3 mai 2024
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Affaire Total : En quoi le ministre de l’Energie serait-il maladroit ? (II)

DECRYPTAGE

Affaire Total : En quoi le ministre de l’Energie serait-il maladroit ? (II)

Total est une société qui compte plus sur son lobby en Algérie que sur son savoir-faire dans le domaine pétrolier et gazier. Dès qu’elle se trouve en difficulté avec ses actifs sur place, elle actionne les politiques, c’est d’ailleurs la raison qui explique le rétropédalage du ministre de l’Energie le lendemain de cette déclaration que certains voient comme une « contradiction » qui n’honore pas le secteur.

Ils n’ont pas considéré  l’intervention politique de Total mais ils sont tombés juste sur ce ministre qui a du être rappelé à l’ordre d’en haut pour prôner lui aussi le dialogue. Plus surprenant et lorsque cette information est diffusée par plusieurs journaux et a même fait polémique en Algérie, M. Patrick Pouyanné décident enfin de venir le jeudi 30 mai pour informer les autorités publiques de cet achat pour lequel, de sources crédibles, sa mise en œuvre s’est faite dans les officines de l’Elysée.                                                                                                

1- Total ne vise pas un partenariat mais une influence en Algérie

A chaque Ramadhan Patrick Pouyanné fait des bonnes affaires en Algérie. Rappelons que le Patron de Total et  Le directeur général de Repsol Didier Wloszczowski ont jeuné avec Ould Kaddour le Ramadhan dernier, selon les déclarations même de ce dernier. Pourquoi ? Ils venaient de reconduire un contrat « tout bénef » sur 25 ans et sans aucun risque.

Le champ de TFT, très connu par les équipes de Sonatrach est mis en association pour des broutilles de 85,236 millions de dollars pour Total 73,224 millions de dollars pour Repsol pour un investissement global de 324 millions d’un programme additionnel de recherche et d’exploitation. La part de Sonatrach est évaluée à 165,54 millions de dollars. Tout cela est nécessaire pour faire quoi ? Le forage de 11 nouveaux puits, l’installation d’une unité de compression de basse pression en amont de l’usine, et en l’optimisation du réseau de surface et de fonctionnement de l’usine. Ce programme qui sera réalisé en Engineering –Approvisionnement – Construction  par les équipes de Sonatrach qui ont une connaissance parfaite du champ pour l’avoir exploité seules pendant près de 20 ans. Il n’y a apparemment aucun apport technologique de ces associés à part ces petits montants sans importance puisqu’il s’agit uniquement de faire des forages et booster le gisement qui permettront sur une durée de 6 ans à maintenir la production actuelle du bloc 238 du vaste champ de TFT à 80000 barils équivalent pétrole par jour représentant 3 milliards de m3.

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Sonatrach qui acte pour le compte de toute la nation et qui se trouve actuellement en pleine crise de liquidité,  perdra une partie importante de ce programme additionnel qui permettra également de récupérer les réserves en plus estimées à plus de 250 millions de baril équivalent pétrole dont 29,2 milliards de m3 standard de gaz sec  rappelons que la production de ce champ a démarré au rythme de 5 millions de m3 /j de gaz humide pour atteindre progressivement le débit nominal de 20 millions de m3/j, soit environ 7 milliards de m3 par an, Ce gaz humide est séparé en gaz sec, GPL et condensats dans l’usine d’extraction du champ, qui comprend deux trains de traitement identiques construits par Brown & Root avec la participation de plusieurs sociétés de service algériennes, les condensats et les GPL sont ensuite transportés séparément jusqu’à la côte au rythme de respectivement 2800 tonnes/jour et 2600 tonnes/jour, Le gaz naturel sec est quant à lui expédié dans le réseau de transport Sonatrach. Les investissements déjà consentis pour le développement de ce gisement sont de 1,2 milliards de dollars et ont été fractionnés en deux phases.

La première a consisté en la mise en production du gisement le 18 mars 1999 et ce, par la réalisation de 2 trains de traitement de 10 millions m3/j chacun, et de respectivement 3 lignes d’expédition de gaz, de condensat et de GPL Lancée en mai 2010, la seconde phase a vu la réalisation d’une station de boosting en vue de maintenir le plateau de production à 20 millions m3/j pendant 5 années. Ce qui est en plus bizarre dans cette affaire est le fait que Total dans son communiqué  diffusé sur son site le 11/06/2018 parle de prolongation de licence par Alnaft dont la presse algérienne n’a pas soufflé un mot comme si le PDG de Sonatrach la représente. En tout cas, le résultat est là et s’annonce clair : on investi plus d’un milliards de dollars  dans un tas de ferraille à l’étranger pour laisser filer ce qu’il ya entre nos mains.

Si plus précisément Total voulait un partenariat gagnant /gagnant, pourquoi n’irait-elle vers les quartzites de Hamra qui suscitent un grand intérêt pétrolier vu les quantités en hydrocarbures extraites et existantes au sein de cette formation ordovicienne. Sommes nous enfin en face d’un avant goût de cette stratégie SH2030 ?

2- Pourquoi une telle transaction affaiblirait Sonatrach

Pour avoir intervenu à temps pour ramener du cash dans cette opération de surenchère avec Chevron, Anadarko a promis au français Total de lui céder son activité en Algérie, Ghana, Mozambique et Afrique du Sud en échange de la modeste somme de 8,9 milliards de dollars rapportés en frais. Total bien entendu, fortement aidée par le pouvoir politique vise par cette opération l’Algérie en premier lieu. Pourquoi ?

Parce que cette opération permettra à Total de prendre le monopole de la production pétrolière en Algérie au détriment de la compagnie nationale. En plus de sa position très confortable autour du GNL avec Sonatrach depuis la signature du complexe du steam cracking en 2018, ses activités dans les lubrifiants, le géant français pourrait rajouter la production d’Anadarko à la sienne. Une telle position confortable pourrait lui donner un monopole de la production pétrolière et affaiblit grandement la position de Sonatrach.

Quand on connait les ambitions de l’ancienne puissance coloniale dans son ingérence dans les affaires en Algérie, le lecteur imaginera l’influence qui attendra la diplomatie algérienne dans un secteur aussi névralgique que celui des hydrocarbures. Cela ne s’est pas arrêté là mais tout porte à croire que la crise politique dans laquelle est plongée l’Algérie ces derniers jours arrange les affaires des multinationales. « Ould Kaddour était pressé d’octroyer les dernières affaires » à ses amis, lit-on dans une dénonciation anonyme selon toute vraisemblance de cadres supérieurs, honnêtes et soucieux de l’intérêt suprême de Sonatrach et de ce qu’elle représente pour le pays.

Ainsi après l’entrée en grande pompe d’ExxonMobil et Chevron  pour l’exploitation des ressources non conventionnelles, la création d’une joint venture pour la commercialisation des produits pétroliers sans compter la délocalisation du raffinage en Suisse et en Cécile, le 13 mars dernier la société britannique Petrofac avait remporté un contrat de 1 milliard de dollars pour le champ gazier d’Ain Tsila. Selon cette source anonyme cela ne va pas s’arrêter là. Car cette société qui s’est avérée la moins disante de tous les soumissionnaires dans l’appel d’offre de la raffinerie de Hassi Messaoud estimé à 4 milliards de dollars, tente à travers son lobby de peser de tout son poids pour le concrétiser avant les prochaines élections présidentielles de crainte du changement du management de Sonatrach. Il faut rappeler que cette entreprise, spécialisée dans l’ingénierie pétrolière et gazière est présente dans 24 pays dans le monde mais réalise les 25% de son chiffre d’affaire en Algérie.

Comment est-elle arrivée à cette performance financière en Algérie ? D’abord par la même méthode qu’utilisent  de nombreuses compagnies pétrolières en Algérie à savoir, la création de leur propre lobby en l’entretenant par le biais des versements des commissions et des pots-de-vin. Cette britannique est entrée en Algérie en 2000 dans le cadre du projet Ohanet comme soit disant un investisseur au moment même où le pays en recherchait pour booster le secteur des hydrocarbures afin d’augmenter ses reserves qui constituent sa principale ressource qui lui assure des recettes pour ses différents besoins.

A peine quelques mois après, la compagnie australienne BHP Billiton a délégué Petrofac pour la réalisation de toutes les installations du champ d’Ohanet, dans le cadre du contrat à risque pour le développement du gaz dans cette région. Le montant forfaitaire de cette prestation était de 1 milliard de dollars. Petrofac détenait 10% de l’investissement de ce projet. Le champ de l’Ohanet a été reversé à la Sonatrach, suite à l’expiration du contrat en octobre 2011.

En 2007, l’association Sonatrach/BP/Statoil Sonahess a confié à Petrofac, un contrat de 665 millions de dollars, pour la mise en place d’une compression de gaz à Krechba. Le 6 octobre 2008, Petrofac a été sollicitée pour la réalisation d’études pour le développement de gisements de gaz des champs de Tinrhert et d’Ahnet ainsi que ceux de  Menzel Ledjmet Sud-Est. Le gros lot durant cette période pour cette compagnie  a été réalisé le 3 mars 2009, lorsque le groupement Berkine : Sonatrach/Anadarko, a confié à Petrofac, la réalisation en  EPC des installations de CPF El Merk, pour un montant de 2.3 milliards de dollars.

Le 11 avril 2011, la société In Salah Gas (ISG), une filiale commune entre Sonatrach (35%), BP (33%) et Statoil (32%), a attribué à Petrofac, le contrat de réalisation en EPC du projet In Salah Gas pour un montant de 1.2 milliard de dollars. Ce projet de développement des quatre (04) champs du Sud d’In Salah Gas, en vue de maintenir le plateau de production de gaz naturel à 9 milliards de m3/an. Le 31 juillet 2013, Sonatrach a signé avec le groupement Petrofac, un contrat de réalisation des installations de séparations et de Boosting d’Alrar dans la région de Stah à In Amenas pour un montant de 52.878.090.785 dinars, équivalent à près 700 millions de dollars. 11 mois plus tard, soit le 11 juin 2014, le groupement Reggane composé de Sonatrach/Repsol/Rwe Dea Ag/Edison a attribué à Petrofac le contrat de réalisation des installations pour le projet Reggane Nord de la consistance en EPC des Installations de Surfaces, réseaux de collecte et de pipeline d’expédition pour un montant de 976 millions de dollars. Une année avant, son lobby qui a atteint le summum de sa puissance avait tenté d’imposer la création d’un Joint-venture entre Sonatrach et Petrofac. Mais la résistance des cadres du groupe pétrolier algérien avait repoussé cette tentative. Elle a profité du malheur de l’Algérie lors de l’attaque du champ gazier de Tiguentourine pour rafler un dédommagement de plusieurs centaines de millions de dollars pour avoir  immobilisé son personnel pour un contrat non encore mis en œuvre.

3- Total importe le gaz de schiste américain pour faire pression sur Sonatrach

Le 8 mars dernier, Olivier PetitJean, un investigateur français de presse, co-fondateur et éditeur du site d’information indépendant « Multinationales.org », avait écrit un article intitulé « Le gaz de schiste américain arrive discrètement en France ». (02) Le journaliste devait constater que les entreprises françaises ont multiplié les importations «en toute discrétion» du gaz naturel liquéfié des Etats-Unis. Il s’agit de leur surplus du gaz de schiste.

Pour lui, c’est un paradoxe, pourquoi ? Parce que la France a interdit depuis 2012  toute activité de la recherche jusqu’à la production de cette ressources dite de roche-mère sur son territoire. Partant des engagements de la France lors de la COP 21, « l’importation massive de gaz de schiste américain en Europe n’est une bonne nouvelle ni pour ceux qui subissent les conséquences de cette industrie de l’autre côté de l’Atlantique, ni pour le climat. Cette affaire rappelons-le avait fait un grand bruit, voire même une polémique  sous la présidence de François Hollande lorsque son ministre des affaires étrangères de l’époque Laurent Fabius avait évoqué la possibilité que la France exploiterait le gaz de schiste Algérien et importerait du gaz de schiste en provenance des États-Unis. Cette source d’énergie très controversée, en raison des impacts environnementaux de la fracturation hydraulique, allait-elle finir par alimenter quand même les chaudières françaises s’interrogeaient les verts et de nombreux partis politiques ? L’arrivée de Macron l’a effectivement adopté pour que des importations massives de gaz de schiste américain avaient  débuté dès l’automne 2018. Il se trouve justement que cette information si elle est resté « top secret en France » le département de l’information sur l’énergie américain ne pouvait pas la cacher.

L’investigateur a suivi ces transactions en détail et n’a pas manqué selon toute vraisemblance de perturber l’opération, comment ? Le méthanier  Provalys, qui était revendu en 2018 par Engie à « Total », devait accoster la deuxième semaine du mois de mars 2019 au port de Montoir, à proximité de Saint-Nazaire, en provenance du terminal d’exportation de gaz de Sabine Pass. Celui-ci, situé à la frontière entre la Louisiane et le Texas et  appartenait à la firme américaine Cheniere. Le Provalys semble avoir changé de cap depuis, dès que les responsables ont su que ce journaliste a poussé sa curiosité trop loin.

Cependant, le navire méthanier  Elengy, filiale d’Engie qui gère le terminal méthanier de Montoir (et deux terminaux similaires à Fos-sur-Mer), lui a confirmé que « le gaz naturel américain est importé en Europe depuis 2017 et directement en France depuis fin 2018 ». Tout en ajoutant que « le nom des importateurs et le détail des cargaisons sont des informations commercialement sensibles qu’ils ne sont pas autorisés à divulguer ».

Même invocation du secret commercial du côté du quatrième et dernier terminal méthanier français, celui construit par EDF à Dunkerque, récemment revendu à l’opérateur belge Fluxys. Cet investigateur a tenté de nouer des contacts avec les entreprises qui auraient pu acheter ce gaz pour le redistribuer directement en France ou les pays Européens comme le fournisseur EDF, Engie et justement Total, laquelle société avait absorbé Direct Energie et Lampiris sous la marque Total Spiring pour se positionner en troisième place sur le marché. Comme il s’agissait d’un mot d’ordre venu d’en haut, le secret était total même pour les petits industriels qui font la production et la transformation plastique.

4- Moralité de tout cela

Si la France par le biais de ces entreprises, tente de faire de la stratégie pour assurer ses approvisionnements tout à fait discrets en gaz sans subir la pression des producteurs algériens et russes, ces producteurs aussi se protègent pour garantir des débouchés pour leur pétrole et gaz dans le cadre des accords passés avec leurs partenaires sans avoir à rendre compte aux uns et autres et loin des injonctions politiques    

R. R.

Renvoi

(02)-http://multinationales.org/Le-gaz-de-schiste-americain-arrive-discretement-en-France

Auteur
Rabah Reghis

 




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