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Atmane Mazouz : « Si l’Algérie veut éviter le déclassement… »

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Tribune. « Ces derniers jours, au fil des discussions pressantes avec des amis de divers horizons, des opérateurs économiques au bord de l’asphyxie et de citoyens déboussolés, incapables de faire face à la flambée des prix et à l’insécurité matérielle qui s’installe, un constat s’impose avec une force implacable : la dévalorisation du dinar n’est pas un simple indicateur technique. C’est le symptôme d’une gouvernance en déroute, d’un système qui a renoncé à piloter le destin économique du pays et qui se contente de gérer la survie au jour le jour.

Les entrepreneurs parlent désormais en termes de survie, non plus d’investissement ; les familles parlent d’arbitrages tragiques, non plus de projets. La monnaie, élément fondamental de la souveraineté, est devenue le baromètre d’un effritement plus profond : celui de l’État, de sa vision et de sa capacité à protéger sa population.

Il faut le dire sans détour : ce qui arrive au dinar face à l’euro et au dollar n’a rien d’une fatalité. La dépréciation continue résulte d’un mode de gouvernance fondé sur l’improvisation permanente, l’opacité décisionnelle et l’incapacité chronique à anticiper.

Le Projet de loi de finances 2026 en fournit une illustration éclatante.

Les recettes prévues y sont limitées à 8 009 milliards de dinars, alors que les dépenses explosent à 17 636 milliards, creusant un déficit abyssal équivalent à 12,4 % du PIB.

Un déséquilibre budgétaire d’une telle ampleur fragilise mécaniquement la monnaie nationale : un État incapable d’équilibrer ses comptes est un État qui dévalue.

Dans un pays où plus de 90 % des recettes en devises proviennent des hydrocarbures, fragiliser le dinar revient à fragiliser l’État lui-même. Les responsables politiques qui se félicitent du rebond ponctuel des prix du baril feignent d’ignorer que la structure de l’économie demeure inchangée depuis des décennies : une économie de rente, dépendante de l’extérieur pour s’alimenter, se soigner, produire et même se projeter.

Le PLF 2026 le confirme : 657 milliards de dinars sont encore nécessaires pour subventionner les produits de large consommation (céréales, lait, huile, farine), massivement importés. Chaque glissement du dinar renchérit ces importations, creuse la facture extérieure et alimente l’inflation.

L’État, pour maquiller ses déficits, joue sur la dépréciation monétaire comme on manipule un artifice comptable. Le gonflement artificiel des recettes en dinars issues des exportations d’hydrocarbures, par le simple jeu du taux de change, n’est pas une stratégie économique : c’est un leurre. Dans le PLF 2026, la masse salariale représente 33,6 % du budget, soit 5 926 milliards de dinars, preuve qu’une grande partie des ressources sert à maintenir une administration hypertrophiée plutôt qu’à investir dans la création de richesse. Le reste est absorbé par les transferts sociaux, qui atteignent 2 812 milliards de dinars, dont plus de 420 milliards pour l’allocation chômage et 424 milliards pour les retraites. Tout cela pour soutenir une société affaiblie, mais sans créer les conditions de sa résilience.

La Banque d’Algérie, qui devrait être le dernier rempart contre l’arbitraire, n’est plus qu’une chambre d’exécution. Son absence d’indépendance et le silence opaque qui entoure ses décisions privent le pays d’un outil essentiel de stabilisation.

Lorsqu’une banque centrale cesse d’être un acteur crédible pour devenir un instrument politique, la monnaie cesse d’inspirer confiance. Et lorsque la confiance disparaît, toutes les digues cèdent.

Dans les marchés et les foyers, cette crise se traduit par une inflation brutale. L’essentiel des produits étant importés, chaque glissement du dinar entraîne mécaniquement une hausse des prix. Le PLF 2026 table sur une croissance de 4,1 %, présentée comme la preuve d’un redressement hors hydrocarbures.

Mais cette projection repose davantage sur la communication que sur une dynamique réelle : aucune politique industrielle structurée, aucune stratégie agricole souveraine, aucune vision pour l’innovation.

Le pari gouvernemental sur une croissance « non pétrolière » relève davantage du vœu pieux que de la planification.

Pendant ce temps, l’informel prospère. Le fossé entre le taux officiel et le taux parallèle des devises traduit une vérité simple : les Algériens ne croient plus en la valeur de leur monnaie. Et comment pourraient-ils y croire quand l’économie formelle est accablée par l’arbitraire administratif, l’instabilité réglementaire et l’absence de visibilité ?

Depuis plus de vingt ans, l’Algérie est privée d’une vision économique cohérente. Les institutions qui devraient contrôler, réguler, alerter ou corriger ont été neutralisées. Le Parlement n’exerce aucun contre-pouvoir réel. La Cour des comptes est muselée. Les autorités de régulation sont devenues symboliques. Dans ce contexte, les dépenses publiques sont orientées selon des priorités politiques, non économiques.

Ainsi, pour la quatrième année consécutive, plus de 20 % du budget général est consacré à la défense. Sans débat, sans transparence. Un choix qui dit tout : préserver le système avant de préserver la société.

Dans un tel paysage, comment s’étonner que la confiance internationale se soit effondrée ? L’opacité totale qui entoure les conditions d’investissement, l’arbitraire des décisions administratives, l’instabilité fiscale et réglementaire éloignent les partenaires sérieux. Le pays se retrouve isolé au moment même où sa monnaie se dégrade et où son économie s’étouffe.

Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas un simple débat technique sur la valeur du dinar : c’est un enjeu de sécurité nationale. Une monnaie qui s’effondre affaiblit l’État, ses institutions et sa souveraineté. Plus le dinar chute, plus le pays dépend des financements extérieurs, des importations vitales, du bon vouloir de ses partenaires. Une trajectoire dangereuse pour un pays doté de ressources considérables, mais incapable d’en faire un moteur de prospérité.

Face à cette situation, il faut rappeler que la stabilité d’une nation ne repose ni sur des manipulations monétaires ni sur des artifices comptables.

Elle repose sur la transparence, sur l’État de droit, sur des institutions solides et sur la création de richesse. Redresser le dinar exige une réforme profonde de la gouvernance économique, une indépendance réelle de la Banque d’Algérie, un investissement massif dans la production nationale, et une réorientation des dépenses publiques vers l’avenir plutôt que vers la survie.

La dévalorisation du dinar est le miroir d’un système politique à bout de souffle, incapable de se réformer, sourd aux alertes, détaché des réalités vécues par le peuple. C’est un avertissement majeur : un pays qui laisse glisser sa monnaie sans stratégie laisse glisser avec elle sa stabilité, sa cohésion et sa souveraineté.

Si l’Algérie veut éviter le déclassement, elle doit ouvrir sans délai la voie à un changement de gouvernance, à une transition démocratique et à une modernisation économique capable de répondre aux attentes de ses citoyens comme aux défis du monde. L’heure n’est plus aux expédients ni aux discours rassurants. L’heure est à la vérité, à la responsabilité et au courage politique.

C’est la survie du pays qui se joue maintenant.

Atmane Mazouz 
Président du RCD

Cette tribune nous a été envoyée par son auteur.

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