22 novembre 2024
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Appel des 100 : lettre ouverte à nos compatriotes algériens

TRIBUNE

Appel des 100 : lettre ouverte à nos compatriotes algériens

Nous citoyens de Kabylie, conscients du rôle politique de la Kabylie en Algérie, avons considéré qu’en cette période cruciale que vit notre pays, il est d’une grande importance que nous exprimions notre vision d’avenir pour partager avec l’ensemble de nos concitoyens nos inquiétudes et les réponses que nous jugeons nécessaires et pertinentes pour engager une nouvelle dynamique de construction nationale à travers un processus politique fédérateur.

A contre-sens de ce que veut engager le pouvoir par le référendum prochain, c’est par une Transition Démocratique que nous intégrerons ce large mouvement de libération des peuples par le passage de systèmes autoritaires ou dictatoriaux vers des régimes démocratiques.

Dans cette crise algérienne profonde d’ordre moral, politique et économique sur laquelle se surajoute une crise sanitaire mondiale sans précédent, l’incompétence, l’illégitimité, les mensonges d’Etat, les règlements de comptes entre clans, ont atteint un niveau tel qu’il n’y a que la répression sans retenue, aidée d’une justice arbitraire et aux ordres, qui permet de pérenniser un régime qui n’a que trop duré depuis le coup de force imposé au lendemain de l’indépendance.

Le Hirak, mouvement qui vient des profondeurs de la société algérienne, de nature pacifique et de caractère horizontal touchant l’ensemble du peuple algérien, s’est révélé porteur d’un véritable sursaut national pour le recouvrement de la souveraineté du peuple, le droit à l’expression citoyenne, l’instauration d’un Etat de droit et l’adoption de la démocratie comme un système de gouvernance.

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Tout cela a été résumé par l’adoption d’un mot d’ordre et un cri de ralliement qui revient comme un leitmotiv dans les différentes manifestations : «Algérie libre et démocratique ».

Ceci n’est pas un simple slogan de mobilisation populiste mais il résume à lui seul l’objectif fondamental du Hirak. Toutes les autres idées concernant la place de l’armée dans l’édifice institutionnel de l’Etat, la lutte contre la corruption, la séparation des pouvoirs, la fin de l’arbitraire, etc., n’en sont que des déclinaisons explicatives.

L’appel à une Algérie libre et démocratique moult fois répété par des millions de voix d’Algériens sur tous les territoires du pays, dans toutes les langues, vaut donc référendum populaire et montre que l’immense majorité des Algériens a définitivement tranché sur la nature politique de l’Etat algérien qu’ils veulent se donner.

La Kabylie qui s’est toujours opposée à ce système antidémocratique répressif avec tous les traitements violents subis notamment contre ses enfants -en 2001-, contre son identité, sa culture, son économie a démontré sa forte implication dans ce mouvement pour rétablir la trajectoire du destin algérien dans ce qui a été énoncé par l’appel de Novembre et explicité par les résolutions du Congrès de la Soummam auxquelles on doit notamment l’un des principes fondamentaux- «Primauté du politique sur le militaire » toujours d’actualité.

Se démarquant de la vision scélérate et ségrégationniste du pouvoir et de ses relais habituels pour isoler et diaboliser la Kabylie, les activistes du Hirak, a contrario, ne voient pas la Kabylie comme l’ennemi de l’intérieur, mais plutôt, de part son expérience de lutte pour les libertés, comme une boussole politique au bénéfice de tous les Algériens.

C’est cette évolution substantielle des mentalités qui ouvre des perspectives prometteuses pour le vivre ensemble dans l’acceptation de la diversité algérienne, qui nous commande de maintenir le cadre unitaire pour venir à bout du système autoritaire et ouvrir une nouvelle page où pourraient s’écrire toutes les espérances algériennes surtout pour notre jeunesse.

Tout en manifestant notre attachement à l’Algérie, nous, Kabyles, investis massivement dans le mouvement populaire de février, ne renierons pour autant rien au droit à la reconnaissance de notre entité. Nous voulons préserver ce que nous sommes, notre organisation sociale, notre culture et notre langue et entendons traduire cette volonté politiquement par une autogestion de ce qui nous est propre, ce qui pour nous relève de l’existentiel.

Cette démarche de reconnaissance politique de la pluralité de la société algérienne bénéficiera à la préservation des autres spécificités territoriales qui existent en Algérie, et qui sont le fruit de notre histoire multimillénaire, sans préjudice de ce qui relève du patrimoine commun.

L’Algérie réelle étant multiculturelle, il y a nécessité de repenser la nation et de refonder l’Etat qui doit incarner cette pluralité. Si la forme juridique et institutionnelle que doit prendre cette pluralité est à discuter avec l’ensemble des Algériens (statut particulier, autonomie, fédération), son principe est incontournable car il y va de sauvegarde de la cohésion nationale.

Il n’y a pas de démocratie apaisée et de stabilité d’un pays dans lequel une communauté majoritaire sur son territoire et minoritaire au niveau national si le système institutionnel continue de s’appuyer sur une politique territoriale centralisée de type jacobin. L’unique voie pour renforcer les liens entre Algériens et arriver à une véritable unité nationale harmonieuse devrait être recherchée plutôt dans la construction d’un Pacte citoyen qui puisse consacrer l’égale dignité et le respect en droit pour les différentes expressions culturelles, linguistiques et identitaires en Algérie.

L’unité nationale est, en revanche, mise à mal par la politique hégémonique menée par le pouvoir. Même s’il a concédé quelques acquis constitutionnels sur l’identité et la langue amazighe, du reste historiquement fondées, dans les faits c’est tout le contraire qu’on a constaté et subi par la répression et la criminalisation du port du drapeau amazigh. Atteinte qui a valu, récemment, une condamnation pour atteinte aux droits culturels de l’Algérie officielle par l’ONU. L’unité nationale a été dangereusement mise à mal par l’impunité dont bénéficient les auteurs d’un discours ouvertement raciste, demeuré impuni, et qui a atteint son paroxysme par la tolérance d’un regroupement appelé » opération zéro kabyle » à l’objectif clairement génocidaire. Assurément, l’Histoire contemporaine de notre pays l’inscrira au nombre des errances et des épisodes noires de l’antikabylisme du pouvoir et de ses relais.

Depuis l’arrêt des grandes manifestations de rue pour des raisons sanitaires, une inquiétude monte dans les milieux qui aspirent au changement et beaucoup s’interrogent sur le devenir du Hirak, alors que le pouvoir veut tirer profit de cette pause pour, espère-t-il, pouvoir détruire l’esprit contestataire tout en utilisant de façon éhontée sa symbolique pour prétendre à une Algérie nouvelle. Contre l’esprit de défaitisme, rappelons que ce mouvement n’était pas un mirage ; il est bien réel et profond. Les femmes, les hommes, les jeunes, les seniors qui l’ont porté n’ont pas disparu ainsi que leurs aspirations. Même s’il n’est pas aussi massif en raison de l’épidémie et de la répression féroce, sa manifestation publique continue à se perpétuer dans certaines localités et dans la diaspora.

Face à l’état actuel des événements, nous pouvons nous fixer des objectifs à court, moyen et long terme. L’objectif immédiat est d’organiser la solidarité avec les détenus politiques victimes d’une répression de plus en plus acharnée contre toute forme d’expression en violation de toutes les lois en vigueur. Le référendum prévu ce 1er novembre doit être l’occasion pour exprimer notre réprobation, d’une part en raison de la date choisie, date symbolique fondatrice forte de l’histoire algérienne laquelle ne doit jamais être associé à un quelconque événement, fut-il vertueux, et d’autre part pour exprimer notre rejet, sans équivoque, de la démarche politique actuelle.

La constitution étant le fondement du contrat social entre les membres d’une nation, le mouvement populaire de février aurait été, par essence même, la matrice d’une telle élaboration constituante. Cette constitution décidée en dehors du peuple- qui la considère d’orée et déjà comme un non-événement est destinée encore une fois à servir d’assise juridique à un régime autoritaire militarisé avec une façade civile. Malgré quelques ajouts sur l’identité et la langue amazighes que les islamo-conservateurs ont vite assimilé à un « cadeau offert aux Kabyles », cette nouvelle constitution sera, comme toutes les précédentes, violée par ceux là-même qui la feront adopter.

Le boycott est la seule réponse politique pour disqualifier cette démarche engagée contre la volonté populaire et c’est à notre sens une voie d’expression que doit saisir le Hirak pour perpétuer sa présence et sa demande du respect de la souveraineté du peuple. Nous espérons que beaucoup de régions rejoindront la Kabylie qui rééditera encore une fois le rejet franc et global de cette nouvelle forfaiture électorale.

Les objectifs à moyen et long terme doivent être axés sur la résistance et l’organisation. Avant tout, il ne faut pas abdiquer quelles que soient les difficultés. Résistons et continuons à vouloir exercer nos libertés d’expression, de manifestation, de réunion, etc. Le désespoir n’est pas permis parce que l’enjeu y va de l’avenir de nos enfants et des générations futures.

Bien évidemment, l’organisation est primordiale pour porter un projet politique démocratique. Créons des espaces de débat pour permettre l’élaboration d’un tel projet porté par l’esprit du Hirak. Inspirons-nous du congrès de la Soummam, de son organisation territoriale et de son projet politique pour l’indépendance de l’Algérie et prenons exemple de ce qu’ont été les réussites de démocratisation dans le monde. L’Algérie est un vaste pays avec des zones géographiques très différentes, des réalités culturelles, linguistiques et sociales diverses. Dès lors, il est impossible, pour l’heure, qu’une organisation centralisée, verticale aussi volontaire soit-elle puisse appréhender la complexité de la diversité algérienne, laquelle doit par ailleurs être considérée comme un atout et une véritable richesse.

C’est pourquoi, il est important que les militants des Hirak locaux, de tous les territoires algériens, intéressés par cette démarche, songent à se regrouper dans les formes qui correspondent aux réalités de leur terrain d’expression et de lutte en y associant les organisations de la société civile. Nous avions, pour notre part, fait appel à une conférence régionale en Kabylie retardée en raison de la répression et de l’emprisonnement des militants. Cette conférence sera l’occasion d’approfondir ce qui est énoncé dans cet appel.

C’est ainsi que nous reconstruirons l’Algérie démocratiquement par la base et que nous nous agrégerons par la suite pour former une force populaire, un front démocratique pour imposer une Conférence Nationale qui déterminera les préalables démocratiques, avec l’implication inclusive de l’armée pour leur sauvegarde- comme c’est le cas de toutes les expériences de transitions démocratiques dans le monde-, avant d’aller vers une assemblée constituante. Nous proposons aux Hirak locaux deux axes de travail sur le projet politique qui nous paraissent essentiels : la question démocratique et la question nationale. Nous attendons avec grand intérêt les réflexions et contributions de nos compatriotes sur ces sujets primordiaux.

Sur la question démocratique, notre position est de clarifier certains principes pour que l’option démocratique décidée par le peuple soit un choix irréversible et qu’aucune idéologie, quel que soit sa nature ou sa source d’inspiration, ne vienne à la remettre en cause. La souveraineté populaire est la base de la démocratie mais elle ne la résume pas, les élections sont primordiales mais elles ne la garantissent pas. La démocratie se fonde sur des valeurs que sont l’égalité et la liberté et leur corollaire le respect de la pluralité. C’est dire que l’égalité entre les citoyens, notamment entre les sexes, l’exercice des libertés individuelles et collective, le respect de la liberté de conscience et la liberté d’expression, sont des fondamentaux sans lesquelles on ne peut parler de véritable démocratie. Bien entendu, il existe différentes formes d’exercice de la démocratie en fonction des référents culturels et l’histoire complexe des nations : démocratie représentative, démocratie directe, démocratie consociative ou consensuelle, etc.… mais elles se fondent toujours sur ces valeurs qui font d’ailleurs l’objet de luttes continuelles pour les sauvegarder y compris dans les démocraties les plus avancées.

Le travail sur la sécularisation, avec la séparation du champ politique et du champ religieux, incontournable en démocratie, doit être mené, en raison de sa grande sensibilité, avec pédagogie et intelligence compte tenu des pesanteurs culturelles et des appréhensions religieuses. L’Etat civil, tel que revendiqué par le Hirak doit être inclusif, basé sur l’égalité citoyenne, quelles que soient les convictions religieuses ou philosophiques. Il est encourageant de voir dans le monde des pays majoritairement musulmans entamer, à l’exemple du Soudan, les chemins vers la sécularisation, seule solution pour la paix civile et le vivre ensemble. Rappelons également l’importance dans cette phase historique de la sortie définitivement de la conception néo-patrimoniale qui fait des institutions de l’État un moyen de régence et de domination de la société.

En plus de ces questions fondamentales, d’autres questions, méritent d’être abordées ne serait-ce que les questions liées au développement à l’économie, à la justice sociale qui conditionne fortement la conduite de la transition démocratique.

Au plan économique, la paupérisation a atteint son paroxysme entraînant un nouveau cortège de chômeurs, de pauvres, de laissés pour compte, de harraga, de faillite d’entreprises. Les territoires, censés être les fers de lance pour bâtir une économie performante, compétitive et équitable, sont abandonnés à leur sort quand ils ne sont pas muselés par une démarche bureaucratique et une politique centralisée jacobine. Cette absence totale de vision et de projet économique viable, ces contre-performances, le déclin irrémédiable des réserves de changes menacent la paix civile et la sécurité du pays.

Il va de même de la justice transitionnelle qui doit trouver toute sa place pour traiter dans la sérénité et la recherche de la vérité tous les crimes et faits liés à la politique depuis l’indépendance à ce jour.

L’Algérie sera ce que veulent en faire ses enfants. À l’instar des militants du 1er novembre 1954, lesquels, sans moyens, n’écoutant que leur courage et leur volonté d’être libres, ont réussi à défaire une puissance mondiale, les militants du Hirak armés de leurs convictions et de leur patriotisme réussiront à réaliser l’espérance d’une Algérie libre et démocratique portée par ce mouvement du peuple qui a impressionné le monde.

Les premiers signataires par ordre alphabétique:

ABDESLAM Abdenour

ADJELANE Sofiane

ARAB Amar

AFROUNE Hanafi

AIT BACHIR Ahmed

AIT BOUALI Mustapha

AIT BRAHIM Karim

AKBAL Smail

AKKOUCHE Mohand

ALIOUAT Arezki

AMARA Lhachimi

AMARA Meziane

AMAROUCHE Mhand

AMRANE Aghiles

AT WEKHAM Mahman

AZOUAOU Mourad

BACHIRI Mehiddine

BADJOU Abdelkader

BAKOUNINE Youri

BAOUZ Tassadit

BARAKA Malika

BECHAKH Lahlou

BELABBAS Mahfoud

BELDJOUDI Amel

BELLAL Noureddine

BELLIL Yahia

BEN ATHMANE Djamel

BERAMANE Youcef

BOUAICH Hani

BOUDINAR Mhana

BOUKHROUF Belkacem

BOUMEDINE Hamou

BOURAI Madani

BOUTRID Nacer

BOZETINE Ahcene

BRAHIMI Ahmad

CHAOU Smail

CHMALA Noureddine

DELLAH Mohamed

DEMMOUCHE Hewas

DJAOUD Arezki

DOUMANE Said

GACEM Mokrane

HABBI Hakim

HAFSI Hacene

HAMEL Aomar

HAMMADI Ahmed

HAMRANI Boussad

HAMRANI Said

HEMLA Maurice

HIRECHE Abdenour

HIRECHE Hacene

IFTINI Ramdane

IKHLOUFI Djamel

IKKEN Sofiane

IZEMRANE Lahcene

KEMMEL Hassen

KERSANI Aziz

KESSI Lyazid

KHALFOUN Salima

KHALI Ziad

KHOUAS Tahar

KHOUAS Sadek

LANNAK Muhend Akli

LAOUCHDI Hamid

LEBKIRI Nadir

LEFFAD Hamida

MAAKNI Hamid

MESSAOUDI Hocine

MME OUALI – TEBBANE Hayat

MOHAMED SEGHIR Meziane

MOHRI Boudjema

MOUHAOUCHE Hocine

MOULA Wezna

NAT ADDAS Akli

OUADI Farid

OUALI Sofiane

OUBACHIR Malek

OUCHENE Ouiza

OULD AMAR Tahar

OULD HAMOUDA Mokrane

OULBSIR Rachid

OUREMDANE Mohammed

OUSSALAH Halim

OUSSALAH Amar

SADI Ahmed

SAHEB Hakim

SAIDOUN

Mohamed

SARNI Mohand

SIAM Sonia

TAALABA Lynda

TARI Aziz

TOUAT Ali

TOUZENE Hachimi

WAALI Yahia

YACOUB Boussad

YAHIAOUI Hassene

YEDDOU Mohand

YESSAD Mostefa

ZOUAGHI Abbes
 

 




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