23 avril 2024
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Alger au temps de l’OAS

OAS

Puisque les débats politiques s’emballent au point que même la funeste organisation clandestine qui a ravagé Alger des mois durant se retrouve convoquée sur les devants de la scène politique, voici quelques brefs souvenirs d’enfance.

J’avais à peine 10 ans, en ce printemps 1961. Quelques semaines à peine après la création de l’OAS, des barbelés séparant les quartiers arabes des quartiers européens furent dressés un peu partout à Alger. C’était le moyen, semble-t-il, d’éviter des frictions entre les deux communautés.

Je demeurai alors dans l’hôtel de mon père situé rue René Caillé, rebaptisée depuis en nehdja Hadj Ali, une ruelle transverse entre la rue de Chartres et la rue Bab Azzoun.

Chaque jour, on annonçait les méfaits de cette organisation clandestine décidée à mettre le pays à feu et à sang. Des bombes explosaient en pleine nuit de façon régulière un peu partout dans la capitale.

Le bouche à oreille décrivait une méthode bien rôdée qui consiste à glisser des grenades dans le hall des immeubles afin de provoquer le plus de dégâts possible et installer la psychose au sein de la population arabe.

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Je me souviens du bruit fracassant causé, en pleine nuit, par l’explosion du café Le Tontonville.

Pour éviter que notre hôtel ne soit ciblé, j’étais très souvent sollicité pour faire le gué à l’entrée afin de donner l’alerte en cas d’approche suspecte, d’autant que le commissariat du 3eme arrondissement avait fait installer des barbelés, côté rue de Chartres, englobant ainsi notre petite ruelle dans la partie européenne. Ce qui amplifiait l’angoisse des locataires de notre hôtel ainsi que, et surtout, celle de mon oncle le peureux !

L’inquiétude des habitants de notre rue d’être ainsi rattachés au quartier européen était telle qu’une délégation s’était rendue au commissariat pour demander que les barbelés soient déplacés côté rue Bab Azzoun. Ce qui fut fait le soir même, au grand soulagement des Arabes ! Nous étions désormais rattachés à la rue de Chartres et à la partie basse de la Casbah. Plus besoin de faire le grand détour, de contourner tout le quartier via la rue Bab Azoun, pour faire nos courses au marché !

Pour ces courses j’étais souvent sollicité : – «En tant qu’enfant, tu ne risques rien », me disait-on !

Un jour de promenade du côté de la place des martyrs, j’avais assisté à une scène surréaliste d’une tentative de meurtre qui n’a pas réussi. La victime se faisait cirer les chaussures quand, soudain, un homme surgit d’on ne sait où, pistolet en mains pour tirer quasiment à bout portant sur l’Arabe ! Je ne sais par quel miracle, ce dernier avait, au même instant, penché sa tête échappant ainsi à la balle meurtrière ! S’ensuivit une débandade indescriptible où chacun s’éloigne précipitamment de l’homme au pistolet !

Un autre jour, je me promenais le long du boulevard front de mer quand j’aperçois un groupe de jeunes s’acharner sur un pauvre clochard qui titubait dangereusement ! Les coups pleuvaient sur le pauvre homme le mettant à terre à plusieurs reprises dès qu’il réussit à se relever ! La violence était si insoutenable que je pris mes jambes à mon cou. J’appris plus tard que ces jeunes ne faisaient qu’obéir à une circulaire du FLN qui interdisait aux musulmans de consommer de l’alcool.

Même si L’alcool était dans le collimateur du FLN. Il n’empêche qu’à l’indépendance ce sont d’anciens moudjahidine qui se sont rués sur les bars laissés par les Roumis ! Ils s’étaient permis le luxe de les confisquer aux civils qui les avaient acquis par voie légale auprès de leurs précédents propriétaires… combien de commerces avaient été ainsi occupés de force après le départ des roumis ? Difficile à évaluer ! Sans parler de toutes ces villas cosy dont il suffisait de fracasser les portes pour s’y installer pour de bon ! Ce sont évidemment les plus téméraires qui avaient osé user de tels procédés ! Quant au pauvre ghachi, il s’égosillait à pleins poumons tahia El Djazaïr des journées durant …

Si la politique criminelle de la terre brûlée appliquée par l’OAS n’a pas réussi, celle des commerces confisqués par le FLN des frontières n’a pas échoué !

Ah, si on arrêtait de convoquer l’histoire pour enfin regarder vers l’avenir afin d’éviter écueils et déboires !

Kacem Madani

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