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Affaire Djabelkhir : les islamistes qui se disent démocrates au pied du mur

OPINION

Affaire Djabelkhir : les islamistes qui se disent démocrates au pied du mur

Depuis l’avènement de la révolution de février 2019, nous avons entendu plusieurs courants islamistes se réclamer de la démocratie. L’État civil et non militaire, le respect des droits de l’homme, l’État de droit qui sont parmi les fondamentaux défendus par le Hirak/Amussu semblent faire l’unanimité.

Personnellement, et à titre d’exemple, je n’ai jamais rencontré de contradicteurs sur la chaîne de télévision Al-Magharibia, considérée comme islamiste, lorsque je soutiens que l’Algérie ne peut être gérée ni par les casernes, ni par les mosquées. J’y suis revenu également souvent sur le fait que « l’islam religion d’État » est une absurdité à plus d’un titre. La première raison est qu’en tant que tel, il est forcément instrumentalisé à des fins politiques. Un tel statut confèrerait mécaniquement le rôle de « commandeur des croyants » au chef de l’État. Un culte institué est naturellement un outil aux mains du pouvoir en place.

Par ailleurs, on ne peut nous dire, à la fois, qu’il existe une science islamique mais que l’Islam ne peut être critiqué. Ça serait un non-sens et une absurdité supplémentaire. Le propre de la science est la remise en question permanente de toute explication de phénomènes physique, biologique, philosophique, théologique, sociologique, etc. etc. Ni partisane et ni dogmatique, la science est, par essence, ouverte à la critique et ses méthodes de réflexion et de travail sont toujours ouvertes à la révision, aux innovations.

Tout islamiste encarté ou non et plus largement tout croyant algérien est interpelé dans cette affaire Djabelkhir qui vient devant la justice ce 25 février 2021. Le silence de celles et ceux qui, habituellement dénoncent, sans équivoque, le pouvoir, équivaudrait à un soutien apporté aux doctrinaires qui instrumentalisent l’Islam et la justice à des fins politiques et de domination.

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De quoi s’agit-il ?

Un obscur professeur d’informatique de l’université de Sidi Bel-Abbès, aidé d’un quarteron d’avocats, a saisi la justice dans le but de faire condamner pour « offense à l’Islam » le chercheur en islamologie Saïd Djabelkhir. Ce chercheur, textes à l’appui, démontre (et il n’est pas le seul) qu’un certain nombre de rituels religieux sont antérieurs à l’irruption de l’Islam et existaient déjà dans les religions polythéistes. C’est le cas du hadj, du ramadhan, de la circoncision, de la prière, etc. etc. Saïd Djabelkhir propose également une lecture du Coran au regard des avancées actuelles des sciences sociales comme l’ont fait avant lui les Ibn Rochd, les Arkoun, les Mohammad-Ali Amir-Moezzi et tant d’autres.

Par ailleurs, tout le monde sait que la lecture du coran, des hadiths et du droit religieux n’est pas chose aisée. Depuis l’avènement de l’Islam, les débats se sont multipliés dans le but d’avoir des éclairages sur les pages restées obscures ou polysémiques. On ne compte plus les chercheurs iraniens, égyptiens, européens et tant d’autres qui ont apporté des contributions innovantes sur les textes sacrés, toutes religions confondues.

Le scandale est que la justice algérienne connue pour être une « justice du téléphone », ne s’est jamais autosaisie pour les appels au meurtre des Naïma Salhi, Abdelfatah Hamadache et autres hurluberlus du même acabit. Les magistrats ont préféré, dans ces cas, faire une sourde oreille complice.

Depuis l’arabisation de l’école algérienne et la mise au pas des médias, nous assistons à des comportements rétrogrades, encouragés ou initiées par l’État, qui entretiennent l’ignorance et l’obscurantisme dans la société algérienne : urine de dromadaire et « lait » de bouc vendus comme médicaments, un ministre de la santé (Abdelmalek Boudiaf pour ne pas le nommer) qui valide et vante le RHB (rahmat-rebbi) comme remède miracle au diabète, le wali de Aïn Defla (Benyoucef Azziz) qui organise, en guise de réparation, un pèlerinage à la Mecque (une Omra) à des familles qui ont perdu leurs proches dans un crash d’avion, des policiers en tenue qui offrent des corans à des médecins épuisés par la lutte, sans moyens, contre le coronavirus et tout un tas de faits charlatanesques du genre !

La religion c’est du sérieux. Si elle n’est pas vérité scientifique, elle est assurément vérité culturelle et sociétale. La difficile compréhension de l’infini ; la prodigieuse existence de la vie végétale, animale, humaine, microbienne ; la persistance des injustices et des souffrances de par le monde ; l’espoir d’une vie après la mort, toutes ses réalités ou représentations qui nous habitent, ont conduit l’Homme à trouver une explication qui dans une religion, qui dans une philosophie, qui dans un courant de pensée.

Quelles que soient les croyances des Hommes, un certain nombre d’entre eux se sont adonnés et s’adonnent encore à l’étude de ces manifestations religieuses, philosophiques, spirituelles ou sectaires tant ces phénomènes ont marqué profondément la culture de tous les peuples.

C’est dans ce vaste cadre que le chercheur Saïd Djabelkhir tente une présentation originale et documentée du fait islamique. L’auteur y promène un regard neuf, respectueux et savant. Sa place n’est pas devant le prétoire d’une justice algérienne déjà décriée pour ses méfaits, elle est dans une chaire professorale depuis laquelle il doit éclairer nos jeunes étudiants et la société.

À la question de la liberté de culte, de croire ou de ne pas croire, l’heure est venue d’y répondre sans faux-fuyants. Le Hirak/Amussu a cette lourde charge d’y travailler tout en maintenant les rangs serrés pour abolir le régime qui nous a inculqué le charlatanisme et nous conduit tout droit vers l’inquisition.

 

Auteur
Hacène Hirèche (militant associatif)

 




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