Mardi 21 mai 2019
Après plus de 30 ans, la légende Mennad retrouve la scène à Montréal
Sur invitation de l’Association les Amis de TQ5, une TV kabyle basée à Montréal, l’une des plus belles voix de la chanson moderne kabyle signe son retour sur scène. Il s’agit de la légende Mennad
Mennad donnera un spectacle le samedi 08 juin à 20 h au Patrot Le-Prevost, sis 7355 Ave Christophe-Colomb, Montreal, QC H2R 2S5. Métro Jean Talon.
Les billets seront disponibles à la porte le jour du spectacle au prix de $30, ou sinon en prévente au prix de $25 aux points de vente suivants :
– Café Tikjda, 3880 Rue Bélanger, Montréal, QC H1X 1B6
– Boulangerie Trésors Sucrés, 3640 Rue Jean-Talon, Montréal, QC H2A 1X6
– Café Mon Petite Village, 6294 Rue Jean-Talon, Saint-Léonard, QC H1S 1M8
Qui est Mennad ?
C’est en plein Djurdjura, la plus longue chaîne montagneuse de la Kabylie, qu’est né Mennad un certain 11 novembre 1954. Soit 10 jours après le déclenchement de la guerre de libération contre le colon français. Ce qui a fait dire à un journaliste que Mennad est un “Fils de la Toussaint”. C’était à l’occasion d’un de ses derniers concerts parisiens qu’il avait donné en 1988.
Mennad, originaire du village Aït Antar de la commune d’Aït Yahia, est né à Michelet, le chef-lieu de la commune mixte Djurdjura. Historiquement celle-ci est une commune créée en 1881 du nom de l’historien français Jules Michelet (1798-1874). À l’indépendance et dans le cadre de l’arabisation des noms de lieux, Michelet est devenue Ain El Hammam (Source des thermes). Asqif n-Ṭmana, le nom kabyle de la localité, étant l’ancienne entrée nord de la ville correspondant à l’ancien hameau des Ait-Sidi-Said comprenant le cimetière où est enterré le grand poète Kabyle Si Muhand u Mhand.
A travers les siècles cette région de la Kabylie a vu naître plusieurs personnalités historiques, spirituelles, politiques, sportives et artistiques. Le chanteur-compositeur Mennad, de son vrai nom Ould Slimane Mohamed, en est un. Il fait partie de cette nouvelle génération de chanteurs et groupes de la musique kabyle dite moderne. C’était la belle époque des années 70 et 80 avec Djamel Allam, Idir, Chenoud Noureddine, Sofiane, Assam Mouloud, Madjid Soula, Meziane Rachid, Medjahed Hamid, Isulas, Yugurten, Afous, Agraw, …
À la naissance de Mennad, la guerre faisait rage partout en Kabylie, et surtout à Michelet. C’est ainsi que ses parents ont dû fuir cette guerre pour venir s’installer à Alger. C’était quelques mois seulement après la naissance du futur artiste. D’abord à Clos Salembier et ensuite à Saint Eugène où les grands-parents maternels ont rejoint, deux ans plus tard, la famille Ould Slimane.
C’est dans ce quartier de Saint Eugène, peuplé majoritairement de pieds noirs mêlés de quelques familles kabyles, plutôt clairsemées, que vécut la famille de Mennad durant toute la guerre de libération et où elle demeurera après l’indépendance.
C’est à la partie haute de ce quartier européen que Mennad fut scolarisé en 1960 à l’école Saint-Augustin, qui faisait en même temps office de séminaire catholique, rattaché à la Basilique Notre-Dame-d’Afrique, une réplique contemporaine du Sacré-Coeur de Montmartre. Il y restera jusqu’au 1966, l’année où il fut admis en classe de 6ème au lycée Bugeaud où l’écrivain Albert Camus y effectua ses études secondaires. Le lycée, repabtisé Émir Abdelkader, est situé à la limite du quartier Bab El Oued et la place des martyrs.
C’est au cours de ses études primaires et secondaires que Mennad eut comme camarade de classe Mohand Akli Haddadou, le futur professeur et chercheur dans le domaine amazigh, décédé récemment. Les parents de ce dernier ont dû aussi fuir la Soummam vers Alger au début de la guerre de libération.
Ayant vécu son enfance et adolescence à Alger, Mennad aurait pu comme nombre d’enfants issus de familles kabyles “exilées” à Alger, s’éloigner de ses racines. Ce péril aux conséquences funestes fut par bonheur conjuré par la présence vigilante, tutélaire, de sa grand-mère maternelle qui prit sur elle de lui transmettre les fondamentaux de la culture kabyle. Outre une langue épurée dont Mennad conserve encore comme un souvenir d’un monde disparu. C’étaient la poésie ancienne, profane et sacrée, les vieux proverbes, les dits de la tradition, les contes et surtout les chants du terroir qui plus tard lui serviront de source d’inspiration.
La grand-mère de Mennad, Fatima (1906-2000) était un personnage haut en couleurs. Elle était tour à tour poètesse, conteuse et chamane. Lorsque dès l’année 1966, elle entreprit de faire, par épisodes successifs, son retour au village, elle fut grâce à sa personnalité charismatique, reconnue comme médiatrice dans la tribu des Ait Menguellet, puis au-delà. Ainsi les villageois lui confiaient-ils volontiers la responsabilité d’arbitrer les conflits opposant les familles et les clans.
Sa maîtrise du verbe, sa parfaite connaissance des us et coutumes, son sens aigu de la dialectique kabyle firent d’elle, sans doute, un des derniers maillons de la chaîne de transmission de l’oraliture kabyle, en somme une “Tamusnawt” dans l’acceptation mammerienne du terme.
C’est dans ce contexte que Mennad fut preparé à la prise de conscience politique de son identité kabyle lorsque, au début de l’année 1970, il fut destinataire des premiers documents de l’académie Berbère dans laquelle son père Salem (1930-2015) militait avec d’autres aux côtés de Bessaoud Mohand Arav et Abdelkader Rahmani, pour l’éveil des masses kabyles et la reconnaissance de la langue berbère en Algérie.
Mennad eut dès lors à coeur de diffuser ces documents, d’abord imprudemment, puis avec circonspection, parmi les camarades du lycée qui lui étaient proches et avec lesquels il pouvait partager son enthousiasme pour la cause berbère.
Mennad avoue, rétrospectivement, qu’il y avait quelque chose de romantisme propre à l’adolescence qui ne tardera pas à le mener à la chanson.
En mai de la même année (1970) Mennad prit contact avec Mouloud Mammeri. À l’issue de son entrevue avec lui, il lui offrit la toute première mouture dactylographiée de “Tajerrumt n Teqbaylit” qu’il a gardée à ce jour comme une relique. Il n’avait pas encore 16 ans.
De 1971 jusqu’à fin 1973 il fréquenta assidûment les cours de berbère, en même temps que d’autres, tels que Mohia Abdella, Amar Mezdad, Said Sadi, Ramdane Achab, Ferhat Mehenni, Areski Benchabane, Amar Yahiaoui, Mustapha Benkhemou, Ben Mohammed, Amar Zentar, Omar Oulamara, etc.
De l’année scolaire 1973-1974, c’est la terminale pour Mennad. Il garda un très bon souvenir de l’infatigable militant Mohamed Haroun qui était surveillant (“Pion” est le terme utilisé à l’époque) dans son lycée. Il se souvient des moments ou il aidait les élèves kabyles dans les matières de Mathématiques et de physique.
C’est aussi en 1973 que Mennad a débuté dans la chanson. Sa première composition “Imucaγ” se fit pendant les vacances estivales et l’a incité dès la rentrée scolaire à monter un groupe du nom “Imnayen”. Il n’aura duré qu’une année à l’issue de laquelle les éléments du groupe scellèrent leur amitié en enregistrant un disque 45 tours chez DDA (Diffusion des Disques d’Algérie) avec les deuc chansons “Imucaγ” et « Tizimert-tagrurt ». Pour rappel DDA est une maison d’édition algéroise chez laquelle fut édité, un an plus tard le célèbre disque 33 tours “Tacemlit” regroupant plusieurs voix de la chanson kabyle moderne.
Le 22 décembre 1973 Mennad avec son groupe Imnayen avait chanté à la Cité universitaire de Ben Aknoun avec d’autres belles voix comme Ferhat Imazighen Imoula et Chenoud Noureddine. C’était en présence de Idir et de Said Sadi qui a organisé l’évènement dans le cadre du comité des activités culturelles de la cité Ben Aknoun, se rappelle Mennad.
Le 1er mai 1974 un spectacle est organisé à la salle municipale de l’hôtel Hamadites à Tichy en présence de Djamel Allam, le groupe Isulas, Imnayen et Ferhat Imazighen Imoula. C’était ce dernier qui a contacté le groupe Imnayen pour les faire participer, se souvient Mennad.
Un mois plus tard, le groupe Imnayen s’est disloqué. Mennad a eu son baccalauréat et à la rentrée universitaire il s’est inscrit à la faculté du Droit d’Alger tout en poursuivant ses études musicales, déjà entreprises au Conservatoire d’Alger. À la même période, il a donné en solo son premier spectacle à la cité universitaire Ben Aknoun sous le nom de Mennad.
A la question posée sur le choix du nom, le chanteur qui a vécu son enfance et son adolescence à Alger explique que c’est en référence à Mennad, le père de Ziri duquel dérive le nom de la capitale Alger, Dzayer. Le fils de Mennad, Ziri, était le fondateur de la dynastie berbère des Zirides. Tout comme son petit-fils Bouloghine était le fondateur de la ville d’Alger entre 973-984, en lui donnant le nom de son père.
Mennad, après avoir terminé ses études musicales et en droit à la fin des années 70, a produit en 1980 son premier album intitulé “Amedyaz” aux Éditions Numidie Music gérée par Mohand Anemiche à Paris. L’album, intitulé « Amedyaz Bu mendayer », est composé de 10 chansons : 5 poèmes sont d’Amar Mezdad, écrivain en kabyle, un de Hadjira Oubachir, poétesse, actrice et animatrice à la chaîne II, et les 4 autres textes sont de Mennad.
À la même période, quelques années avant le décès de Slimane Azem, Mennad a participé dans l’enregistrement de plusieurs de ses cassettes au studio « Chez Denis » à Montmartre. Des cassettes avec une touche moderne qui sont sorties quelques années après sa mort.
Juste après l’enregistrement de son premier album, Mennad rentra au pays pour effectuer son service national qui dura 2 années, partagées entre Alger et Ténès. Il a d’abord passé 6 mois à Beaulieu (Maisons carrées/El Harrach), ensuite transféré à Tenes (Chlef) pour enfin revenir à Caroubier (El Harrach) pour les 6 derniers mois. C’est à Tenes qu’il a composé sa chanson intitulée « Iseyaden n Tnes ». La ville côtière de la mer Méditerranée étant connue par son port de pêche.
Après le service militaire, c’est le retour en France et 1983 fut l’année de la sortie du deuxième album de Mennad intitulé “Cebḥent tira”. L’album édité chez Numidie Music contient 12 chansons: six ont été écrites par Amar Mezdad, une par Hadjira Oubachir et les 5 autres textes sont de Mennad.
De 1991 à 1994 Mennad a poursuivi des études de langue berbère à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) où il décroche une licence de langue et civilisation berbères en 1994. Aussitôt il a entamé une maîtrise, qu’il n’a pu terminée, sur le thème suivant: “Analyse sémiotique du 1er roman de Amar Mezdad: Iḍ d wass”.
Conférence de presse de Mennad
Une semaine avant son spectacle du samedi 08 juin, Mennad donnera une conférence de presse le samedi 1er juin à 16h précises à la salle communautaire Patro-Le-Prévost, sis 7355, avenue Christophe Colomb, coin Jean Talon.