Les États-Unis ont mis fin ce jeudi à l’espoir d’adhésion pleine et entière des Palestiniens à l’ONU. Ils ont mis sans surprise leur veto au Conseil de sécurité à une revendication fustigée par leur allié israélien, en pleine guerre à Gaza.
La résolution n’avait évidemment aucune chance de passer. Depuis plusieurs semaines, les Palestiniens, qui ont depuis 2012 le statut inférieur « d’État non membre observateur », ainsi que les pays arabes imploraient le Conseil d’accepter qu’un « État palestinien » déjà reconnu par la majorité des capitales prenne sa place « légitime » au sein des Nations unies.
L’admission d’un État à l’ONU doit recevoir une recommandation positive du Conseil (au moins 9 voix sur 15 en faveur, sans veto d’un membre permanent), puis être approuvée par l’Assemblée générale, à la majorité des deux-tiers. Le projet de résolution présentée par l’Algérie qui « recommande à l’Assemblée générale que l’État de Palestine soit admis comme membre des Nations unies », a recueilli 12 votes pour, 1 contre et 2 abstentions (Royaume-Uni et Suisse).
« Aujourd’hui est une triste journée », a réagi le nouvel ambassadeur chinois Fu Cong, exprimant sa « déception » face au veto américain. « Le rêve du peuple palestinien a été anéanti ». De son côté, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a fustigé le veto américain à l’adhésion des Palestiniens aux Nations unies, y voyant une « agression flagrante » qui pousse le Moyen-Orient « au bord du gouffre ». « Cette politique américaine agressive envers la Palestine, son peuple et ses droits légitimes représente une agression flagrante contre le droit international et un encouragement à la poursuite de la guerre génocidaire contre notre peuple (…) qui poussent encore davantage la région au bord du gouffre », a déclaré le bureau de M. Abbas dans un communiqué.
Des actions jugées « prématurées »
Les États-Unis n’ont cessé de répéter ces dernières semaines que leur position « n’a pas changé » depuis 2011, lorsque la demande d’adhésion présentée par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avait tourné court face à l’opposition américaine, avant même d’atteindre l’étape du Conseil. Il y a 13 ans, « Barack Obama l’avait bien expliqué : Washington désire que la reconnaissance d’un État palestinien par Israël ne soit pas forcée par cette candidature qui formaliserait un petit peu plus le statut des Palestiniens, mais qu’elle vienne bien d’un accord négocié entre les deux pays », explique au correspondant de Rfi à New York, Carrie Nooten. L’administration Biden est sur la même position, bien que sa vision soit ambivalente, car elle croit toujours à une solution à deux États pour régler le conflit israélo-palestinien.
« Ce vote ne reflète pas une opposition à un État palestinien, mais est une reconnaissance qu’il ne peut naître que de négociations directes entre les parties », a ainsi justifié l’ambassadeur américain adjoint Robert Wood, regrettant des « actions prématurées ici à New York, même avec les meilleures intentions ». Ils soulignent aussi que la législation américaine leur imposerait de couper leur financement à l’ONU en cas d’une adhésion palestinienne en dehors d’un tel accord bilatéral.
Les Israéliens dénonçaient également avec virulence l’initiative palestinienne, fustigeant le simple fait que le Conseil examine la requête palestinienne que leur ambassadeur à l’ONU Gilad Erdan a jugé « immorale ». Le gouvernement israélien s’oppose à la solution à deux États, défendue par une grande majorité de la communauté internationale, dont les États-Unis. Et la majorité des 193 États membres de l’ONU (137 selon le décompte de l’Autorité palestinienne) reconnaissent de manière unilatérale un État Palestinien.
Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU a peint devant le Conseil de sécurité un tableau effrayant de la situation au Moyen-Orient. « Le Moyen-Orient est au bord du précipice. Les derniers jours ont vu une escalade dangereuse, par les mots et les actions », a déclaré Antonio Guterres. « Une erreur de calcul, une mauvaise communication, une méprise, pourrait conduire à l’impensable, un conflit régional généralisé qui serait dévastateur pour tous ceux concernés, et pour le reste du monde », a lancé le secrétaire général, répétant sa condamnation notamment de l’attaque sans précédent de l’Iran contre Israël le week-end dernier. « Il est grand temps de mettre un terme au cycle sanglant de représailles », a-t-il plaidé, appelant à « éloigner la région du précipice ». « En commençant par Gaza » où « six mois et demi d’opérations militaires israéliennes ont créé un enfer humanitaire », a-t-il déploré, décrivant deux millions de Palestiniens endurant « la mort, la destruction, le déni d’aide humanitaire vitale ».
Le dernier veto à l’adhésion d’un État à l’ONU date de 1976, quand les Américains avaient bloqué l’entrée du Vietnam.
Avec Rfi