11 avril 2025
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Ali Mécili : le combat d’un homme pour une Algérie libre et démocratique

Le 7 avril 1987 Ali Mécili, l’un des membres fondateurs du FFS est assassiné à Paris, à l’entrée de son immeuble. Retour sur la vie d’un opposant de première heure.

Né en 1940, à Koléa, de parents Kabyles, Ali Mécili (*) s’engage très tôt dans la guerre de libération algérienne, il fut l’un des responsables des services de renseignement de l’ALN. Après l’indépendance, à tout juste 22 ans, il participe à la création du Front des forces socialistes et à son action en faveur du pluralisme politique en Algérie. Emprisonné, puis émigré en France, il y devint avocat et reprit une activité politique aux côtés de Hocine Aït Ahmed. 

Son assassinat constitue le point de départ de l’affaire Mécili, où l’enlisement prolongé de l’enquête a été dénoncé par ses proches et certains journalistes comme l’effet d’une collusion des raisons d’État algérienne et française. L’affaire a connu un rebondissement avec l’arrestation le 14 août 2008 de Mohamed Ziane Hasseni, responsable du protocole au ministère algérien des Affaires étrangères et soupçonné d’avoir été l’organisateur du meurtre. Le diplomate a obtenu un non-lieu le 31 août 2010. L’instruction dans son ensemble s’est conclue par un non-lieu prononcé le 17 novembre 2014 et confirmé en appel le 10 septembre 2015. 

À ce jour, son assassinat reste un mystère.

À peine sorti de l’adolescence, il s’engage dans la lutte de libération. Encore lycéen, il rejoint la cellule FLN de Boufarik. La petite ferme acquise par ses parents à Chaïba est un refuge pour les maquisards et le jeune Mécili est rapidement impliqué dans des tâches de liaison et de pourvoyeur de caches.

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À la fin de l’année 1960, il est appelé sous les drapeaux. Il fuit le territoire pour rejoindre, via Marseille et l’Italie, les troupes algériennes basées en Tunisie.

À Tunis, c’est le Ministère de l’Armement et des Liaisons générales (MALG), le service de renseignement de l’Armée de libération nationale, qui détient la haute main sur le filtrage et l’aiguillage des nouvelles recrues. Mécili y est incorporé d’office et rapidement transféré vers la Base Didouche, dans les environs de Tripoli. Quelques semaines plus tard, il est porté avec le grade de Lieutenant à la tête de l’une des deux sections de la base, chargée des activités d’espionnage à l’étranger.

En dépit de cette rapide prise de responsabilités, le bilan qu’André Mécili tire de son expérience est sombre : « […] j’ai connu les poux et les punaises, la saleté, l’hypocrisie, la bassesse humaine, les exécutions sommaires de ceux qui n’ont rien fait de mal et qui ne pourront plus rien faire. J’ai connu la honte, la peur, l’épuisement, le défaitisme, en d’autres termes, j’ai connu l’homme, à nu […] ».

À l’été 1962, l’indépendance acquise, les effectifs du MALG sont envoyés sur Alger pour y soutenir l’alliance formée par le Bureau politique et le groupe de Tlemcen contre celui de Tizi Ouzou, mais Il prend rapidement contact avec les officiers de sa région, la wilaya IV, qu’il avertit des risques de transformation du MALG en police politique.

À l’automne 1962, il prend contact avec Hocine Aït Ahmed qui, de la tribune de l’Assemblée constituante, cherche à préserver les possibilités d’un débat politique pacifique et ouvert.

En septembre 1963, Aït Ahmed, le colonel Mohand Oulhadj, Yaha Abdelhafidh, le commandant Lakhdar Bouregaa et un certain nombre d’anciens officiers de l’ALN et cadres du FLN créent le FFS.

Le 17 octobre 1964, un an après le début de l’insurrection du FFS, Aït Ahmed était réfugié à Aït Zellal chez Mokrane Sadi, un ancien sous-officier de l’ALN. Il y avait aussi avec eux, Rachid Aït Ahmed, Boudjemaa Sadi. Sur instruction de Hocine Aït Ahmed, Ould Maamar Mohand Arab, appelé « Grand Père », ramène Ali Mécili au village.

Quelques heures après, des unités de l’ALN encerclent le village. « Grand Père réussit à passer entre les mailles du filet de l’ALN. Les autres sont pris au sein même de la maison de Mokrane Sadi. Ils sont tous arrêtés. Avant de les embarquer à Tizi-Ouzou, Mokrane Sadi et Boudjemaa Sadi seront torturés sur place. Mokrane gardera à vie les séquelles de ces tortures.

Ali Mécili sera transféré à la prison militaire d’Oran. Yaha Abdelhafidh mène les négociations à Paris au nom du FFS avec les hommes de Ben Bella. Un accord a été trouvé : libération des quelque 3000 détenus du FFS, ouverture de l’espace politique aux partis… Un communiqué est rendu public mi-juin actant la fin de la rébellion du FFS. Puis survient le coup d’Etat du 19 juin qui remet en cause les termes de l’accord. Néanmoins, le dialogue n’est pas rompu avec le FFS et donc Yaha Abdelhafidh seul dirigeant en liberté en Algérie. Quelques semaines plus tard, les putschistes consentent les premières libérations. Ali Mecili est libéré la fin de l’année. En décembre 1965, il prend l’avion vers l’exil avec Yaha Abdelhafidh et Mohamed Haroui.

En 1969, à vingt-neuf ans, il entreprend des études de droit et de sciences politiques à Aix-en-Provence. Il les y poursuivra jusqu’à leur terme.

En 1973, ses examens obtenus et son stage d’avocat effectué, Maître Mécili s’installe à Paris. Son cabinet devient un lieu d’accueil non seulement pour les travailleurs immigrés d’Algérie, mais aussi pour les exilés de toute appartenance nationale ou politique.

À partir de 1975, Ali Mécili reprend une activité politique et s’attache à mobiliser les opposants algériens autour des problèmes de droits de l’homme. Ne s’en dissocie pas, pour lui, celui des droits culturels et en particulier du droit à l’existence de la langue et de la culture berbères. 

En 1978, il fonde à Paris, avec le soutien financier du FFS, une coopérative, Tiwizi, qui se donne pour objet l’édition et la diffusion de publications en langue berbère.

La formation politique est une autre des priorités de Mécili : en 1978 et 1979, il organise et anime plusieurs stages pour de jeunes militants venus principalement de Kabylie. Le séminaire qu’il encadre en mars 1979 aboutit à la publication d’un « avant-projet de plate-forme politique », document de synthèse qui défend, face aux « fictions socialistes » entretenues par le « colonialisme intérieur », la « voie libératrice » d’un socialisme fondé sur « l’autonomie personnelle, locale et régionale ». Beaucoup de participants de ces sessions se retrouveront en 1980 parmi les animateurs du printemps berbère.

André Mécili utilise les contacts tissés au fil des ans pour travailler au rapprochement des différents courants de l’opposition algérienne. Il est le principal artisan de l’accord de Londres, conclu le 19 décembre 1985 entre le Mouvement pour la Démocratie en Algérie (MDA) d’Ahmed Ben Bella et le FFS d’Hocine Aït Ahmed. C’est encore lui qui, en août 1986, lance le journal Libre Algérie, auquel collaboreront des militants des deux partis. En octobre, l’avocat combat avec succès, en alertant l’opinion publique, la tentative d’expulsion de treize militants Benbellistes. Il tente également d’obtenir, au nom de la liberté de la presse, le report des mesures d’interdiction prises en décembre 1986 et mars 1987 contre les revues successives du MDA. C’est au cours d’une réunion du MDA, le 22 mars 1987 à Paris, qu’il intervient en public pour la dernière fois.

La question du terrorisme est encore un domaine où Mécili s’oppose au pouvoir algérien. Lui-même a mis, depuis fin 1985, ses relations et ses talents de médiateur au service de la libération des otages français du Liban. Et il n’a de cesse de dénoncer l’ambiguïté du rôle de l’Algérie vis-à-vis des mouvements terroristes, allant jusqu’à déclarer sur FR3, le 26 mars 1987 : « Quand on est terroriste à l’égard de son peuple, il n’y a qu’un pas à franchir pour l’être aussi sur le plan international […] »

Quelques années auparavant, se sachant personnellement menacé, il a écrit dans un texte qui sera trouvé après sa mort : 

« Lorsqu’on ouvrira cette lettre, se sera accomplie une destinée qui, depuis ma plus tendre enfance, n’aura jamais cessé de hanter mon esprit. […] Je meurs sous des balles algériennes pour avoir aimé l’Algérie. […] Je meurs seul, dans un pays d’indifférence et de racisme. […] Je meurs pour avoir vu mourir l’Algérie au lendemain même de sa naissance et pour avoir vu bâillonner l’un des peuples de la Terre qui a payé le plus lourd tribut pour affirmer son droit à l’existence. »

Le 7 avril 1987, Ali André Mécili est assassiné à l’entrée de son immeuble parisien. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (75e division). Il reste une référence pour tous les opposants au régime dictatorial installé en Algérie depuis 1962.

Kacem Madani

(*) D’importantes parties de ce récit sont tirées de Wikipedia

Pour en savoir plus :

(*) https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ali_Andr%C3%A9_M%C3%A9cili

Un rassemblement en hommage à Ali Mécili est prévu ce dimanche 6 avril, à 14h, au niveau de l’entrée principale du cimetière Père Lachaise.

Adresse : Boulevard de Ménilmontant, 75020 Paris

– Transports : Station métro Philippe Auguste (ligne 2), Station métro Gambetta (ligne 3, 3bis), Bus numéros 26, 60, 61, 69, 102.

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