18 avril 2024
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Algérie : la fuite ou le suicide

 

Harraga
Les Algériens réduit à mettre leur destin dans une barque pour rejoindre l’Europe.

Cent trente-deux ans d’occupation coloniale ont produit un « peuple vaillant pieux » affrontant, les mains nues, les forces de l’OTAN. Un peuple algérien fier et digne qui ne quémandait pas sa nourriture au colon qui l’exploitait sans merci. Il mangeait son propre pain à la sueur de son front. Un pain fait maison à partir des produits du terroir. Il buvait du lait de chèvre et se soignait avec des herbes. Il ne connaissait ni diabète, ni tension artérielle, ni maladies cardiaques. 60 ans d’indépendance l’ont réduit en un « peuple nourrisson » qui court derrière le sachet de lait importé.

Que vaut la dignité d’un peuple infantilisé ? Le prix d’un sachet de lait ? D’une baguette de pain ? Les revenus pétroliers et gaziers donnent l’illusion aux algériens d’une mère nourricière éternelle les condamnant ainsi à la dépendance et à l’infantilisme. Le sein maternel nourrit le bébé de la naissance à l’âge de six mois. Le pétrole le prend en charge du berceau jusqu’à la tombe.

Le geste d’allaiter renforce le lien entre la maman et le bébé. La distribution des revenus pétroliers par l’Etat sous forme de subventions, de salaires, de pensions ou de licences d’importation crée un lien de dépendance pathologique. La mère porte l’enfant, le père le protège. Le sein maternel répond aux besoins nutritifs. Le père s’occupe de ses besoins relationnels. C’est le père qui permet à l’enfant de sortir de la fusion avec la mère et une fois adolescent de pouvoir s’opposer à lui pour devenir adulte.

En Algérie, le père a failli. Il ne veut pas le reconnaître. C’est un narcissique. Les dirigeants algériens ont su faire croire au peuple algérien meurtri que la providence se trouve au sommet de l’Etat et non dans le sous-sol saharien. Ils ont « décidé » de bonne ou de mauvaise foi, seul dieu peut juger, d’assurer le bien-être de la population en s’attribuant d’autorité le rôle de distributeur des richesses et des revenus pétroliers et gaziers par la promotion d’un Etat providence Là où il y a la carotte le bâton n’est pas très loin. Un Etat qui dispose d’un double monopole celui de l’argent et celui de la violence légale.

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C’est grâce à la rente pétrolière et gazière que l’Algérie fonctionne et que la population vit. Tous tendent la main aux pétrodollars des hydrocarbures.. C’est le sous-sol saharien qui lui garantit son salaire et non l’Etat et que ce salaire n’est pas la contrepartie de son travail mais de son allégeance. Il a profité du système. Il s’est dit « avoir un salaire est un droit et que travailler c’est rendre service ».

Alors, il joue le jeu « en faisant semblant de travailler et l’Etat en faisant semblant de le payer ». Une grande comédie dans un théâtre à ciel ouvert où les rôles sont distribués d’avance. Le spectacle est terminé, les rideaux sont levés, les masques tombent. On découvre que les diplômes de l’Etat ne débouchent pas sur des emplois productifs, que le travail de la terre a été enterré, que les usines sont transformées en bazars, que le pays n’est pas gouverné, que nous vivons exclusivement de l’argent du pétrole et du gaz Aujourd’hui, qu’il est rattrapé par la réalité, l’algérien veut d’une part être rétribué par l’Etat pour son allégeance au système et d’autre part être rémunéré par la société pour le service qui lui rend. Le problème est que l’Etat n’a plus les moyens d’acheter la paix sociale et la population ne peut s’en passer des revenus pétroliers.

L’Etat et la société, le dos au mur

Un Etat virtuel face à une société réelle. L’algérien est resté bloqué à l’âge infantile. L’homme nouveau promis par les dirigeants algériens des années 60 avec une tête d’enfant dans un corps d’adulte. Ayant été traumatisé par la violence du père, l’algérien de nature attaché viscéralement à la mère, fonctionne plus à l’émotion qu’à la raison.. Il est peu porté à la logique (physique, mathématiques, chimie) et sensible à la bonne parole (religion, radios, télévision). Une parole qui amuse, distrait, endort et invite aux rêves et à l’évasion. Aujourd’hui que le sein se tarit et que le bras se relâche, la mère s’affole, le père absent qui osera le sevrer ? Il sera aussitôt mordu. On ne joue pas avec le feu, on risque de se brûler. Le feu prend de toute part et l’eau se raréfie ? « Qui réunit l’eau et le feu, perd l’un des deux ».

De quelle légitimité peuvent se prévaloir les fortunes privées en dehors de l’argent du pétrole ? Que vaut la probité d’une élite qui a bâti son pouvoir sur la corruption généralisée de la société ? Un pouvoir que l’élite s’acquiert sur un peuple au moyen de sa dégradation morale. C’est bien la décadence des mœurs qui fait le lit des régimes autoritaires en terre d’islam sous les quolibets des « gardiens du temple ».

L’histoire est un éternel recommencement et la géographie une source intarissable de richesses. L’homme n’est pas seulement un ventre à remplir, mais des mains pour travailler, un cerveau pour réfléchir, une langue pour s’exprimer et des yeux pour scruter l’horizon.

Malheureusement, nous nous trouvons devant un système que l’on peut qualifier de pervers narcissique c’est à dire qu’il manque d’empathie à l’égard du peuple, il s’obstine dans sa démarche suicidaire, il ne reconnait pas ses erreurs, il ne se culpabilise jamais, il vit de mensonges, il est centré sur lui-même et devient agressif dès qu’il se sent à découvert. Il veille la nuit et se repose le jour. Il n’aime pas la lumière du jour qui éclaire et préfère les ténèbres de la nuit pour mieux vampiriser.

En vérité, c’est une coquille vide d’où ce besoin impérieux de se remplir pour faire illusion. Aujourd’hui que le mur se lézarde, il apparait dans tout son horreur et dans toute sa nullité. Il ne changera pas ; il est destructeur dans l’âme. Le système n’offre comme seule alternative que deux solutions : la fuite ou le suicide. La fuite permet de prendre ses distances vis-à-vis de l’Etat et de son potentiel destructeur et corrupteur. Le suicide est de chercher ailleurs le paradis virtuel en tentant de traverser la méditerranée dans des embarcations de fortune ou le paradis céleste en s’engageant dans des mouvements révolutionnaires.

En vérité, le but n’est pas de rejoindre le paradis mais de quitter le pays qui est vécu comme un enfer.

Un pays qui ressemble à « une prison à ciel ouvert entre les mains de personnes sans foi ni loi assoiffés de pouvoir, de sang et d’argent ». La mort est préférable à la vie pour de nombreux jeunes désespérés qui font le lit de la pérennité du pouvoir profondément aliéné et aliénant. C’est dire que l’appétit de domination de l’Etat est grand et la complicité des puissances étrangères indestructible notamment l’ex puissance coloniale. Pour se protéger contre toute atteinte fatale, le système utilise les hommes comme des préservatifs ; une fois servis, il les jette dans la poubelle de l’histoire.

Un système qui ne considère pas les algériens comme des êtres humains mais comme des objets que l’on peut posséder avec quelques billets de banque imprimés en quantité plus que nécessaire sans monnaie d’appoint pour leur désapprendre à compter. Un système qui achète les consciences et vend des chimères. Des êtres que rien ne semble les distinguer des détritus qui jonchent le sol.

On se trouve devant une société éclatée, coupée en deux, le réel vécu frustrant et le virtuel délirant entraînant, produisant des pathologies psychiatriques difficiles à stabiliser quel que soit la thérapie proposée.

Le système politique algérien est incapable de jouer le rôle antique de maître vis-à-vis de ses esclaves, il est incapable d’exploiter leur force de travail, de les nourrir, de les protéger ou de s’en défaire sans s’autodétruire avec des dommages collatéraux incommensurables. Il est pris dans son propre piège. En dehors des ressources pétrolières et gazières, il ne peut survivre.

Pour se maintenir, le régime algérien n’a que deux choix ; soit faire appel à une puissance étrangère pour protéger ses propres intérêts, soit démocratiser le pays et prendre des risques de se voir déposséder.

Renoncer au pouvoir, c’est perdre la propriété acquise, la seule solution c’est de s’accrocher au système lequel tient sa force de l’armée et de la rente pétrolière, il s’agit d’une question de sécurité à la fois physique et psychique. Rester au pouvoir est la seule garantie contre d’éventuelles poursuites judiciaires engagées par un gouvernement légitime qui sera dans l’obligation de veiller à la défense des intérêts de la majorité car il sera tenu de répondre en cas d’échec et aucun sursis ne lui sera accordé.

Un peuple qui a goûté à la sécurité et à la vie facile accepte mal de se retrouver du jour au lendemain sans nourriture, sans médicaments, sans protection, sans revenu, sans espoir de changement.

Les débats d’idées sont l’oxygène des démocraties occidentales, les dictatures arabes refusent tout dialogue. Elles préfèrent le langage des armes que la force des mots, la répression aveugle que le dialogue fécond, l’emploi de la ruse que la manifestation de l’intelligence. C’est la raison pour laquelle, le contrôle de l’Etat, de l’économie et des citoyens est un impératif majeur pour la pérennité du régime et la protection de son personnel et de leurs biens contre toute poursuite légale.

Avec une justice qui a besoin de se refaire une virginité, une législation d’un toilettage à grande eau et un exécutif déterminé pourvu d’une compétence à toute épreuve et d’une intégrité morale sans faille.

Si par le passé, l’armée pouvait renverser les régimes politiques avec l’appui de l’étranger et le soutien local, aujourd’hui, les coups d’Etat comme mode d’évolution du pouvoir sont rejetés aussi bien par les populations que par la communauté internationale.

Dr A. Boumezrag

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