Il est apparu sur scène comme un souffle venu du passé, discret et puissant à la fois, tel un retour attendu au pays des souvenirs. Marseille, sous le ciel capricieux, s’est tue pour accueillir la voix d’un homme porteur d’une histoire à la fois intime et collective. Ali Ait Ferhat, que tous appellent Ideflawen — l’étoile — semblait charger l’air de la mémoire des montagnes kabyles, de la douleur et de l’espoir mêlés.
Il a entamé Gget-iyi abrid — ouvre-moi la route — et aussitôt un silence sacré a enveloppé la salle. Chaque note semblait réveiller des fantômes bienveillants, chaque mot déployait une lumière ancienne dans l’obscurité. Ce chant n’était pas une simple mélodie, mais le fil ténu qui reliait l’exil aux racines, le passé au présent.
Au cœur du festival Tamazgha, cette chanson s’est élevée en hymne : un appel lancé aux chemins invisibles, aux combats jamais achevés, à l’âme indomptable d’un peuple qui marche toujours, envers et contre tout.
Puis, dans la pénombre, est venue Berwagiya, nom gravé dans la pierre de l’histoire, prison des hommes libres et des âmes rebelles. La voix d’Ali, loin du tumulte, s’est faite murmure, souffle d’une résistance fragile mais éternelle, faisant vibrer le silence d’un cri retenu.
Et soudain, comme une onde éclatant sous la glace, le public s’est levé dans un élan de fierté et de reconnaissance. Les lèvres se sont mises à reprendre les refrains par cœur, emportant avec elles les douleurs, les joies et l’espérance. Ce chant n’était plus celui d’un homme seul, mais d’une foule unie, d’une mémoire vivante qui refuse l’oubli.
Deux chansons, deux routes, deux battements d’un même cœur. Ce soir-là, à Tamazgha, la scène s’est muée en sanctuaire — un lieu où le temps suspend son vol, où les voix anciennes retrouvent leur éclat, où l’étoile Ideflawen continue d’illuminer les chemins du retour.
Djamal Guettala