J’ai appris que je ne pourrai plus revoir New York, cette ville que j’avais visité en 1976 (77 ?) pour la première et dernière fois.
Je ne le pourrai plus car ce pays est devenu celui de George Orwell dans son roman au titre célèbre de 1984 ou alors je m’étais trompé de destination en croyant m’être rendu au pays de la première constitution républicaine dans l’histoire du monde.
Donald Trump a pour projet d’exiger de nouvelles conditions d’accès sur le territoire américain après une demande de visa en ligne. Je ne sais pas ce qu’il en sera car un recours est introduit devant les juges mais il est très probable que la décision devienne définitivement applicable car nous connaissons le respect des décisions de justice et des lois par Donald Trump.
Rien d’inattendu pour un homme qui se lève chaque jour avec une crise de fièvre délirante. Dans ce spectacle routinier, c’est l’organisation de la coupe du monde de football aux États-Unis qui a justifié cet accès de démence dans ce jour de crise lors de son réveil. Ou alors la nuit car cet homme, au comportement d’un adolescent, semble passer ses nuits à poster ses élucubrations.
Revenons à mon statut de persona non grata. J’avais dit que c’était devenu le pays de George Orwell. Je rectifie par une remarque, jamais George Orwell n’aurait pu imaginer dans son roman ce que la police américaine des frontières exigera pour l’accès sur le territoire américain si le projet se réalise.
Voici les exigences qu’on me demanderait pour me rendre à New York, porte d’entrée principale de ce pays devenu fou. Commençons par le plus terrifiant pour un pays encore démocratique il y a quelques mois seulement. Je devrais présenter l’historique de mes publications ou des sites visités sur les réseaux numériques. On me demanderait également tous mes numéros de téléphones utilisés durant les cinq années précédentes ainsi que les adresses électroniques utilisées pendant les dix dernières années (c’est délirant !). Et gare aux oublis ou fausses déclarations, la police américaine des frontières n’est pas très connue pour ses plaisanteries.
Mais ce n’est pas tout car ils demanderaient que je fournisse des informations sur les membres de ma famille. Pour exemples, leurs numéros de téléphone, leur date et lieu de naissance et adresse. En quelque sorte je dois dévoiler presque toute ma vie intime. Je devrais donc me présenter nu aux autorités douanières américaines. Ce n’est franchement pas dans mon projet de la dernière partie de ma vie que m’exhiber en public.
Je l’ai échappé belle, on ne me demanderait pas le nom et l’adresse de mes petites copines à Oran dans une lointaine époque.
Je suis loin d’être le seul mais mon dossier est lourd avec les tonnes de publications, en articles et en posts très sévères envers ce personnage fantasque. Lorsqu’on sait que Donald Trump n’accepte aucune critique, y compris dans la couleur de sa cravate, je dois préparer les frais de retour de mon refoulement immédiat. Et je serais heureux si cela se concluait par cette seule sanction.
Ce retour à ma vie de jeunesse à New York avec mon Algéroise, qui me rejoindra dans le statut de retraitée bientôt, je ne le ferai pas. Moi qui rêvais de boucler une vie active par ce retour, juste un dernier instant pour revivre ce voyage qui était à cette époque encore mythique pour bien d’autres jeunes étudiants. C’était encore la vie du DC 8 et des accompagnateurs des agences de voyage.
Je ne reverrai plus par le hublot cette grande dame qu’on appelle la statue de la Liberté (en descente à New York ou en atterrissage de Washington, je ne sais plus).
Et de toute façon, elle n’y est plus.
Boumediene Sid Lakhdar

