek a bab eṛṛaḥman