La déclaration qui a sanctionné la première session de la commission mixte parlementaire Algérie- Union européenne qui s’est tenue, à Alger, le 19 septembre 2022, est l’illustration parfaite d’une entente cordiale entre deux parties dont les relations ont été polluées par quelques couacs et de légères perturbations dans un passé récent.
La connivence était de rigueur entre les parlementaires algériens et européens. Tout se passe comme si les antagonismes, les petites mésententes, et les conflits larvés entre Alger et certains membres de l’Union, notamment l’Espagne, ne sont que nuages d’été. On a évité les sujets qui fâchent pour ne parler que des thèmes qui symbolisent la coopération et la préservation des intérêts mutuels. Une démarche traduite déjà par le choix des mots et la tonalité du discours qui fleure bon l’optimisme et une détermination clairement affichée pour aller de l’avant, éviter toute brouille et imprimée à la déclaration conjointe cosignée du côté algérien par Ahmed Temamri, président de la commission parlementaire mixte Algérie-UE, et Andria Cozzolino, du côté européen.
Ce document, lourd de termes convenus et d’un jargon diplomatique des plus lisses, souligne l’engagement des deux parties « à contribuer à l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et l’Algérie afin de réaliser les objectifs annoncés dans le cadre de l’accord d’association Algérie-Union européenne, et de mettre en œuvre les priorités communes de partenariat articulés autour du dialogue politique, de la gouvernance, Etat de droit et la promotion des droits fondamentaux, la coopération et le développement socio-économique inclusif, les échanges commerciaux et l’accès au marché unique européen, en sus du partenariat énergétique, l’environnement et le développement durable, le dialogue stratégique et sécuritaire, et la dimension humaine, migration et mobilité. » Qui dit mieux comme promesses ?
Le texte fait état de la nécessité de renforcer les relations entre l’UE et l’Algérie dans plusieurs domaines de coopération dont la transition énergétique, la diversification économique et la mise à niveau des entreprises.- Les deux parties se sont félicités de l’adoption prochaine des priorités communes du partenariat Algérie- UE pour la période 2021-2027 ; ils ont salué l’adoption de la loi sur l’investissement 2022 qui offre des garanties et des opportunités tangibles pour les investissements directs étrangers en Algérie notamment européens; ils ont réaffirmé l’importance des relations économiques et commerciales entre l’Algérie et le marché unique européen dans l’intérêt mutuel des deux parties, sans traitement différencié des deux côtés ; – Ils ont souligné l’importance du renforcement des échanges technologiques, notamment dans le domaine de l’énergie renouvelable (le solaire, l’éolien et l’hydrogène vert).
La CPM Algérie-UE « se félicite de la contribution effective de l’Algérie au rétablissement de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région, notamment au Sahel, ainsi que son action au sein de l’Union africaine (UA) », saluant, par la même, la tenue de la première réunion formelle qui témoigne de « la qualité des relations » entre le parlement algérien et le parlement européen ainsi que leur « volonté de renforcer le dialogue bilatéral ».
La Commission a relevé, par ailleurs, l’urgence de « trouver des solutions aux défis communs auxquels l’UE et l’Algérie sont confrontés, tels que les défis sécuritaires dans l’espace euro-méditerranéen ainsi que la lutte contre l’extrémisme violent, le terrorisme et la criminalité internationale organisée, à travers notamment le renforcement de la coopération pour le règlement des conflits et des crises dans la région, en vue de soutenir la stabilité régionale », lit-on encore dans la déclaration conjointe. Par ailleurs, la CPM a noté avec satisfaction « l’engagement de l’Algérie de longue date en faveur d’une coopération interafricaine renforcée et d’une intégrité économique en Afrique », ce qui « favorise la promotion d’opportunités de coopération triangulaire entre l’Algérie, l’UE et leurs partenaires africains ».Elle a appelé, dans ce sens, à « la mise en œuvre de projets triangulaires de coopération économique et technique susceptibles de resserrer les liens entre les pays africains et européens ».
La Commission a souligné son attachement à « la consolidation du dialogue, à l’approfondissement des relations et à l’établissement d’un partenariat privilégié fondé sur la confiance, le respect mutuel, la solidarité et le partage des intérêts » dans le but de réaliser « un espace commun de stabilité, de démocratie et de prospérité partagée ».Concernant la migration, la CPM a précisé que cette question est un « autre défi commun » entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée, qui appelle à « une réponse commune et solidaire en s’attaquant à ses causes profondes », qui sont, entre autres, « les conflits armés, la pauvreté, les inégalités, l’insécurité et le changement climatique ».
La gestion de l’immigration illégale doit suivre « une approche globale, équilibrée, intégrée et solidaire ». Elle doit également s’effectuer dans un esprit de coresponsabilité, de co-appropriation et de partenariat et en respect des souverainetés nationales et des valeurs sociétales », a affirmé la Commission.
« La dimension humaine doit être au centre du dispositif légal et opérationnel » de même que « les retours volontaires doivent toujours être privilégiés et s’accompagner d’aides à la réintégration », souligne la CPM. La CPM a réaffirmé « sa détermination commune de promouvoir le respect des droits de l’Homme et des libertés individuelles en Europe et en Algérie », guidée en cela par les principes de la Constitution algérienne et les traités européens.
La Commission parlementaire mixte Algérie-UE a mis en exergue, par ailleurs, la nécessité de renforcer la coopération bilatérale en matière d’ »appui aux efforts déployés par l’Algérie pour la mise à niveau de ses entreprises et la diversification de son économie ». Aussi, s’est-elle félicitée de l’adoption de la loi sur l’investissement 2022 qui offre des « garanties et des opportunités tangibles pour les investissements directs étrangers notamment européens ». Elle a formulé le souhait de voir les clauses de cette loi contribuer à « l’accroissement des investissements directs étrangers en Algérie», et la réunion « climat des affaires favorisant la confiance des investisseurs».
La CPM a mis en avant l’importance de la coopération en matière d’adaptation aux changements climatiques et des programmes de soutien de la jeunesse. Les deux parties ont convenu d’œuvrer pour intensifier la coopération en matière de formation supérieure et de bourses dans le cadre des programmes (Erasmus + Horizon Europe), conférant, ainsi, « une impulsion nouvelle» à la coopération scientifique et technique entre l’Algérie et l’UE.
Selon la déclaration, la Commission parlementaire mixte prévoit de tenir, courant 2023, sa prochaine réunion à Bruxelles. A s’en tenir donc au texte qui sanctionne la réunion des parlementaires algériens et européens, on est tenté de dire « tout va bien Mme la Marquise ! » A part, comme le dit la célèbre chanson, ce qui ne va pas, bien sûr.
La situation des droits de l’homme en Algérie sans cesse déplorée par des organisations de défense des droits humains, la surveillance des frontières maritimes pour arrêter les flux de migrants clandestins vers l’Europe, pour ne citer que ces deux problématiques, sont autant de sujets que les parlementaires européens ont préféré zapper. Une posture qui est, sans doute, dictée par les impératifs de la realpolitik qui, elle, impose une certaine prudence pour sauvegarder des enjeux économiques et énergétiques sur fond d’une géopolitique très agitée.
S.N. I