Mardi 16 mars 2021
Akli Yahiatène : « El-Menfi », mais pas que !
Dans la mémoire collective algérienne, Akli Yahiatène restera sans doute comme l’interprète de El-Menfi. Ce vieux chant d’exil réadapté en prison dans les années 1950, avant d’être popularisé et modernisé par Rachid Taha. Sans oublier l’interprétation de Khaled, Taha et Faudel, lors du concert « 1, 2, 3 soleil », organisé à Bercy (Paris), en 1998.
Mais, au risque de décevoir les non-berbérophones, ce titre n’est pas le plus populaire du répertoire de notre chantre, en Kabylie et autres terroirs berbérophones d’Algérie.
Biographie
Akli Yahiatène est né le 17 février 1933 à Aït-Mendes près de Boghni dans la wilaya de Tizi-Ouzou.
Émigré en France dans les années 1950, il travaille comme manœuvre spécialisé dans les usines Citroën, et commence à fréquenter le milieu artistique du Quartier Latin où il rencontre notamment Slimane Azem, Zerrouki Allaoua, et Cheikh El Hasnaoui.
Suspecté, à la suite d’une dénonciation, de collecter des fonds au profit du FLN, il sera emprisonné à plusieurs reprises. Durant ces emprisonnements il composera plusieurs chansons à succès, notamment « Yal Menfi » (le banni), une reprise d’un vieux chant d’exil kabyle parlant des déportés algériens du Pacifique, à la suite notamment de la révolte des Mokrani en 1871. Cette chanson rappelle aussi les souffrances endurées par les émigrés algériens dans l’Hexagone.
Voilà la brève biographie qui circule sur internet.
Mais, Akli Yahiaten ce n’est pas que cela !
Ce n’est pas uniquement ce tube planétaire ou encore «Axxam ». Ses productions se comptent en dizaines. À 84 ans, il s’est produit au Cabaret Sauvage, à Paris, en 2017. Infatigable, il continue de se produire et de créer. Son dernier album Ammi date de 2018 ! Un album qui contient notamment le titre « Tamurt n’Vgayet », avec ses dizaines de milliers d’écoutes en streaming sur YouTube.
Qui peut se prévaloir d’une telle longévité avec tant de succès ? Seul Charles Trenet, le fou chantant, a tenu jusqu’à 87 ans, en donnant son dernier concert au festival les vieilles Charrues de Carhaix-Plouguer, Bretagne, en juillet 1999, 18 mois avant de tirer sa révérence. Concert d’adieu auquel nous avons eu la joie et l’honneur d’assister. Sans oublier Charles Aznavour décédé à 94 ans qui a tenu la scène jusqu’aux derniers mois de sa vie.
Parmi les chansons populaires d’Akli Yahiatène, citons « Ezzine D’i-Michelet », un titre qui lui a valu, selon la rumeur, le courroux des « hommes » de Michelet. Ces derniers n’ayant pas admis que l’on mette en avant la beauté de leur demoiselles. C’est aussi « Jaḥaɣ bezzaf d’ameziane », « ɛami-el Hocine » (interprétée en live à la télé avec le groupe Triana, en 2010. Sarcasme envers Dda El-Hocine Aït Ahmed, pour sa révolte de 1963, ou hommage, à décoder entre les lignes ? à chacun son interprétation) ou encore « Aminiɣ awal fehmit ». Sans oublier le monumental « Tamurt-iw tamurt idurar », que nous vous reproduisons avec sa traduction.
Ce véritable hommage aux combattants morts pour la patrie avait reçu un accueil phénoménal, au milieu des années 1960. À cet égard, on peut dire que dans nos cœurs il avait supplanté le « Ay yemaa ɛzizen ur ţru » de Allaoua Zerrouki quand il fut interdit. Je me souviens que la chaîne 2 le diffusait plusieurs fois par jour, et nous ne nous en lassions jamais !
Rappelons aussi qu’il a partagé la scène du mythique Zenith de Paris avec Lounis Aït Menguellet, devant plus de 6000 spectateurs, en mai 2006. C’est dire le respect, l’admiration et l’attention dont jouit Akli Yahiaten de la part de ses fans et de ses pairs.
À tout juste 88 ans, Akli Yahiaten n’a pas encore dit son dernier mot. Nous souhaitons qu’il ne le dise jamais ! Dans sa tombe, Charles Trenet doit (re)mourir de jalousie !
Long vie Monsieur l’artiste !
K.M.
Tamurt-iw tamurt idurar
Istixbar
Tamurt l’jdud telha
Tesɛa el baraka
T’ ţarad aɣrib s’axxam is
Arraw is d’lkuṛama
Nnif d’lhiba
M’ẓẓi muqwar yeṭef eddin-is
Ay idurar
Ay idurar
Ţ’ɣeniɣ fellawen mazal
Ay idurar
Ay idurar
Tbwid elferḥ i-tuddar
Di t’lamast taɣuct
Atamurt-iw tamurt idurar
I’tcebḥeḍ s ideflawen
Tefkiḍ-d irgazen d’leḥṛaṛ
D’nutni ik miɛuzen
Choeur
Imud assen Allah el hiba
Ţ’qeddimen ur ţuggaden
Rep.
Aqlaɣ nussad akem-n-enẓuṛ
Ad-n-feker wid yemuten
Yarḥem win yemuten d’aḥṛuṛ
Allah yarḥem kull atmaten
Rep.
Yarḥem sadaţ d’lejdud
Am assa ar nelḥeq ɣurssen
Yarḥem sadaţ d’lejdud
Am assa ar nernu ɣurssen
S’kra bbwin yellan d’lmumen
Dina fellas ad- ḥarben
Rep.
Atamurt-iw tamurt idurar
I’tcebḥeḍ s ideflawen
Tefkiḍ-d irgazen d’leḥṛaṛ
D’nutni ik mi-cebḥen
Choeur
Atamurt-iw tamurt idurar
I’tcebḥeḍ s ideflawen
Tefkiḍ-d irgazen d’leḥṛaṛ
D’nutni ik mi-zedɣen
Choeur
Imud assen Allah el hiba
Ţ’qeddimen ur ţuggaden
Rep.
Ass-agi fellaneɣ mechur
D yensex di l’kutub n’ddin
Ferḥen ulla d’ṭuyur
Imi teḥya t’murt lwaldin
Rep.
Adrar n’ǧerǧer adrar n’nnur
Ad yeḥllu willan d’amuḍin
Adrar n’ǧerǧer adrar n’nnur
D’l’marṣa nel mujahiddin
Γef id isseblen l’ɛumur
Ull-iw dima fellassen d’uḥzin
Rep.
Atamurt-iw tamurt idurar
I’tcebḥeḍ s ideflawen
Tefkiḍ-d irgazen d’leḥṛaṛ
D’nutni ik mi-cebḥen
Choeur
Rep.
Imud assen Allah el hiba
Ţ’qeddimen ur ţuggaden
Rep.
Mon pays au belles montagnes
Istixbar
Le pays de nos ancêtres est beau
Il possède la baraka
Elle attire l’exilé chez lui
Ses enfants sont bénis
De fierté et d’aura
Jeunes ou adultes ils tiennent à leurs croyances
Oh monts de Kabylie
Oh monts de Kabylie
Je chante pour vous et chanterai encore
Oh monts de Kabylie
Oh monts de Kabylie
Vous êtes la joie de nos villages
Rythme et refrains
Oh pays, pays des montagnes
Comme tu rayonne de tes neiges
Tu as enfanté des hommes libres
Ce sont eux qui t’affectionnent
Allah leur donné l’aura
Ila avancent sans peur
Nous voilà rentré en pèlerinage
Pour nous remémorer ceux qui sont morts
Que miséricorde soit accordée au défunts libres
Que dieu bénisse tous nos frères
Que soient bénis les hommes et les ancêtres
Demain nous serons avec eux
Que soient bénis les hommes et les ancêtres
Demain nous les rejoindrons
Celui qui est malade
Là-bas ils le défendront
Oh pays, pays des montagnes
Comme tu rayonnes de tes neiges
Tu as enfanté des hommes libres
Ce sont eux qui t’embellissent
Oh pays, pays des montagnes
Comme tu rayonnes de tes neiges
Tu as enfanté des hommes libres
Sur tes hauteurs ils survivent
Allah leur donné l’aura
Ila avancent sans peur
Aujourd’hui il nous célèbre
Il nous inscrira dans les livres saints
Même les oiseaux sont joyeux
Maintenant qu’est libre le pays de nos aïeuls
Mont du Djurdjura mont de l’éclat
Il nous guérira de nos meurtrissures
Mont du Djurdjura mont de l’éclat
C’est le refuge des moudjahidine.