Lundi 29 avril 2019
Algérie : La gamelle ou le combat ?
«Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même, Et quant à celui qui scrute le fond de l’abysse, l’abysse le scrute à son tour», Nietzsche
Tout ce qui se passe en Algérie ne peut laisser le monde indifférent. Le sort de l’Afrique du Nord et du monde arabe, le destin de l’Afrique, l’équilibre du monde restent encore lié à l’évolution d’un pays comme l’Algérie. Sa position géopolitique en fait un enjeu stratégique. Un pays conquis, libéré et géré par les armes. C’est « la sacralisation des armes ».
L’Etat postcolonial est né d’une contradiction externe et non interne d’où son autoritarisme foncier. L’Armée est devenue la principale garante de cet Etat post colonial qu’elle administre soit directement, soit par procuration. L’Etat prend corps à partir de l’armée. Qui tient l’armée tient l’Etat ; et qui tient l’Etat tient la rente donc la bourse, par conséquent le peuple. La propriété étatique est un moyen commode pour les militaires d’intervenir dans le champ économique sans apparaître au grand jour.
La nationalisation des hydrocarbures est une décision de l’armée. La désignation et la destitution des présidents relèvent de la compétence de l’armée. Elle est au centre du pouvoir. Les gisements pétroliers et gaziers sont la propriété de l’Etat et non de la nation. La rente qu’ils dégagent permet à l’Etat de jouer un rôle déterminant dans la composition, la constitution et la reproduction de la fraction dirigeante. L’Etat est une administration aux ramifications tentaculaires dotée d’un budget de fonctionnement et d’investissement géré comme une caisse du pouvoir pour rétribuer ou gratifier sa clientèle. Elle sera alimentée par les recettes financières provenant de la vente des hydrocarbures.
L’Etat devient le centre où la revendication sociale trouve une réponse. Il est le lieu où se distribuent les emplois, les logements, les soins… Plus l’Etat est contre la société, moins il y a production, moins il y a adhésion et plus il y a frustration et humiliation. Or l’humiliation est peu productive économiquement mais remplit un rôle politique majeur pour le maintien au pouvoir de l’équipe dirigeante dans la mesure où elle démontre l’arbitraire qu’elle contient.
Le phénomène contestataire contemporain est le produit de toutes les tensions, les traumatismes et des frustrations accumulées durant ces dernières décennies. Les mouvements de protestation traduisent le désarroi d’une population privée d’idéal et de perspectives d’avenir dans un contexte de crise sociale et de contradictions économiques. Pour se maintenir, le régime politique de la société postcoloniale n’a que deux moyens : généraliser la corruption et semer la terreur contre ses propres citoyens.
Autoritaire et despotique, un tel pouvoir appelle fatalement la violence, d’où l’instabilité politique chronique qui règne dans la société postcoloniale. Ce fonctionnement chaotique et prédateur, rend sa capacité économique extérieure nulle. Alors, il tombe inévitablement dans l’orbite de la dette, qui entraîne les diktats des institutions financières internationales sous la forme de programmes d’ajustement structurels, voire culturels.
Faible de l’intérieur, malgré son autoritarisme et sa violence, le régime politique postcolonial, l’est aussi à l’extérieur. Car sa fragilité économique en fait le jouet et la marionnette des grandes puissances. Il apparaît alors comme un Etat-client, manipulé à volonté par des Etats-patron et incapable de jouer le moindre rôle sur la scène internationale.
En imposant donc au cours de la colonisation des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société africaine, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique. C’est pourquoi pour nous, ces institutions ressemblent à des outils rouillés, abandonnés sur le chantier d’une exploitation minière à ciel ouvert, et qui s’avèrent inadaptées pour mettre en œuvre le développement du pays et instaurer une démocratie.
C’est pourquoi, nous proposerons bientôt une reconstruction totale du système politique de la société algérienne contemporaine en rapport avec son propre héritage historique et culturel, pour qu’il soit capable de mettre en œuvre la naissance d’une nation postcoloniale moderne et indépendante.
De notre point de vue, c’est bien la crise de la personnalité algérienne, qui nous aide à comprendre la nature même de la crise du pouvoir en Algérie de son caractère arbitraire, irrationnel, violent, prédateur, qui exprime une logique obsédante et terrifiante, échappant ainsi au contrôle de la volonté humaine et à celui de l’intelligence logique, car elle vient des profondeurs de l’inconscient de l’être collectif, lui-même étant le produit des traumatismes majeurs, hérités de la guerre de libération nationale et de la guerre civile des années 1990 qui va donner naissance à une nation algérienne pacifique, plurielle, solidaire et moderne..